Alors que les dirigeants des Vingt-Sept devaient se rencontrer pour décider d’une stratégie commune au sujet de la flambée des prix du gaz, Paris, Madrid et Lisbonne ont mis sur la table un projet de construction d’un tuyau sous-marin hydrogène et énergies renouvelables (éolien, solaire) reliant Barcelone à probablement Fos-sur-Mer. Un « corridor d'énergie verte pour l'hydrogène vert, mais qui pourrait servir de façon transitoire pour le gaz, dont le marché européen a besoin », a précisé le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez. En parallèle, les trois pays ont convenu de finaliser des interconnexions gazières entre Portugal et Espagne, et électriques à travers le Golfe de Gascogne.
Pour l’heure, l’annonce, à l’affichage plus politique que technique, s’apparente surtout à un camouflet infligé à Berlin alors que les relations entre le couple franco-allemand sont tendues.
Projet incertain
Sur un plan politique, la proposition permet au président français, Emmanuel Macron, au chef du gouvernement espagnol et au Premier ministre portugais, Antonio Costa, divisés sur le projet de gazoduc MidCat (abréviation de Midi-Catalogne), soutenu par Berlin, d'afficher un front commun, avant de se retrouver les 8 et 9 décembre à Alicante en Espagne pour finaliser l'accord.
Pour Emmanuel Macron, l'initiative, qui devrait bénéficier de financements européens, répond aussi bien à l'objectif de désenclaver l'Espagne et le Portugal qu'à la « stratégie climatique et énergétique », défendue par la France.
Alors que le MidCat devait être construit en quatre ans, le financement de la nouvelle infrastructure, son calendrier, ses modalités voire sa pertinence économique ne sont pas évoqués à ce stade. « Est-ce pour faire remonter de l’hydrogène produit par électrolyse avec le solaire espagnol ? Mais Marseille et Barcelone disposent à peu près du même ensoleillement. Est-ce pour remonter de l'hydrogène produit en Afrique ? Quant à utiliser un même terminal pour GNL et hydrogène, bonne chance ! », a réagi auprès de l’AFP Thierry Bros, un enseignant spécialiste du gaz à Sciences-Po Paris.
Sept ans d’atermoiments
Lancé en 2003, gelé depuis 2019, MidCat visait à relier les réseaux gaziers français et espagnol via un pipeline de 190 km d'Hostalric, au nord de Barcelone, à Barbaira, à l'est de Carcassonne, en passant par les Pyrénées.
Défendu par les deux pays ibériques, ce gazoduc devait permettre à l'Espagne, qui possède 30 % des capacités européennes de regazéification de GNL, d'exporter du gaz venu des États-Unis ou du Qatar vers le reste de l'Europe. Ce projet devait par ailleurs permettre à plus long terme de transporter de l'hydrogène vert, dont l'Espagne veut être l'un des leaders, comme nombre de pays européens.
Intérêt limité, dixit Paris
Au lobbying de Berlin et à la conviction de Madrid et de Lisbonne, Paris a opposé dès 2019 son intérêt économique limité et son impact environnemental lourd. « Je ne comprends pas pourquoi on sauterait comme des cabris des Pyrénées sur ce sujet pour expliquer que cela résoudrait le problème gazier », avait alors défié, seul contre tous, le président français aux accents gaulliens.
Il a récidivé plus récemment en niant le « besoin de l'Espagne d'exporter ses capacités gazières vers la France » dans la mesure où la péninsule utiliserait actuellement les gazoducs la reliant à la France « pour importer du gaz »...
Les trois pays ont décidé le 20 octobre de son« abandon », a tranché Emmanuel Macron.
Les collectifs d’antis, notamment dans les Pyrénées-Orientales, apprécieront, eux qui craignaient la « balafre des Pyrénées, du Roussillon et des Corbières ».
A.D.