L'association internationale représentant les opérateurs du vrac sec dénonce notamment la lenteur avec laquelle les États du pavillon publient les rapports d'accidents, le délai moyen pour chaque enquête sur un vraquier étant de 32 mois. Trente-neuf vraquiers ont été déclarés en pertes totales. 173 marins y ont laissé la vie. Les leçons tirées des incidents passés jouent un rôle important pour la sécurité de demain, rappelle l’association.
Dans son rapport Bulk Carrier Casualty, Intercargo a analysé les statistiques relatives aux accidents impliquant des vraquiers entre 2010 et 2019. En une décennie, 39 navires ont été déclarés en pertes totales tandis que 173 membre d’équipage ont perdu la vie. Fin janvier, seuls 24 cas avaient fait l'objet d’un rapport d'enquête, ce qui représente 61,5 % du total. Le délai moyen entre un incident et la mise à disposition d'un rapport est de 32 mois, déplore Intercargo. L’association représentant les intérêts des exploitants et des opérateurs de vraquiers rappelle que l’amélioration de la sécurité repose avant tout sur l’analyse des événements passés.
La défaillance et/ou liquéfaction de la cargaison, en cause dans huit accidents et surtout responsable du décès de 106 membres d’équipages, demeure la grande préoccupation du secteur. Il s'agissait de six vraquiers transportant du minerai de nickel en provenance d'Indonésie, d'un navire chargé ce qui était supposé être de la latérite en provenance de Malaisie et d'une unité transportant de la bauxite en provenance de Malaisie.
La liquéfaction, cause(s) encore méconnue(s)
La liquéfaction est un risque identifié depuis les années 1970. Mais il est difficile à prévoir. Le taux d'humidité du minerai, sa granulométrie, sa composition ou la façon de le charger et de l'entreposer dans la cale seraient autant de facteurs de risques.
L'humidité modifie les caractéristiques physiques du minerai et lorsque le navire est soumis à de fortes vibrations, l'eau infiltrée entre les grains du minerai est alors soumise à une pression de plus en plus forte. La matière sèche peut alors se comporter comme une énorme masse liquide se déplaçant d'un coup d'un côté de la cale avant de se solidifier à nouveau. Le bateau peut alors chavirer brusquement.
L'OMI (Organisation maritime internationale) avait actualisé en conséquence le code maritime international sur le transport du vrac sec (IMSBC, International Maritime Solid Bulk Cargoes) en instaurant en 2015 un seuil de 10 % d'humidité et une granulométrie minimum.
Nouvel amendement
L'association d’armateurs, qui participe avec un statut consultatif à l’OMI depuis 1993, salue le dernier amendement IMSBC 05-19 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Le code intègre les leçons tirées du drame du Bulk Jupiter. Le vraquier transportant 56 000 t de bauxite avait sombré au large du Vietnam, causant la mort de 18 des 19 membres d'équipage. Plus récemment, l'enquête sur le naufrage du Stellar Daisy (mars 2017) avait révélé qu'il avait sombré en raison d'une défaillance structurelle du ballast n°2 bâbord engendrant une perte de flottabilité.
« L'OMI devrait envisager des mesures supplémentaires pour la sécurité des vraquiers dans le chapitre XII de la Convention SOLAS (Safety of Life at Sea) et dans le Code international sur le programme renforcé d'inspections lors des visites de vraquiers et de pétroliers (Code ESP 2011). Ces mesures visent à combler les lacunes qui ont été identifiées et à réduire le risque d'accidents maritimes similaires très graves impliquant des vraquiers et des minéraliers », indique l’organisation.
Adeline Descamps
* données compilées à partir des statistiques d'Equasis, du SIGIS de l'OMI et d'autres sources publiques.
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