L’association, créée pour inciter les banques, organismes de crédit et garants financiers à verdir leurs prêts, a publié son premier rapport. Seuls trois de ses adhérents sont dans les clous des objectifs climatiques de l’OMI. Soit 20 % des financements maritimes.
Être une banque maritime responsable reste pour l’heure une noble intention à en juger par la publication du premier rapport de l’association Poseidon Principles, Poseidon Principles Annual Disclosure Report 2020. Seuls trois des quinze portefeuilles de prêts de ses membres s'alignent sur des objectifs climatiques. En l’occurrence ceux fixés par l'Organisation maritime internationale (OMI) au transport maritime : réduire d'ici 2050 les émissions annuelles totales de gaz à effet de serre d'au moins 50 % par rapport à celles de 2008.
Lancée en juin 2019, l’initiative, désormais connue sous l’appellation des Principes de Poséidon, vise à fournir aux bailleurs de fonds un cadre de référence pour leur permettre de verdir leurs prêts. Jusqu'à présent, 20 institutions financières* y ont adhéré, parmi lesquelles les principales banques maritimes telles que DNB, Citi et Nordea. Ensemble, elles totalisent plus de 150 Md$ de prêts au transport maritime, soit plus d'un tiers du portefeuille mondial de financement du secteur. Les principes ont été élaborés par des banques mondiales (Citi, Société Générale et DNB) en collaboration avec des acteurs du secteur parmi lesquels A.P. Møller Mærsk, Cargill, Euronav, Gram Car Carriers, Lloyd's Register et Watson Farley & Williams. Ils sont applicables aux banques, bailleurs et garants financiers, y compris les organismes de crédit à l'exportation. Les signataires doivent appliquer les critères à toutes leurs activités commerciales : produits de crédit, hypothèques ou crédits-bails…
Six établissements français
Le document publié fin décembre comprend les bilans de ceux qui avaient adhéré avant 2020. Les membres, qui ont rejoint l’initiative en 2020, seront tenus de le faire en 2021. Le document indique que les prêts de trois banques – Bpifrance, Eksportkreditt (Norvège) et ING Pays-Bas – ont été alignés sur les objectifs de décarbonation des Nations Unies. Ce qui signifie que seulement 20 % des portefeuilles analysés sont conformes aux accords climatiques. Les résultats reflètent cependant des prêts accordés il y a trois à cinq ans.
L'évaluation du portefeuille s’est appuyée sur les données d'émissions de 2019. Pour ce faire, a été mesurée la différence entre l'intensité en CO2 réelle d'un navire et l'intensité en carbone qui serait nécessaire pour être dans les clous de l'OMI. Cette différence fait l’objet d’une notation globale pour chaque portefeuille, 0 % indiquant que l’établissement est en phase avec les exigences de l'OMI tandis qu’un résultat positif le place loin de la trajectoire. La note moyenne s’est établi à 1,2 % en 2019. Les portefeuilles individuels varient de - 44,92 % (Bpifrance assurance export) à + 31,58 % (Amsterdam Bank).
Bpifrance Assurance Export bien placé
Parmi les meilleurs résultats, outre Bpifrance, Eksportkreditt (Norvège) et ING Pays-Bas se retrouvent ainsi crédités de -44,43 et -0,36 % respectivement. Au rang des plus mal notés, outre Amsterdam Bank, Sparebanken Vest (+ 29,11 %) et Dankse Bank (+ 11,9 %) paraissent éloignés des exigences.
Parmi les adhérents figurent cinq autres établissements bancaires ou financiers français : BNP Paribas (score de + 2,88 %), Crédit industriel et commercial (+ 1,1 %), Crédit Agricole CIB (+ 0,44 %), Société générale (+ 2,05 %).
« Ce rapport marque une étape importante pour le financement maritime mondial et pour l'ensemble des rapports sur le financement de l'action climatique », indique Michael Parker, le président de Poseidon Principles Association et du département Transport, logistique et offshore de Citi (pas particulièrement bien positionné sur ces questions avec un + 6 %). Le dirigeant veut d’abord saluer les efforts de transparence de ses membres. « J'encourage d'autres banques et organismes de crédit à l'exportation à se joindre à nous. L'évaluation éclairera les décisions futures. » Les banques asiatiques et américaines en sont singulièrement absentes alors que les premières sont devenues prédominantes dans le financement des navires. Pour le président de l’association, la finalité n'est pas tant de créer une concurrence entre les banques mais de contribuer, par la transparence, à embarquer l’ensemble du secteur dans des ambitions de « commerce maritime durable ».
Un repère
François Lefebvre, directeur général de Bpifrance Assurance Export, y voit un outil « pour disposer de données concrètes sur l'impact carbone du portefeuille de transport maritime. Ces données nous ont permis de valider différentes hypothèses sur le secteur et de mieux calibrer notre offre future pour accompagner le secteur dans sa transition énergétique, par exemple en incitant la demande de systèmes de propulsion moins polluants. »
Quant à la Société générale, dont le score est le plus bas de la classe bancaire française, Vincent Pascal, responsable du transport maritime et du financement offshore, estime être « au tout début d'un voyage important. Nous analyserons plus en détail les résultats de cette première année de rapport afin de déterminer comment ils seront intégrés dans notre future stratégie commerciale. Par exemple, cela constituera un élément de base pour aligner notre portefeuille sur l'objectif de l'accord de Paris, conformément à la méthodologie PACTA ».
« Les spécifications techniques se sont avérées importantes dans les résultats de l'ARE [taux d'efficacité annuel, mesure de l'intensité de carbone, NDLR] de notre portefeuille mais la gestion opérationnelle semble également cruciale et constitue un paramètre clé à surveiller dans le temps », explique Jean-Philippe Guillon, responsable mondial du financement d'actifs au Crédit industriel et commercial. « L'âge n'est pas non plus un problème et les vieux navires bien conçus et correctement exploités peuvent même se situer en dessous de la courbe de référence. Les principes de Poséidon auront certainement un impact sur le suivi de notre portefeuille et le processus de décision pour les financements futurs ainsi que les conditions qui leur seront appliquées. »
Adeline Descamps
*ABN Amro, Amsterdam Trade Bank, BNP Paribas, Bpifrance Assurance Export, CIC, Citi, Crédit Agricole CIB, Danish Ship Finance, Danske Bank, DNB, Eksportkreditt Norge, ING, Nordea, Sparbanken Vest et Société Générale.