Quels seront les effets post-traumatiques du Covid-19 sur le secteur de la croisière ?

 

Des épisodes dramatiques, le secteur de la croisière saura-t-il tirer les leçons ? Et les ports de croisières s'adapteront-ils à ce risque nouveau qu'est une épidémie ? Une fois notre liberté recouvrée, seriez-nous prêts à embarquer sur un paquebot sans éprouver à nouveau un sentiment de confinement ? L’après Covid-19 pose des questions essentielles pour l’avenir du secteur de la croisière. ​

Les modalités ouest-européennes du déconfinement sont déjà débattues alors même que personne ne sait exactement quand prendra fin le confinement. C’est un peu comme évoquer les plans de continuité des activités portuaires pour toutes les commodités alors que l’on ne sait que faire des derniers navires de croisière qui errent en attente d’une âme régalienne charitable. La fin du calvaire des navires Zaandam et Rotterdam en escale sanitaire à Port Everglades s’avère en quelque sorte symptomatique des effets actuels du Covid-19. Les autorités (fédérale, provinciale et portuaire) ont fini par céder et à laisser débarquer les passagers, reconnaissant qu’il y avait beaucoup de citoyens américains sur ces deux unités de taille moyenne, propriété de la compagnie Holland America Line, elle-même appartenant à la toute puissante maison mère américaine Carnival Corp.

Les citoyens britanniques et canadiens disposeraient eux aussi de conditions particulières. Ce déconfinement progressif pose la question du sort des passagers d'autres nationalités, peut-être tributaires de l’efficacité de leurs chancelleries respectives pour négocier leur débarquement, leur prise en charge à terre et finalement leur rapatriement. On n’ose ici aborder le cas spécifique des personnels navigants qui ne sont, en majorité, pas américains, contractés par des sociétés spécialisées principalement localisées en Asie du sud-est. Sans évoquer non plus les différences possibles de considération envers le capitaine du navire et le simple graisseur en salle des machines.

Cet épisode dramatique pose une série de questions essentielles pour l’avenir du secteur de la croisière qui connaissait une croissance sans faille depuis plus de vingt ans et qui comptait sur l’explosion annoncée du marché chinois pour atteindre les 30 millions de passagers à l’horizon 2023.

Annihiler le « sentiment de confinement » du bateau

Une fois déconfiné, seriez-vous prêt, vous, à embarquer sur un navire de croisière pour fêter votre liberté recouvrée ? Largement dominée par une clientèle senior (particulièrement dans la zone Caraïbe), les conséquences psychologiques que vivent les personnes confinées seront-elle surmontables rapidement pour que les compagnies maritimes remplissent les réservations après une demi-année sans activité ? 

Ensuite, comment les armements de croisière vont-ils pouvoir apporter des ajustements afin d’annihiler le « sentiment de confinement » du paquebot, aussi géant et prestigieux soit-il ? Les navires de croisière de dernière génération constituent une attraction en soi. Avec la profusion des activités ludiques, sportives et culturelles, le navire n’est plus un moyen de transport mais une destination qui se meut, de villes historiques en îles paradisiaques. Dans le modèle commercial des armateurs spécialisés, les croisiéristes sont incités à la dépense à bord. Comment, dans les circonstances sociales et sociétales qui se profilent, réinventer et réenchanter l’expérience à bord en incluant les questionnements légitimes des futurs croisiéristes sur le risque possible d’un Covid épisode 2 ?

Nouvelles protections sanitaires et humanitaires à prévoir

Alors qu’il existe des ports-refuges définis essentiellement pour répondre à des avaries majeures, comment les ports commerciaux de croisière vont-ils s’adapter pour intégrer dans leurs opérations et leur politique commerciale les leçons du Covid-19 ? Comment les autorités portuaires vont-elles pouvoir innover pour inclure ces nouveaux facteurs de risques pandémiques dans leur gestion intégrée de l’escale ?

Comment pouvons-nous protéger les marins, de quelque grade et de quelque fonction soient-ils, face à des situations aussi paroxystiques que celles nous vivons depuis plus de deux mois maintenant ? On nous parle à grand renfort médiatique des personnels essentiels qui assurent la continuité de services tout aussi essentiels, pour ne pas dire vitaux. Mais si 90 % du commerce mondial se réalise par voie maritime, comment alors ne pas évoquer le statut des personnels navigants dans un marché libéral post-épidémique ? Quelles nouvelles protections sanitaires et humanitaires peuvent-elles être envisagées pour que la croisière continue de faire rêver et que la marine marchande continue de créer des vocations ?

Yann Alix, délégué général de la Fondation Sefacil, centre de ressources et de recherche sur les stratégies portuaires et maritimes

 

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