Céréales, l'enfant terrible des vracs

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La campagne, qui s’est achevée au 30 juin 2019, ne marquera pas les annales de l’épi de blé gaulois, principale céréale française exportée. Mais celle qui a débuté au 1er juillet s’annonce toute différente. Cependant, les récoltes ont été aussi bonnes dans les autres pays, augurant d’une concurrence accrue. Pour ne pas être exclue de la compétition, la filière française est invitée à revoir ses schémas de pensée…

Il est un domaine dans lequel la France (pour-tant terrienne) s’est fait tailler des croupières mais dont on parle peu. Il y a dix ans, la France était le deuxième exportateur de céréales de la pla-nète derrière les États-Unis et le premier d’Europe. Aujourd’hui, l’Hexagone est au dixième rang mondial et au troisième européen, derrière l’Allemagne et la Pologne dans l’Union, et par la Russie et l’Ukraine plus à l’Est.

Cette redistribution des cartes n’est pas étrangère à la politique agricole volontariste des gouvernements allemand, polonais et russe, pendant que la France faisait d’autres choix. Pourtant, avec un chiffre d’affaires de 1,5 Md€, les céréales jouent dans une caté-gorie comparable aux vins (2,3 Md€) et aux avions (2,2 Md€)... sans pour autant susciter le même intérêt. Cela se traduit par une concurrence accrue sur les marchés que les producteurs français considéraient comme leur chasse gardée, l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb. Russie et Ukraine ont profité d’un moment de faiblesse il y a trois ans après une moisson fran-çaise plus que moyenne. « En Afrique occidentale, la France est passé de 30 à 15 % de parts de marché depuis la campagne 2015/2016. Les Russes, eux, pro-gressaient de 275 % », observe Thierry de Boussac, trading manager chez Lecureur SA.

Ce qui avait d’abord été considéré comme un épi-phénomène – la conséquence d’une difficulté ponc-tuelle à fournir – s’est ensuite maintenu et ancré dans le temps. D’autant que les dernières moissons n’ont pas toujours été à la hauteur. Ainsi sur la campagne 2018/2019, la production française a été de « seulement » 34 Mt quand elle « tourne » habituellement à 37 millions, et « avec une qualité amoindrie à cause des mauvaises conditions climatiques ».

La production au rendez-vousPour la campagne 2019/2020, qui a débuté au 1er juillet, le contexte est différent. La production nationale est bien là, tant en quantité – elle atteint près de 39 Mt de blé – qu’en qualité. Comme à l’ha-bitude, elle a démarré en fanfare, parce qu’il fallait vider les silos pour faire place à ce qui venait d’être moissonné. Août est normalement calme. Mais déjà les commandes sont là pour septembre et octobre.Cependant, les récoltes ont été aussi bonnes dans les autres pays, la production mondiale atteignant des sommets. Et l’on annonce déjà des incursions russes sur le marché algérien, considéré jusqu’à présent comme un marché captif pour les Français.

« Ce n’est pas la peine de se battre contre eux », bat en retraite Vincent Poudevigne, directeur général de la Sica Atlantique à La Rochelle. « Nous devons changer de vocabulaire et arrêter de parler de surplus de récolte, de disponible exportable. Le client, qu’il soit à 200 ou 4 000 km, a besoin d’être fourni de manière régulière. Nous devons respecter les exigences des meuniers africains, comme ceux à 200 km. » Lisser la production sur l’année apparaît en effet comme un des grands enjeux d’une filière qui pratiquerait une spéculation aux effets contre-productifs.

Myriam Guillemaud-Silenko

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