Après avoir mis en œuvre des mesures de premier niveau pour limiter la propagation du virus, la compagnie britannique franchit un autre cap. Elle a annoncé ce 27 mars qu’elle allait donner la priorité au fret, limiter le transport de passagers aux cas d’absolue nécessité et met au chômage plus de 1 000 personnes. Pour l’heure, les autres compagnies opérant du Royaume-Uni se sont contentées de suivre des consignes de sécurité sanitaire sans annulations de traversées.
Le Royaume-Uni fait de la résistance. À contre-courant de leurs concurrentes européennes, ses compagnies de ferry – P&O Ferries, Irish Ferries, Stena Line, DFDS, Seatruck Ferries – n’ont pour l’heure pas annulé de traversées et se sont contentées d’assouplir leurs clauses de réservations, modifications et annulations tout en renforçant leurs mesures de sécurité à bord. Le seul transporteur à avoir apporté des changements significatifs est l'opérateur ro-ro Seatruck, qui a interdit le fret accompagné (avec chauffeurs), faute de pouvoir assurer des mesures de sécurité appropriées pour les personnes non membres de l'équipage.
P&O Ferries ouvre une brèche. La compagnie avait pris jusqu’à présent des mesures de type plus défensif, telles l’observation des mesures de distanciation sociale, des règles strictes concernant les chauffeurs, l’annulation de « mini-croisières » sur les routes de la mer du Nord, la dématérialisation de services (service clientèle) et le passage de sa flotte à la ventilation naturelle.
Selon le média anglais spécialisé Seatrade Maritime, elle a annoncé ce 27 mars que tous ses ferries opérant entre le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Europe continentale allaient prioriser le fret, avant de préciser dans un tweet qu’elle continuera à assurer le service pour « des passagers aux besoins essentiels de voyage », tout en respectant les lignes directrices de l'UE sur la propagation du virus (protocoles de distanciation sociale, etc.)
1 100 personnes au chômage
En conséquence, les contrats de travail de 1 100 salariés ont été suspendus. Ils seront couverts par un régime d’indemnisation spécifique – une rémunération à 80 % – conformément aux mesures d’urgence annoncées par le gouvernement britannique. Charge à l’employeur d’apporter le solde.
« P&O Ferries doit réagir pour maintenir son activité et assurer la circulation des marchandises, ce qui est vital pour les économies du Royaume-Uni, de la France, de l'Irlande et de l'UE », a commenté Janette Bell, PDG de la compagnie P&O Ferries. La filiale de DP World, qui exploite une flotte de 20 navires (8,4 millions de passagers, 2,3 millions d'unités de fret chaque année) sur huit grandes lignes entre la Grande-Bretagne et l’Europe du Nord, représenterait 15 % des importations du Royaume-Uni pour les produits de première nécessité.
260 M€ investis
La société est engagée dans un programme d’investissement important et une course à la capacité avec ses concurrents. Elle a confirmé en fin d’année dernière deux commandes au chantier naval Guangzhou International pour la construction de deux navires de 230 m (1 500 passagers), présentés comme « les plus grands navires jamais construits entre Calais et Douvres ». Le contrat, d'une valeur de 260 M€, prévoit une option pour deux unités supplémentaires d'ici 2024.
Si la liaison maritime phare est bien Calais-Douvres, la britannique a pris soin ces derniers temps, dans la perspective d’un Brexit sans accord et d'une congestion sur la route la plus courte entre la Grande-Bretagne et l’Europe, de développer des itinéraires alternatifs et un courant de fret à partir de Zeebrugge et de Rotterdam vers les ports secondaires du nord du Royaume-Uni, qui ont considérablement investi ces dernières années pour développer leurs installations. En faisant passer six navires opérant entre Calais et Douvres sous pavillon chypriote au détriment du UK Ship Register, elle s’était en outre mise en ordre de marche pour affronter la concurrence à armes égales.
Adeline Descamps