Le Conseil interministériel de la mer de 2017 avait prévu de profonds changements dans l’organisation de l’ENSM. Où en êtes-vous ?
Caroline Grégoire : Le CIMer 2017 a réorganisé l’école sur quatre sites : Marseille, Nantes, Saint-Malo et Le Havre, avec l’idée de ne pas trouver deux fois la même formation sur deux sites différents. La filière polyvalente pour la formation des officiers se fait donc à Marseille pour les trois premières années et ensuite au Havre pour les deux dernières années. Là où sont aussi formés les officiers chefs de quart passerelle. La formation des officiers chefs de quart machine est, elle, délivrée à Saint-Malo. L’ENSM quittera en 2023 le site historique intra-muros pour de nouveaux locaux situés à Paramé, à proximité de l’IUT et du lycée professionnel maritime.
Il est aussi prévu que l’ENSM quitte les locaux nantais historiques de l’Hydro, situés en centre-ville, pour rejoindre le campus de l’École Centrale. Ils seront prêts pour la prochaine rentrée. La ministre de la Mer Annick Girardin a posé la première pierre en septembre. Nantes forme encore cette année des électrotechniciens, et cette formation d’un an sera reconduite l’année prochaine à la demande des armateurs. Mais la spécialisation du site de Nantes est la formation d’ingénieurs en génie maritime, et non de navigants.
Les quatre sites ont vocation à délivrer de la formation continue, mais la majorité des stages, qui durent 1 à 4 jours, ont lieu à Marseille. Le pilotage de la formation continue, comme tous les services à vocation nationale, rejoindra le siège du Havre où la relocalisation de tous les services supports a été achevée en 2020.
À l’issue du Fontenoy du maritime, le gouvernement vous demande de doubler le nombre d’officiers formés à l’ENSM. Comment comptez-vous procéder ?
C.G. : Les déménagements de Nantes et Saint-Malo ont pris du retard avec l’épidémie, et nous nous engageons donc dans la mise en œuvre du Fontenoy alors que le CiMer de 2017 n’a pas encore produit tous ses effets. Outre la réorganisation en profondeur, il faut répondre aux besoins de l’économie maritime, les armateurs notamment réclamant davantage d’officiers. Si l’on augmente les effectifs, il faut accroître l’attractivité de la filière afin de maintenir un recrutement de qualité. Nous devons aussi adapter nos moyens pédagogiques et sommes toujours à la recherche de personnes d’expérience, ayant navigué. Les salaires étant moins attractifs que ceux des navigants, nous valorisons ces fonctions d’enseignement en y adjoignant des projets techniques ou de recherche.
Comment attirer davantage d’étudiants vers vos formations ?
C.G. : Il faut montrer le bouillonnement de la profession pour intéresser les jeunes : un marché de l’emploi positif, des défis environnementaux et techniques avec par exemple de nouveaux carburants ou la propulsion vélique… Nous devons aussi sélectionner les meilleurs, les plus motivés, qui s’engagent dans une carrière que l’on souhaite la plus longue possible. La qualité de notre formation et l’expérience acquise à bord leur permettent aussi, s’ils souhaitent revenir à terre pour une deuxième carrière, de mettre à profit leur expérience sur des postes sédentaires dont les armateurs ont aussi besoin.
À la sortie des formations, les taux d’emploi sont satisfaisants : 90 % des officiers monovalents et 94 % des officiers polyvalents ont un emploi trois mois après l’obtention de leur diplôme, avec un salaire brut de 40 000 à 50 000 € annuels. En 2022, l’ENSM apparaîtra dans le classement des écoles d’ingénieurs et nous espèrons que cela participera à l’attractivité de l’école et du métier.
Où en sont les effectifs ?
C.G. : En 2021 le nombre de dossiers sur Parcoursup a augmenté de 45 %, alors qu’il y avait précédemment une légère diminution du nombre de candidats à l’admission. À la rentrée 2021, pour les formations initiales, 152 jeunes ont commencé une formation d’officier polyvalent, 42 d’officier machine et 32 d’officier de pont. Au total, nous avons déjà augmenté d’une cinquantaine le nombre de nos étudiants. Le doublement est prévu d’ici 2027, avec une clause de revoyure en 2024.
La montée en puissance sera progressive. Dès l’année prochaine, nous aurons 60 à 80 étudiants de plus sur nos bancs. Nous n’en connaissons pas encore la répartition entre les différentes filières de formation : nous avons fait une proposition aux armateurs en fonction de nos capacités et nous en débattons actuellement avec eux.
Quelles sont, justement, les demandes des armateurs ?
C.G. : Les armateurs ont besoin d’officiers machine, de pont et polyvalents. Ils demandent une vraie valeur ajoutée, permettant de travailler sur des navires spécifiques, à haute technologie. CMA CGM, par exemple, avec sa flotte au GNL, recherche des officiers polyvalents formés en France et disposant des brevets requis pour ces navires.
Si la propulsion vélique n’est pas encore utilisée de manière industrielle, l’ENSM développe déjà des cours spécifiques pour des officiers qui navigueront sur des navires mixtes qui utiliseront le fuel, l’hydrogène et la voile. La plus-value des officiers français est leur capacité à s’adapter, par exemple en matière de cybersécurité. Nous disposons pour cela depuis un an au Havre de la plateforme MARINS, qui permet de simuler des cyberattaques pour améliorer la réaction des officiers.
Propos recueillis par Étienne Berrier