La compagnie japonaise s'est engagée à financer pour 1 milliard de yens des opérations de dépollution des rivages suite au naufrage du vraquier responsable d’une marée noire dans l'océan Indien. Cet engagement est distinct des dédommagements à l'Île Maurice, qui pourrait ne pas obtenir la somme attendue. Port Louis n’a pas signé le Protocole de 1996 modifiant la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes.
Mitsui OSK Lines contribuera à hauteur de 1 milliard de yens à la dépollution des rivages de l'île Maurice après le naufrage du Wakashio, a assuré la compagnie qui affrétait le vraquier responsable d’une fuite d'hydrocarbures dans l'océan Indien. Appartenant à la compagnie japonaise Nagashiki Shipping, le navire de 203 130 tpl battant pavillon panaméen s'est échoué sur la côte sud-est de l'île Maurice, le 25 juillet provoquant une catastrophe écologique marine après s'être séparé en deux le 15 août. Si des opérations menées avant la rupture de la coque ont permis de pomper une partie du fuel, quelque 1 000 t de carburant se sont déversés en mer tandis que la poupe surmontée de la superstructure demeure échoué sur le lieu du naufrage.
Le vraquier, en provenance de Chine et en route vers le Brésil, avait à bord 3 900 t de LSFO mais n’avait pas de cargaisons. La route passant par Maurice est une voie maritime clef pour les expéditions de minerai de fer vers la Chine depuis le Brésil, qui fournit un tiers du milliard d’importations du géant asiatique vorace en acier.
Secteurs de la pêche et du tourisme en bénéficiaires
L’armateur a annoncé au cours d’ue conférence de presse, tenue ce 11 septembre, qu’il allait participer pendant plusieurs années aux mesures de dépollution, notamment avec « des projets visant à protéger les espaces de mangroves et les coraux ». Il s’engage en outre à abonder un fonds pour restaurer l'environnement local. « Le propriétaire du navire assume la responsabilité juridique principale, mais nous, en tant qu'affréteur du navire, devons assumer une responsabilité sociale et prendre les mesures appropriées, car cet accident a eu un impact significatif sur l'environnement et la vie de la population de Maurice », a déclaré le président de Mol, Junichiro Ikeda, auprès des médias.
Dans le détail, Mol prévoit ainsi une enveloppe de 800 millions de yens pour abonder sur plusieurs années le fonds de compensation et 100 millions de yens à plusieurs ONG locales et des fonds accrédités par le gouvernement mauricien et les Nations unies. En outre, la compagnie s’est engagée à apporter « un soutien aux industries locales de la pêche et du tourisme » tout en précisant que les choses doivent être affinées ultérieurement.
Cette aide financière est distincte de demandes de dédommagement des autorités de l'île Maurice, dont le montant n'a pas encore été déterminé, a assuré Junichiro Ikeda
34 M$ exigés par Port Louis
Le média japonais Kyodo News avait révélé début septembre que le gouvernement mauricien exigerait la somme de 34 M$ pour dommages et intérêts. Une somme que Port Louis prévoit d'utiliser pour aider ses secteurs vitaux de la pêche et du tourisme et notamment pour la construction de 100 chalutiers.
Alors que l'enquête sur l'accident par les autorités mauriciennes est toujours en cours, plusieurs médias ont rapporté la semaine dernière que les autorités panaméennes pointaient le niveau de compétence des marins à bord du Wakashio sur la base des premiers éléments résultant de son enquête. Elle relaie ce qui a filtré d’autres rapports, à savoir que l’équipage fêtait un anniversaire lorsque l'accident s'est produit et que le Wakashio se serait écarté de son plan de navigation.
Mais rien d’officiel n’étaye ce point. Immédiatement, après l’accident, les premiers éléments apportés par l’autorité maritime du Panama sur la séquence des événements laissaient entendre que le navire avait été contraint de changer de cap en raison de conditions météorologiques défavorables.
Le capitaine et un autre membre de l'équipage ont été entendus par la police mauricienne. L'équipage a été fourni par la compagnie Hongkongaise Anglo-Eastern, qui a fait savoir par l’intermédiaire de ses relations publiques (MTI Network) qu’elle « attendait les résultats de l’enquête du gouvernement mauricien ».
Dossier relevant de la Convention LLMC
Selon le cabinet Clyde & Co, interrogé par le Lloyd’s, le montant total de l'indemnisation pourrait ne pas dépasser les 18 M$ sur la base de la jauge brute du navire. Le dossier du Wakashio ne relèverait pas de la couverture d’assurance standard mais devrait être traité dans le cadre de la Convention Bunker de 2001. Cette convention prévoit une couverture d'assurance au tiers obligatoire, en pratique fournie par les clubs P&I, ce qui permet aux assureurs de prendre en charge directement le nettoyage et les pertes de pollution des soutes. Mais les propriétaires ont le droit de limiter leur responsabilité conformément à la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1976 (dite Convention LLMC, Limitation of Liability for Maritime Claims).
La limitation de responsabilité des opérateurs est un principe traditionnel en droit maritime. La Convention du 19 novembre 1976 est l'instrument de référence sur la responsabilité civile pour le transport maritime. Dans certains domaines, les États membres de l’OMI se sont accordés sur la nécessité d'une indemnisation plus élevée et sur l'obligation de souscrire une assurance.
Echeveau complexe de règles d'indemnisation
Trois conventions de l'OMI régissent ainsi des risques spécifiques : la Convention de 1992, sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, la convention de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses et la Convention de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Ces règles constituent un écheveau particulièrement complexe de règles d'indemnisation qui varient selon les États, selon qu'ils les ont ratifié ou non, et suivant les risques.
Le Protocole du 2 mai 1996 a modifié la Convention LLMC pour en actualiser les plafonds d'indemnisation et intégrer l'adoption ou de la modification d'autres instruments internationaux. Il est entré en vigueur le 13 mai 2004, une fois remplie la condition d'une ratification par dix États (entre temps, le naufrage du chimiquier italien Ievoli Sun a constitué une illustration de l'insuffisance de l'indemnisation prévue dans le cadre de la Convention).
Or, l’Île Maurice n’a pas signé ce protocole vertu duquel elle aurait pu prétendre à environ 43 M$.
Adeline Descamps