Le 20 avril a marqué le dixième anniversaire de l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, que BP opérait pour forer en eaux très profondes dans le golfe du Mexique et qui a provoqué la pire marée noire de l'histoire des États-Unis. La bataille juridique qui s’en est suivie a abouti au plus grand règlement de dommages environnementaux pour lequel la major britannique continue de payer…
C’est sur une promesse – la neutralité carbone d’ici à 2050 – que l’irlandais Bernard Looney a théâtralisé son entrée le 12 février à la tête de BP, la major pétrolière britannique qui émet 415 Mt de CO2 par an. Quelques jours auparavant, son successeur avait également mis en scène sa sortie. Bob Dudley avait été nommé à la direction générale du groupe en 2010 dans des conditions exceptionnelles, peu de temps après l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon. Une bonne partie de son mandat aura été consacrée au redressement des comptes pour avoir provoqué la plus grosse marée noire de l'histoire américaine à la facture exorbitante de 70 Md$.
En une décennie, la firme britannique a multiplié les cessions d'actifs à coups de milliards pour payer les différentes amendes, indemniser les victimes et nettoyer les côtes américaines. La compagnie n’a toujours pas fini d’expier (elle a encore versé 2,4 Md$ en 2019 et versera un peu moins d’un milliard en 2020) pour avoir souillé 149 000 km2 et déversé 4,9 millions de barils pendant 87 jours. Elle reste d’ailleurs plus endettée que ses pairs du fait de cet héritage noir.
Restauration écologique toujours en cours
À l’occasion de ce triste anniversaire, un rapport de la National Wildlife Federation (A look at gulf restoration after the Deepwater Horizon disaster) fait le point sur la situation d’une dizaine d’espèces de faune et de flore qui avaient été touchées et sur les activités de restauration en cours. « Dix ans après la catastrophe, la faune et les communautés en ressentent encore les effets. Si nous pouvons être fiers de l'extraordinaire processus de restauration écologique en cours, nous devons également rester vigilants et prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter qu'une catastrophe de cette ampleur ne se reproduise », introduit dans ce rapport Collin O'Mara, le président de la National Wildlife Federation.
L'organisation environnementale Oceana publie également une étude à l'occasion de cet anniversaire appelant à l’arrêt de l’exploration offshore. « Le forage en mer est toujours aussi sale et dangereux qu'il y a dix ans. Une autre catastrophe est plus probable aujourd'hui, car l'industrie pétrolière fore plus profondément et plus loin en mer », dénonce Diane Hoskins, directrice de l’association. « Au lieu de tirer les leçons de la catastrophe de BP, le président Trump propose d'étendre les forages, tout en démantelant les quelques protections mises en place suite à la catastrophe. »
Pour une stratégie d'investissement plus sobre
BP communie désormais dans un idéal de sobriété énergétique. À peine en place, Bernard Looney, qui dirigeait depuis 2016 la branche d’exploration et production de la major, a eu la main lourde sur les objectifs verts. Le groupe promet de réduire de 7 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2025, en limitant les fuites de méthane – un gaz émis lors du forage d'hydrocarbures et dix fois plus nocif que le CO2 – et en améliorant l'efficacité énergétique de ses raffineries. Il promet aussi d’investir 500 M$ par an dans des activités « bas carbone ». Quelques jours après sa nomination, le dévot Bob Dudley annonçait que BP allait quitter trois associations pétrolières américaines ne respectant pas les objectifs en matière de lutte contre le changement climatique. Des noms ? L’AFPM (American Fuel and Petrochemical Manufacturers), la WSPA (Western States Petroleum Association) et la WEA (Western Energy Alliance).
Adeline Descamps