« Les conséquences du contexte géopolitiques ont été limitées sur l’activité portuaire bordelaise même si certains industriels ont dû adapter leur capacité de production », estime Jean-Frédéric Laurent, président du directoire du Grand Port maritime de Bordeaux, dont les dernières données de trafics disponibles (fin août) faisaient état d’une certaine stabilité (4,3 Mt, + 1,26 % par rapport à la même période de l’an dernier) avec un nombre de mouvements de navires en hausse de 13 %.
Pour autant, le contexte géopolitique n’a pas été sans conséquences. Pesant encore la moitié des tonnages du port, les hydrocarbures (+ 15 %) ont bénéficié d’un effet de reconstitution des stocks. L’information est ailleurs. Á ces produits, dont la baisse structurelle est attendue, s’y ajoutent les flux de biocarburants (diester, éthanol biosourcé…) qui, à fin août, avaient déjà progressé de 56 % à l’import et de 35 % à l’export. « En quatre ans, les volumes de biocarburants ont été multipliés par quatre et dépassent les 200 000 t par an », relève Jean-Frédéric Laurent.
En revanche, l’explosion des prix du fuel s’est traduite par une perte de la moitié des volumes (- 80 000 t). De même, l’augmentation du prix de l’ammoniac, liée à celle du gaz, a impacté le trafic de matières premières industrielles en baisse de 16 %. Les exportations de céréales et de vracs agro-alimentaires, portées par une belle récolte en 2021, ont, elles, bondi de 17 % (626 000 t), avec une hausse de 44% pour le maïs. Cependant compte tenu d’une récolte catastrophique durant l’été 2022, ces chiffres pourraient s’inverser d’ici à la fin 2022.
Quant aux conteneurs, les flux import sont stables tandis qu’ils se replient légèrement à l’export.
Projet stratégique : 72 M€ investissement prévus
Tablant sur un chiffre d’affaires de 41 M€ d’ici à la fin de l’année (hors dragage), avec un budget impacté en 2022 par la hausse du coût de l’énergie, le port de Bordeaux escompte un retour à l’équilibre financier d’ici à 2025 et se fixe un objectif prudent de trafic annuel autour de 7 Mt dans les années à venir. Adopté de façon définitive, le 13 octobre, son projet stratégique 2021-2025 prévoit une enveloppe de 72 M€ dont 31 M€ de cofinancements.
Près de la moitié sera dédiée à l’un des terminaux les plus actifs, Bassens, dont les travaux de rénovation, débutés en 2019, vont se poursuivre jusqu’à 2025. « C’est le cœur de notre activité », souligne Jean-Frédéric Laurent qui rappelle l’achat de deux nouvelles grues et annonce la construction entre autres de bâtiments de stockage, du renforcement de la sécurité et la rénovation de 30 km de voies ferrées non linéaires.
La réparation navale bénéficiera d’une enveloppe de 15 M€ dans le cadre du projet stratégique 2021-2025, notamment pour moderniser les équipements (écluse, formes d’asséchement…) à Bassens et aux Bassins à flot et pour aménager un nouveau batîment qui accueillera des entreprises dans le domaine de la finition notamment de yachts, et du retrofit.
Les e-carburants en ligne de mire
Pour Philippe Dorthe, président du conseil de surveillance, ce projet stratégique « porte surtout une vision à très long terme avec comme fil rouge la décarbonation ». Cette stratégie de réindustrialisation bas carbone entamée depuis deux ans s’appuie déjà sur l’implantation de deux fermes photovoltaïques, l’une au Verdon d’ici 2025 et l’autre à Ambés, couplée avec l’important projet de GH2 de production d’hydrogène et d’electro-carburants.
L’implantation d’une unité de biométhanisation par CVE à l’horizon 2024 s’inscrit dans ce même objectif. Le port de Bordeaux entend ainsi répondre aux appels d’offres de l’État pour l’accueil d’un champ éolien offshore, travaille sur un projet méthanol à Lacq et, jusqu’en 2025, va poursuivre l’aménagement d’une dizaine de sites « clés en main » sur ses différents terminaux pour favoriser l’implantation d’industriels dans les secteurs de l’économie circulaire, des énergies futures et e-carburants. « On croit notamment en l’hydrogène mais il faut d’abord massifier pour réduire les coûts. On aura devancé l’appel », ajoute, confiant, Philippe Dorthe.
Marianne Peyri