De nouvelles compagnies maritimes russes visées par le dixième train de sanctions européennes

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L’Union européenne et les États-Unis ont décidé de façon concomitante de nouvelles sanctions contre la Russie. Outre de nouvelles interdictions d’exportations, la liste noire des entités bannies s’allonge. Dans le viseur de Bruxelles, Sun Ship Management, le gestionnaire de la flotte de Sovcomflot, la Compagnie nationale russe de réassurance et Atomflot, qui gère la flotte russe de brise-glace.

Dans une même fenêtre temporelle, de part et d’autre de l’Atlantique, l’UE et les États-Unis ont adopté le 24 février, alors que la guerre entrait dans son 365e jour de guerre, de nouvelles mesures visant « les stratégies de contournement des sanctions » déployées par Moscou. Fait nouveau, pour priver la Russie de moyens de se fournir ailleurs, Bruxelles intègre des entités de pays tiers, parmi lesquelles sept entreprises iraniennes accusées de soutenir le Kremlin dans ses plans de guerre.

« Un an s'est écoulé depuis l'invasion brutale et illégale de l'Ukraine par la Russie. Aujourd'hui, l'UE a approuvé un dixième train de sanctions qui comprend notamment des restrictions plus strictes en matière d'exportation de technologies et de biens à double usage, des mesures ciblées contre les personnes et les entités qui soutiennent la guerre, diffusent de la propagande ou livrent des drones utilisés par la Russie dans la guerre et des mesures contre la désinformation russe », a annoncé la présidence suédoise de l’UE sur Twitter.

11 Md$ d’exportations interdites

Ce dixième paquet de sanctions prévoit de nouvelles interdictions d'exportation d'une valeur de plus de 11 Md$ portant sur des technologies et produits industriels dits essentiels, au sens où la Russie ne peut pas combler par des pays tiers (électronique, véhicules spécialisés, les pièces de machines, pièces de rechange pour camions et moteurs à réaction, etc.), et les produits du secteur de la construction qui peuvent être destinés à l'armée russe, tels que les antennes ou les grues.

Il comprend en outre des biens relevant des technologies dites avancées, à savoir 47 nouveaux composants électroniques entrant dans la fabrication de systèmes d'armement russes (drones, missiles, hélicoptères, caméras thermiques spécifiques, etc.).

La liste noire des banques exclues du système Swift de paiements internationaux s’est également étoffée avec des entités telles qu’Alfa Bank et Tinkoff, tandis que le gel des avoirs s’est étendue à d’autres personnalités et entités. Le « catalogue », qui comprendrait 120 noms, est en attente de publication dans le Journal officiel de l'UE.

Sanction officielle de Sun Ship Management

Dans le secteur maritime, parmi les nouvelles entrées figure notamment Sun Ship Management, le gestionnaire de la flotte de Sovcomflot (visée dès les premières sanctions introduites par Bruxelles), basé à Dubaï, tout comme la Compagnie nationale russe de réassurance (RNRC) et Atomflot, qui gère la flotte russe de brise-glace.

Mi-février, le média américain Politico avait révélé que Sovcomflot avait transféré l'ensemble de sa flotte de 92 navires en avril 2022 à Sun Ship Management, une société prête-nom de l’ex-SCF Management Services. L’entreprise est soupçonnée d'aider la Russie à contourner l’embargo sur les exportations maritimes de pétrole.

Son site Internet indique que la société fondée en 2012 est détenue « par des ressortissants des Émirats arabes unis et de la Russie » et qu’elle « possède, gère et exploite une flotte de navires de pétrole, de pétrole brut, de GNL et de produits chimiques d'une capacité de plus de 150 000 tpl », la plupart sous pavillon libérien et chypriote et plusieurs ex-« SCF » parmi lesquels le Lapérouse et l’emblématique Christophe de Margerie, un des premiers méthaniers à officier sur Yamal LNG, le grand projet de Novatek en Sibérie. Elle affiche également le logo de SCF Seaborne Energy Solutions, une filiale de SCF, en tant partenaire technique. 

Le réassureur des navires dans le collimateur

Pour justifier sa décision de sanctionner le réassureur soutenu par le Kremlin, la RNRC, l'UE indique que « le service de réassurance offert par la RNRC a permis au gouvernement russe de détourner et d'atténuer l'impact des sanctions occidentales sur son commerce pétrolier ».

L’embargo maritime sur les importations de brut russe et le plafonnement de son prix ne frappent pas seulement le transport maritime mais aussi toutes les prestations qui accompagnent le navire. Á ce titre, il est interdit aux entreprises de la coalition de fournir des services de financement, de courtage et d'assurance pour expédier du pétrole russe si le prix du brut est supérieur au plafond de 60 $ le baril. Pour y pallier, les exploitants de pétroliers russes se sont appuyés sur le nouveau fonds d'assurance soutenu par le Kremlin. 

Un accord arraché in extremis

Les Vingt-Sept ont arraché cet accord alors qu’il ne leur restait plus que deux heures pour y parvenir. Comme pour les précédentes délibérations. Á nouveau, la Pologne a été un facteur bloquant, adepte d’une ligne dure à l’égard de la Russie, pour qui les mesures envisagées contre les importations de caoutchouc russe prévoient trop d’exemptions et une telle période de transition qu’elles seront dépourvues d’effets en pratique.

Varsovie a finalement cédé sans avoir obtenu le durcissement du nouveau train de sanctions. Le pays gouverné par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki avait déjà rendu difficile l'approbation du 9e paquet de sanctions en décembre dernier.

Au lendemain de l'annonce de ce nouveau volet de sanctions à l'égard de Moscou, le géant pétrolier polonais PKN Orlen a fait savoir que son partenaire russe avait cessé de lui livrer du pétrole par l'oléoduc Droujba dans le cadre du dernier contrat en vigueur (jusqu'en 2024), qui couvrait environ 10 % des besoins du groupe, soit 200 000 t de pétrole par mois

Le groupe avait déjà arrêté, il y a un an, d'importer du pétrole russe par la voie maritime. Depuis plusieurs années, la Pologne a largement diversifié ses sources d'approvisionnement en gaz et en pétrole. PKN Orlen importe par la mer du pétrole « en provenance de la mer du Nord, de l'ouest de l'Afrique, du bassin méditerranéen, mais aussi du Golfe persique et du Golfe du Mexique », a rassuré le groupe, qui a signé l'an dernier avec Saudi Aramco.

Pola Raiz dans le viseur de Washington

De son côté, la Maison-Blanche a annoncé des droits de douane supplémentaires et un contrôle des exportations accru. Une douzaine d'institutions financières russes sont ciblées, ainsi que des entreprises russes et de pays tiers du secteur de la défense et de la tech.

La compagnie maritime Pola Raiz, basée à Saint-Pétersbourg, ainsi que 22 navires dans lesquels le transporteur a « un intérêt », est concernée par les nouvelles mesures du Département d'État américain. Elle aurait opéré au profit de l'économie russe, notamment en « facilitant les exportations de matériaux vers les sites en construction dans l'Arctique. »

Outre l’embargo sur les importations de pétrole, les États-Unis, dont le gaz de schiste profite à plein des contraintes de la Russie, interdisent depuis avril 2022 tous les navires aux intérêts russes de faire escale dans les ports américains. En mai, plusieurs compagnies maritimes et 70 navires battant pavillon russe ont été ajoutés à la liste des sanctions américaines, parmi lesquelles M Leasing LLC, Oboronlogistika, Transmorflot, JSC Northern Shipping Co, Nord Project LLC Transport Co et SC South LLC.

Adeline Descamps

 

 

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