Le MSC Lorena, un porte-conteneur du leader mondial de la ligne régulière, d’un peu moins de 5 000 EVP, faisait route de Dakar, au Sénégal, vers Anvers lorsqu’il avait été contraint, fin décembre, d’opérer un demi-tour et de se diriger vers le port néerlandais de Flessingue en raison d'une alerte à la bombe, qui va s’avérer fausse. Alors que les autorités procédaient aux inspections du navire dans le cadre de cet événement spécifique, ils ont mis la main sur 2,4 t de cocaïne à bord, vient de révéler le média néerlandais NL Times.
Cartel de la drogue baltique
L’affaire rappelle un précédent. En 2019, le MSC Gayane avait été saisi dans le port de Philadelphie avec une cargaison record de 20 t de cocaïne d’une valeur marchande de 1 Md$. En fin d’année dernière, cette affaire a ressurgi sur un plan médiatique, avec le jugement de plusieurs membres d'équipage, placés en détention, tandis que MSC pourrait écoper d’une amende de 700 M$.
Selon Bloomberg, le MSC Gayane n'est pas un incident isolé. L’équipage du MSC Oriane avait tenté en 2010 de livrer 255 kg de cocaïne dans 11 sacs étanches à un chalutier dans la Manche.
En 2013, plusieurs rapports établis par les polices plusieurs pays européens suggèraient qu’un cartel de la drogue originaire des Balkans « avait trouvé un moyen de s'introduire à bord des navires de MSC », pointant des failles dans les équipages, notamment originaires du Monténégro.
Un facteur humain difficile à contrôler et à réguler
Dans un communiqué de presse en date du 17 janvier, MSC a démenti être infiltré, s’inscrivant en faux contre l’idée que « la subversion d'un petit nombre de marins du
Monténégro, dans des circonstances qui restent très spécifiques, revient à dire que la société est "infiltrée" par un cartel de la drogue ». La direction s’insurge encore davantage contre la systématisation d’une origine et d’une main d’œuvre. « Le Monténégro a une longue tradition de navigation maritime. La majorité de ses équipages sont honnêtes et travaillent dur pour subvenir aux besoins de leur famille ».
Pour MSC, le facteur humain est un impondérable : « Malheureusement, il y aura toujours des individus susceptibles d'être corrompus par les trafiquants de drogue ou, ce qui est encore plus difficile à prévoir, des personnes honnêtes qui succomberont à la corruption. Il s'agit d'un facteur humain qu'il est impossible pour les entreprises de contrôler entièrement ».
Dispositifs de prévention
Par rapport à ses marins originaires du Monténégro, après avoir effectué « une vérification rigoureuse » sur un plan administratif, l’armateur de porte-conteneurs indique avoir pris des dispositions telles que des réaffectations sur des lignes moins exposées, vulnérables au trafic de drogue, « mais la situation n'a pas changé », doit reconnaître la direction.
Depuis cet événement, qui a constitué un signal d'alarme pour l'ensemble du secteur, MSC indique avoir investi plus de 50 M$ en 2022 en prévention. « Nous avons désormais plus de 50 moyens différents de détection d’activités illicites potentielles sur les principales routes, y compris une technologie de pointe et exclusive basée sur l'intelligence artificielle, en étroite collaboration avec les organismes chargés de faire respecter la loi. »
L’armateur suisse, partenaire de l'initiative américaine C-TPAT (Customs-Trade Partnership Against Terrorism), rappelle toutefois que le commerce mondial de la drogue est un problème systémique qu'aucune entreprise ne peut résoudre seule. « Les compagnies maritimes et leur personnel n'ont ni le mandat, ni les ressources, ni la formation nécessaire pour affronter les individus dangereux qui dirigent les organisations criminelles. »
Adeline Descamps