Un Brexit sans accroc grâce à l’anticipation des infrastructures et des services publics : c’est ce qu’avait annoncé le port de Dunkerque, comme bien d’autres places concernées par les échanges avec les îles britanniques. Le port du Nord bénéficie en outre, du fait de sa géographie et des choix armatoriaux, d’une véritable dynamique dans la réorganisation des flux post-Brexit.
Pari tenu pour DFDS sur Rosslare : l’armement danois, qui avait mis en place le 2 janvier une liaison directe entre Dunkerque et Rosslare avec trois rouliers pour contourner le land bridge reliant l’Irlande au continent via la Grande-Bretagne, a annoncé le 4 mars avoir rempli son objectif. À savoir, 10 000 unités fret transportées en deux mois pour ce nouveau service ro-ro. Motivée, la compagnie va renforcer les capacités de cette ligne. À partir du 1er avril prochain, l’Ark Dania, d’une capacité de 188 unités fret, vient s’ajouter aux trois unités déjà exploités entre Dunkerque et Rosslare.
« Il sera le navire amiral de notre route, déclare Aidan Coffey, directeur des routes pour DFDS Seaways Ireland. Très maniable, il pourra transporter une cargaison diversifiée : principalement des remorques non accompagnées et 12 camions avec chauffeurs. Cet ajout à notre service permettra de libérer de la capacité sur nos trois autres navires pour plus de camions accompagnés par un chauffeur. Nous faisons face à une forte demande émanant de tous les secteurs de l'industrie qui cherchent à utiliser la route directe vers le nord de l'Europe centrale. »
De fait, DFDS peut se satisfaire d’un taux de remplissage « supérieur à 90 % » et met en avant la facilité d’une liaison maritime directe entre l’Irlande et le continent pour les camions, sans passage par les routes anglaises et galloises. D’autant que des procédures douanières plus strictes sont annoncées pour le 1er juillet prochain.
Containerships lance un nouveau service au départ de Dunkerque
Tête de pont
Le port nordiste affiche fièrement son statut de tête de pont du continent vers la verte Érin. « Avec huit rotations hebdomadaires depuis et vers l’Irlande, Dunkerque est devenu, en l’espace de quatre mois, le port continental européen affichant le plus grand nombre de rotations de services rouliers vers l’Irlande », assure le directeur général par intérim du port, Daniel Deschodt.
L’Irlande n’est d’ailleurs pas la seule destination visée par le port flamand puisque le Brexit, paradoxalement, offre à Dunkerque des opportunités pour renforcer ses liaisons maritimes vers la Grande-Bretagne elle-même. Containerships avait ajouté dès novembre 2020, en préparation du Brexit, une nouvelle escale à Dunkerque sur sa ligne reliant Rotterdam à Dublin.
DFDS ouvre une liaison ferry entre Dunkerque et Rosslare
Connecté à 23 ports du Royaume-Uni
La filiale du groupe CMA-CGM spécialisée dans le transport shortsea européen pour les conteneurs, a lancé en janvier dernier un nouveau service qui relie cette fois Dunkerque aux ports anglais de Bristol et Liverpool. Il ne s’agit donc plus de contourner la Grande-Bretagne, mais de mieux la desservir. Avec des conteneurs plutôt que des remorques routières, pour faciliter le passage en douane et éviter du temps d’attente aux chauffeurs. Et avec dans l’idée de faire de Dunkerque, à nouveau desservi par les plus grands porte-conteneurs CMA-CGM de la ligne FAL1, un hub de transbordement pour relier les ports anglais aux grandes lignes conteneurisées deep sea.
Dunkerque sur les écrans radars de la ligne FAL 1 de CMA-CGM
Trafic en hausse de 30 %
« À ce jour, quelque 23 ports de Grande-Bretagne et d’Irlande sont connectés à Dunkerque au travers de flux réguliers, pour un trafic global de 17 Mt. Plus que jamais, Dunkerque s’affirme donc en tant que port des îles Britanniques », souligne la présidente du conseil de surveillance du port, Emmanuelle Verger.
Seule ombre au tableau : un ralentissement sur les flux transmanche a été constaté depuis le début de l’année. Mais le port souligne que cette situation « était attendue suite au phénomène de sur stockage constaté en fin d’année dernière. Sur les deux derniers mois de 2020, le trafic fret avait en effet bondi de près de 30 %. Il s’ensuit une baisse actuelle peu ou prou équivalente. Le fort repli des trafics de véhicules de tourisme et de passagers s’affiche, quant à lui, en continuité de celui constaté depuis plusieurs mois. Il continue à refléter les restrictions de déplacement en cette période de crise pandémique. » Pas de nature à inquiéter Dunkerque quant au rôle que le port entend jouer dans la desserte post-Brexit des îles britanniques.
Étienne Berrier