Malgré le record historique enregistré par le port de Rouen dans les exportations de céréales, l’activité de Haropa accuse une baisse de 19 % au premier semestre, avec seulement 37,5 Mt manutentionnées.
Le port de Rouen peut se féliciter d’avoir mené à bien son programme d’approfondissement de ses accès nautiques : un record de chargement y a été enregistré, avec 59 400 t d’orge chargées à bord du vraquier Bregaglia, qui a pris la mer le 11 juin dernier à destination de la Chine. L’événement est aussi emblématique de la très bonne performance des exportations de céréales depuis Rouen. Au cours de la campagne d’exportation 2019-2020, qui s’est achevée au 30 juin dernier, 9,87 Mt de céréales ont été exportées (dont 7,2 Mt de blé et 2,6 Mt d’orge). Il s’agit là d’un tonnage record, en hausse de 30 % par rapport à celui de la saison précédente, et supérieur de 9 % au précédent record, celui de la campagne 2015-2016.
L’amélioration des accès, du chenal de navigation menant à Rouen depuis l’embouchure de la Seine, permet désormais à de plus gros navires de charger aux silos de Rouen mais n’explique pas à elle seule cette hausse des exportations. La quantité et qualité de la moisson 2019 étaient au rendez-vous. L’état du marché mondial des céréales expliquent également les bons résultats à l’export de Rouen. « Les destinations principales restent l’Algérie et le Maroc, rappelle Haropa. La bonne qualité des céréales et les prix compétitifs ont également contribué à un retour en force des expéditions sur l’Afrique de l'Ouest avec le plus fort tonnage exporté vers cette région depuis 15 ans (1,08 Mt) ». Autre destination phare à noter : la Chine avec 900 000 t exportées en blé et orge. Enfin, l’année se caractérise, selon les directions des trois ports de l’axe seine, par une très grande diversité de destinations, Inde, Mexique, Cuba, Yémen, Arabie Saoudite, Iran, etc.
Les exportations ont en outre connu une accélération en fin de campagne, au plus fort du confinement, dépassant le million de tonnes chaque mois en février, en mars et en avril. Les deuxièmes parties de campagnes sont, depuis plusieurs années, plus favorables à Rouen alors que les pays riverains de la mer Noire, pressés d’exporter, s’arrogent généralement les parts de marché les plus importantes de juillet à décembre.
Baisses généralisées de trafic
La bonne performance des exportations de céréales pèse de tout son poids dans la catégorie des vracs solides, dont le trafic augmente de 22 % par rapport à l’an dernier. Il s’agit pourtant de l’arbre qui cache la forêt, car toutes les autres catégories de marchandises sont à la peine, en lien avec les mouvements nationaux dans le cadre du projet de réforme de retraite et avec la crise économique provoquée par l’épidémie. Le tonnage total, pour l’ensemble du premier semestre, est de 37,5 Mt, soit 19 % de moins qu’au premier semestre 2019. Pour les conteneurs, la baisse est même de 27 % à 1,1 MEVP. Les vracs liquides sont en repli de 24 %, à 18,3 Mt. Les importations de brut, un des piliers de l’économie portuaire au Havre, sont les plus impactées avec une baisse de 47,6 %, due à la fois à la baisse de consommation de carburant et à l’arrêt de la raffinerie Total de Gonfreville-l’Orcher en raison d’un incendie qui a endommagé sa colonne de distillation. Le roulier, qui a été particulièrement touché par les mouvements sociaux avant d’être frappé par la conjoncture automobile, était en chute libre de 74 % en avril et mai, puis de 44 % en juin.
De premiers signes de reprise se font néanmoins sentir, soulignés par l’autorité portuaire comme autant d’espoirs. Le fluvial, par exemple, dont le trafic a enregistré une baisse de 22 % au premier semestre, tiré vers le bas par les conteneurs et le BTP malgré le boom des céréales, reprend des couleurs. Les services conteneurisées sur la Seine sont revenus à la normale dès les premières semaines de juin. Les services ferroviaires étaient à 90 % de capacité depuis le mois de mai.
Reprise amorcée
Sur les terminaux à conteneurs, la reprise a déjà commencé. « Le déstockage a débuté dans les entrepôts logistiques et les terminaux conteneurs », indique Haropa, qui souligne les escales effectuées, fin juin au Havre, par des porte-conteneurs aux capacités hors-norme : le MSC Mina (23 656 EVP) et le HMM Oslo (23 964 EVP), record de capacité pour le port normand.
La reprise est aussi au rendez-vous pour la filière BTP, portée en ce qui concerne les flux maritimes par la construction de l’usine d’éoliennes Siemens au Havre et par le développement des granulats marins à Radicatel, et en ce qui concerne le fluvial, par le rattrapage d’activité sur les chantiers du Grand Paris. Pour les vracs liquides, si la demande saisonnière de carburant routier sera bien au rendez-vous, il en sera autrement en revanche de celle de kérosène pour l’aviation. Les anticipations sont également mitigées pour le roulier : « le redémarrage progressif de la filière depuis le mois de mai, avec la reprise des usines, la réouverture des points de ventes et les aides de l’État, permettra de soutenir le trafic roulier sur le second semestre, avec toutefois un niveau plus bas que 2019 en raison de la perte de pouvoir d’achat. »
Étienne Berrier