À contre-courant de la récession causée par la crise sanitaire et en dépit de la forte baisse des volumes, le leader mondial du transport maritime de conteneurs a triplé son bénéfice au deuxième trimestre. En conséquence, il anticipe un résultat d’exploitation meilleur que prévu pour l’ensemble de l’année.
Ses recettes ont fortement chuté, plombées par la baisse de la demande mais le groupe danois A.P. Møller-Maersk a foulé les vents contraires et présente in fine un profil financier présentable avec certains paramètres supérieurs aux attentes des marchés. D'avril à juin, son profit a été multiplié par trois, à 427 M$ (141 M$ lors de la même période de l’exercice précédent), alors même que son chiffre d’affaires, en repli de 6,5 % sur un an (8,99 Md€ contre 9,6 milliards à la même période l'année précédente), n’a pas résisté à la baisse des volumes. Les volumes transportés par sa division Ocean, qui comprend les activités de la ligne régulière (Maersk, Safmarine et Sealand), les marques Hamburg Süd et Aliança ainsi que les terminaux portuaires dits « stratégiques »*, ont chuté de 16 %, à 2,9 MEVP.
Bénéfices en hausse dans tous les segments
Les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) ont cru de 25 %, soit 340 M$, pour atteindre 1,7 Md$. La marge est passée de 14,1 % au deuxième trimestre de l'année dernière à 18,9 % avec des hausses dans tous les segments. Le groupe maritime danois doit ces bonnes orientations à l’activité de la ligne régulière (Ocean). Pour cette dernière, l'Ebitda s’est établi à 1,36 Md$ au deuxième trimestre contre 1,08 Md$ l'année précédente, tandis que les revenus ont diminué, à 6,57 Md$, contre 7,2 Md$ l'année précédente.
Dans le secteur de la logistique et des services, le résultat d’exploitation avant les charges a plus que doublé pour atteindre 97 M$, la baisse des volumes étant plus que compensée par la hausse des taux de fret aérien, et l'acquisition de Performance Team, indique l’entreprise. Quant à sa division agrégeant ses activités de remorquage portuaire et de manutention, le bénéfice a atteint 186 M$ malgré une baisse des volumes de 14 %.
AP Møller-Maersk a maintenu le cap au premier trimestre
Søren Skou et Jim Hagemann Snabe, PDG et président de Maersk, respectivement. ©Maersk
Taux de fret en hausse de 4,5 %
« Comme prévu, le deuxième trimestre a été marqué par le Covid-19. Malgré cela, nous avons continué à améliorer nos bénéfices et notre flux de trésorerie disponible, a commenté Søren Skou, le PDG de A.P. Møller – Maersk. Nos bénéfices d'exploitation ont augmenté de 25 %, marquant ainsi le huitième trimestre consécutif d'amélioration d'une année sur l'autre, grâce à une gestion des coûts dans toutes nos activités, à la baisse du prix du carburant, à l'augmentation des taux de fret ainsi qu'à la rentabilité accrue de la logistique et des services. »
Si les volumes ont diminué de 16 % par rapport à l'année précédente pour atteindre 2,9 MEVP, le taux moyen de fret chargé a en effet augmenté de 4,5 % pour atteindre 1 915 $/EVP. Maersk est parvenu à réduire ses coûts d'exploitation de 16 %, à 5,2 Md$, au cours du trimestre, grâce à une stricte discipline dans son offre (stratégie commune à l’ensemble des transporteurs maritimes de conteneurs) et à la baisse des coûts de soute et d’affrètement (57 navires ont été restitués).
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Des objectifs à la hausse
« Avec de bons résultats et un bilan solide, nous sommes bien placés pour sortir renforcés de la crise, tant financièrement que stratégiquement », affirme le dirigeant. En conséquence, le danois réinitialise ses objectifs annuels – qu’il avaient été suspendus dès le 20 mars en raison des incertitudes liées à la crise sanitaire –, et table désormais sur un Ebitda compris entre 6 et 7 Md€ (avant coûts de restructuration et d'intégration). En février dernier, le groupe visait 5,5 Md€.
« La croissance de la demande mondiale de conteneurs devrait encore se contracter en 2020 en raison de la crise sanitaire mais pour le troisième trimestre 2020, les volumes devraient progressivement se redresser », explique le leader danois qui prévoit une contraction moyenne à un chiffre. « La croissance organique des volumes de notre activité devrait être conforme ou légèrement inférieure à la croissance moyenne du marché », projette Søren Skou. L’entreprise tempère néanmoins : « Les orientations sont également sujettes à des incertitudes liées aux taux de fret, aux prix des soutes et à d'autres facteurs externes ». Elles ne considèrent pas non plus une seconde phase importante de confinement.
Une crise sanitaire qui aura appris à être rentable
En parallèle, les dépenses d'investissement brutes hors acquisitions (Capex) sont toujours attendues entre 3 et 4 Md€ sur 2020-2021. La dette nette portant intérêts s'est légèrement améliorée, à 11,6 Md$ contre 11,7 Md$ à la fin de 2019. « Le cash-flow libre de 1,5 M$ aura permis de racheter des actions, de verser des dividendes et de procéder à des acquisitions au cours des six premiers mois de 2020. »
La discipline observée dans la gestion de l’offre et de la demande aura donc ouvert la voie aux bénéfices pour la plupart des transporteurs. Il aura donc fallu une crise sanitaire d’une ampleur inédite pour que le secteur apprenne à gagner de l’argent, piquent certains analystes.
Adeline Descamps
* ceux d’APM Terminals : Rotterdam, Maasvlakte II, Algesiras, Tanger-Med II, Port Saïd et ceux exploités en joint-venture de Salalah, Tanjung Pelepas et Bremerhaven