Afrique, l'expansion portuaire à tout prix

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Sur les 752 millions de conteneurs maritimes manutentionnés dans tous les terminaux à conteneurs du monde en 2017 selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Unctad), l’Afrique a apporté son écot à hauteur de 32 millions de conteneurs, dont 7,55 MEVP pour les marchés de l’Afrique centrale et de l’Ouest. En clair, la zone est encore très largement en dessous du potentiel réel que représentent le marché de consommation et les bassins d’exportation de l’Afrique de l’Ouest et du centre. L’indice du nombre de conteneurs manutentionnés par 1 000 habitants reste en effet inférieur à 5/1 000 contre moins de 20/1 000 pour le reste de l’Afrique et plus de 120/1.000 pour les ports d’Asie. Pour autant, les manutentions ont doublé en 10 ans. Aucun port de ce marché ne manutentionnait plus de 500 000 conteneurs en 2007 alors qu’en 2017, Lomé et Lagos sont devenus millionnaires et Tema devrait intégrer le cénacle des ports millionnaires. Il sera alors le 4e port africain si on intègre Luanda qui avait manutentionné plus d’un million de conteneurs en 2014.

Le visage portuaire africain change. La croissance des ports du golfe de Guinée (de San Pedro à Lagos) est désormais supérieure à celle des deux autres rangées portuaires (Dakar-Monrovia et Douala-Luanda). La concurrence portuaire s’accentue au fil des ans et la modernisation des interfaces n’y est pas étrangère, ce qui a permis la montée en puissance de ports comme Lomé ou Cotonou. Lomé s’est imposé comme le premier port à conteneurs en Afrique de l’Ouest, multipliant par quatre ses manutentions en une décennie. Au-delà des statistiques, le port togolais est aussi et surtout celui qui a été choisi comme hub régional par MSC, l’armement le plus en croissance sur la zone. Tema (Ghana) a dorénavant largement surpassé son éternel rival régional Abidjan (956 000 contre 630 000 EVP en 2017) et s’impose comme la principale porte d’entrée de la côte occidentale et des marchés enclavés sahéliens.

9 projets de terminaux

Malgré son million de boîtes manutentionnées, le port du géant nigérian Lagos continue de décliner (– 550 000 EVP par rapport à 2014) et de perdre des parts de marché, pâtissant de la congestion de son hinterland. Dakar (Sénégal) ne décolle guère en dépit d’une localisation a priori géostratégique: il aurait pu prétendre à être un port d’entrée et de sortie pour la zone vers Med-Europe et port d’appel WECA pour l’Asie. Si les ports secondaires affichent tous peu ou prou le même rythme de croissance, sans qu’aucun ne se départisse des autres de manière significative, ils restent essentiels pour leur économie nationale. C’est la mission de Conakry (Guinée), Freetown (Sierra Leone) ou encore Monrovia (Liberia).

L’Afrique est loin d’avoir tout dit: les projets de terminaux maritimes conteneurisés (9 en Afrique de l’Ouest et centrale) en construction totalisent 13,6 MEVP, dont 6,7 millions concentrés dans le golfe de Guinée, ce qui triplera la capacité actuellement en opération et rendra âpre la concurrence entre Tema et Abidjan. Lekki (Nigeria) doit délester Lagos et Apapa-Lagos tout en absorbant la croissance espérée dans le Sud-Ouest du pays.

Dans un horizon de 5 ans, Badagry et Ibom (2,3 MEVP) devraient ajouter deux autres solutions portuaires à l’immense marché du Nigeria. Cette projection s’inscrit dans une nouvelle concurrence à venir avec la nouvelle infrastructure de Kribi, inaugurée en mars 2018 et qui a pour double ambition de devenir un hub concurrent de Pointe-Noire et un port gateway pour les marchés enclavés de l’Afrique centrale.

Yann Alix

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