Le groupe de services maritimes pour l'industrie pétrolière Bourbon, en redressement judiciaire, a publié ce 26 septembre ses résultats semestriels et annoncé avoir reçu une offre de financement de la part de la Deutsche Bank.
À l’occasion de la publication de ses résultats semestriels ce jeudi 26 septembre, marqués par un léger mieux du point de vue de son endettement ‑ les six premiers mois de l'année se sont soldés par une perte nette ramenée à 135,2 M€ contre 197,1 millions un an plus tôt – le groupe a annoncé, sans plus de précisions, que la plus importante banque allemande lui avait proposé un apport en « new money » et surtout, décorrélée et sans lien avec les précédentes propositions. L’annonce a été faite à l’occasion de la conférence téléphonique programmée pour commenter les résultats en présence de la direction générale.
La holding Bourbon Corp. ainsi que sa filiale Bourbon Maritime avaient été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille début août. Une procédure initiée par la direction de l’entreprise pour se mettre à l’abri des actions des principaux créanciers (ICBC Leasing, Minsheng Leasing, Export-Import Bank of China et des porteurs d'obligations de type TSSDI), qui avaient tenté une prise de contrôle en « forçant » le remboursement de leurs créances, de plus de 800 M$ dans un premier temps, une somme portée à plus d'1,2 Md$ « dans une demande additionnelle reçue le 10 septembre », indique aujourd’hui la direction générale.
Rappel des faits
Un pool d'entreprises et de banques (BNP Paribas, Crédit mutuel Alliance fédérale, Natixis et Société générale et ICBC, totalisant ensemble 75 % de la dette du groupe) proposait un apport de liquidités à hauteur de 120 M€, ainsi qu'une conversion en capital de plus de 1,4 Md€ de dette. Ce qui leur assurait de facto 93 % du capital. La proposition avait engendré immédiatement une contre-réaction de Jacques de Chateauvieux, fondateur historique du groupe et actionnaire principal, qui n'était plus « que » président du conseil d’administration depuis le 14 mars 2018.
Lors de l’assemblée générale des actionnaires du 28 juin dernier, il avait alors repris la main sur la direction générale et présenté un plan de restructuration dans lequel il faisait notamment valoir « la confiance qu'il a dans sa capacité à réunir les conditions nécessaires à la poursuite de ses activités et à trouver de nouveaux partenaires financiers ».
Dans son plan de restructuration, il proposait à ses créanciers deux options de règlement : « partager le risque du marché et donc recevoir une part fixe limitée assortie d’une part variable en fonction du cash net généré par navire donné en garantie des prêts ou objet de location, afin de pouvoir bénéficier du rythme et de l’intensité de la reprise du marché des services à l’offshore dans le temps ; ou prendre le risque de l’entreprise et dans ce cas s’accorder sur un montant réduit de dette à rembourser, portant intérêt et remboursable sur 8 ans, et recevoir des actions en compensation de la partie non remboursée ». Sachant que ces dettes non remboursées et les obligations de loyers abandonnés donnaient accès, selon cette dernière proposition, à un maximum de 30 % du capital de la holding.
Un peu d'oxygène
Du point de vue financier, la société retrouve un peu de souffle, peut-on lire dans les données financières publiées ce jour. Le chiffre d'affaires ajusté a progressé de 6,3 % à 361,5 M€, porté par une amélioration de son marché, du taux d’utilisation de sa flotte (54,5 %, + 2,8 points, soit 308 navires actifs sur 472), des tarifs journaliers moyens (notamment dans le Subsea), qui ont augmenté de 4 % par rapport au second semestre 2018 et de 4,2 % sur un an, à 8 219 $ (contre 7 902 $ au premier semestre 2018), et enfin, d’un effet positif de change. Des signes qui attestent d’une reprise des investissements dans l’offshore pour la première fois depuis 2014 », indique le directeur général délégué, Gaël Bodénès, même si elle reste « lente et très graduelle ».
« Dans ce contexte de reprise très modérée, les clients pétroliers sanctionnent de nouveaux projets d’exploration de façon régulière et poursuivent leurs arbitrages en faveur de l’offshore. Globalement, ils restent prudents et privilégient toujours les projets à retour sur investissement court ».
Le nombre de navires désarmés est par ailleurs en baisse de 10 % (163,3 au 30 juin 19 contre 181,2 un an plus tôt), « reflétant d’une part une remise en service progressive des navires et d’autre part, la poursuite des efforts de rationalisation de la flotte du groupe ». L’entreprise a ainsi cédé 6 navires « non stratégiques » au cours du premier semestre, générant 15,1 M€.
Sur le plan purement comptable
La structure du bilan du groupe n’échappe pas à l’impact de la fameuse norme IFRS 16 entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (depuis cette date, les contrats de location, en particulier location coque-nue de navires, sont comptabilisés au bilan alors que jusqu'à présent, seuls les navires en location financement faisaient l'objet d'une comptabilisation). Conformément aux normes IFRS, 1 665 M€ d’emprunts et de dettes locatives ont été classés en passif courant au 30 juin 2019. À l’issue du 1er semestre 2019, l’Ebitdar ajusté avait progressé de15,3 % par rapport au semestre précédent, à 83,2 M€. L’Ebit ajusté s’établissait à 52,7 M€, s’améliorant de 108,0 M€ par rapport au semestre précédent. Le résultat net part du groupe s’affichait 135,2 M€ par rapport aux 260,7 M€ au semestre précédent. Le free cash-flow atteignait 36,5 M€ contre 33 M€ au 2ème semestre 2018.
Alors que le groupe côté en bourse lutte pour sa survie depuis de longs mois et subit des attaques à un moment où précisément il se remettait à flot en opérant les virages nécessaires après avoir été sévèrement sanctionné par un marché en crise (les explorations pétrolières), la direction générale a réitéré auprès des marchés sa capacité « à réunir les conditions nécessaires à la poursuite de son activité », sa confiance « dans l'issue favorable des procédures de redressement judiciaire », sa détermination « dans la recherche active de nouveaux partenaires financiers » et rappelle que « la trésorerie générée par l’activité permet au groupe de faire face à ses besoins courants d’exploitation durant les 12 mois à venir ». Hors financement de la dette, étant entendu.
Adeline Descamps