Il est considéré comme l’un des trois principaux procédés de production de gaz vert après la méthanisation (potentiel de 200 TWh/an selon l’Ademe) et la gazéification (160 à 280 TWh/an).
Le power-to-gaz, au potentiel de production de 150 TWh de gaz par an, permet de valoriser les surplus d’électricité et de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. L’hydrogène ainsi produit peut, soit être injecté dans le réseau gazier soit être combiné, par un processus industriel de méthanation (à ne pas confondre avec la méthanisation), à du CO2 pour obtenir du méthane de synthèse, un gaz dit renouvelable aux propriétés similaires à celles du gaz naturel.
Et associé à la méthanation, il présente l’avantage de valoriser les excédents de production électrique d’unités renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque, hydrolien), qui faute de solution de stockage, seraient perdus. Pouvoir compenser les aléas naturels des sources d’électricité éoliennes et photovoltaïques en stockant sous forme de gaz leur production reste le graal dans le cadre de la transition énergétique. Le power-to gaz tient cette promesse.
Du gaz vert et du CO2 recyclé transformé en gaz de synthèse
Le démonstrateur Jupiter 1000, dont la première pierre avait été posée en novembre 2018 au sein de la plateforme d’écologie industrielle Piicto sur la zone portuaire de Fos-sur-Mer, vise à transformer en gaz vert cette énergie non valorisée. Piloté par GRTgaz, qui a financé 40 % du coût du projet estimé initialement à 30 M€, il fédère neuf partenaires industriels* (qui contribuent ensemble à 30 % du financement du projet), parmi lesquels le port de Marseille Fos qui l’accueille dans son enceinte, et des financeurs publics (30 %).
Le démonstrateur, qui dispose de deux électrolyseurs pour générer l’hydrogène (construits par McPhy Energy) et de réacteurs de méthanation (fournis par Khimod et le CEA), a produit ses premières molécules d’hydrogène à l’été 2019, à partir d’énergies renouvelables issue des éoliennes de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Étape importante pour le démonstrateur, un des électrolyseurs avait injecté pour la première fois de l’hydrogène dans le réseau de transport de gaz de GRTgaz en février 2020. Un second électrolyseur a ensuite été mis en service en novembre 2021.
Au-delà de la production d’hydrogène, Jupiter 1000 prévoit en outre de recycler du CO2 en le transformant en gaz de synthèse. La mise en service des éléments permettant la méthanation de l’hydrogène est attendue pour juin 2022. Dans ce cas, le CO2 sera capté en pied de cheminée de l’aciérie d’Asco Industrie par Leroux & Lotz et alimentera des unités de méthanation.
À sa mise en service complète, le site a pour vocation à produire « jusqu’à 25 Nm3/h de méthane de synthèse ou 200 Nm3/h d’hydrogène, soit une moyenne de 5 GWh d’énergie sur 3 ans », selon les porteurs du projet.
Produire à grand échelle du e-méthane bas carbone
« En rejoignant ce projet, CMA CGM entend accélérer encore la transition de sa flotte vers l’utilisation de nouveaux carburants très bas carbone », fait valoir l’armateur de porte-conteneurs, intéressé par le potentiel du projet à produire à grande échelle du e-méthane bas carbone ou sinon de presser le développement de la filière de production de méthanes de synthèse. Une alternative à la propulsion de ses navires dans le cadre de la décarbonation de sa flotte.
D’autant que la société marseillaise soutient que la technologie dual fuel, dont sont déjà équipés 28 porte-conteneurs et 44 d’ici 2024, configurés « e-methane ready », sont d’ores et déjà en capacité d’utiliser du biogaz ainsi que des méthanes de synthèse.
Consolider l’expérimentation
« Le projet représente un fort intérêt pour le groupe dans la recherche de nouveaux carburants très bas carbone. Il nous permettra de disposer d’un des premiers démonstrateurs en la matière, qui plus est sur le port de Fos-sur-Mer, où nous venons de réaliser nos premiers soutages au GNL. Nous souhaitons soutenir la filière industrielle qui pourra en découler », justifie dans un communiqué Christine Cabau Woehrel, en charge des actifs industriels et des opérations du groupe.
Inversement, CMA CGM devrait apporter au projet l’expression des besoins (clients) d’un grand groupe de transport et logistique. « Ce qui peut aider va nous aider à consolider des filières technologiques en cours d’expérimentation », reconnaît Thierry Trouvé, le directeur général de GRTgaz.
Adeline Descamps
*Port de Marseille Fos, CNR, McPhy, Leroux & Lotz, CEA et les gestionnaires de réseaux gaziers GRTgaz et Teréga mais aussi d’électricité RTE. Financements publics apportés par l’UE via le FEDER, par l’État via les investissements d’avenir confiés à l’ADEME et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (projet labellisé par le pôle de compétitivité Capénergies).