Trente-trois associations européennes, représentatives de l’industrie du transport et de la logistique, adressent une lettre ouverte aux pouvoirs publics nationaux et européens pour lever les barrières qui entravent la circulation des navires et la mobilité des marins. La Chambre internationale de la marine marchande (ICS) et l'Association internationale des ports (IAPH) en appellent, elles, aux dirigeants du G20, pour panser l’après-crise. Les secrétaires généraux de l’OMI et de la CNUCED demandent à ce que ces appels soient entendus.
« Le transport est essentiel pour tous ». « Les transports nous font avancer ». « Tous les travailleurs du secteur, qu’ils soient sur terre, en mer, sur les fleuves, dans les ports maritimes ou depuis leurs bureaux et qui assurent le bon fonctionnement des chaînes d'approvisionnement sont des héros », crient-elles.
Trente-trois associations européennes – parmi lesquelles la Feport, la Clecat, l’ESC, l’ETF, l’ECSA, l’IUIP, l’UIRR, l’EMPA, etc. – représentant les transports, les gestionnaires d'infrastructures, les opérateurs portuaires, les employés de tous les modes de transport et de la logistique, les entrepreneurs, les autorités portuaires, les prestataires de services logistiques, les chargeurs, les fournisseurs de services… de toute la chaîne du transport, tous modes confondus, signent un appel conjoint pour rappeler le rôle clé que jouent les transports et la logistique « en ces temps critiques ».
Appel aux États-membres
Elles manifestent « leur respect et leur soutien à tous les travailleurs de la supply chain qui assurent la continuité des services, la circulation des marchandises ainsi que le rapatriement des citoyens bloqués ». Elles demandent aux États membres de l’UE de permettre un passage sans heurts des frontières pour le transport de marchandises, tant à l'intérieur de l'UE qu'avec les pays tiers et, à cet égard, saluent la recommandation de Bruxelles de mettre en œuvre des voies réservées pour l’acheminement du fret de nécessité. De même, elles appellent les États membres à gérer l’épidémie suivant une approche coordonnée et les invitent à suivre les lignes directrices de la Commission européenne sur la gestion des frontières. Elles redisent l'importance de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs du secteur, en veillant à ce qu’ils disposent des équipements de protection individuelle, de l'accès à des installations sanitaires propres et désinfectées. Elles insistent sur l’importance du maillon humain dans leurs métiers et appellent l’UE à tout mettre en œuvre pour assurer leur mobilité. Elles demandent instamment aux décideurs politiques de soutenir le secteur des transports, fortement impacté, et de penser à l’après-crise.
Appel au G20
La Chambre internationale de la marine marchande (ICS) et l'Association internationale des ports (IAPH) en appellent, elles, aux dirigeants du G20, dont une session exceptionnelle se tiendra par visioconférence ce 26 mars, à agir rapidement pour sécuriser les chaînes d'approvisionnement mondiales. Dans une lettre ouverte, relayée par Armateurs de France, les deux organisations représentant l'industrie du transport maritime et les ports mondiaux le rappellent : « En cette période de crise planétaire, le G20 doit prendre l'initiative d'appeler les gouvernements à adopter une approche coordonnée, en collaboration avec l’OMI, l'OMS et les autres organes des Nations Unies compétentes. »
« Sans un transport efficace et sûr des denrées alimentaires, des fournitures médicales, des matières premières et du carburant, les pays pourraient être confrontés à une situation encore plus difficile que celle que nous vivons déjà. Nous avons besoin que les nations, sous l'égide du G20, travaillent ensemble pour mettre en place des restrictions coordonnées et non pas impulsives. Nous avons besoin d'orientations pragmatiques, scientifiques et harmonisées afin de garantir la livraison en toute sécurité des marchandises sur lesquelles nous allons tous compter dans les mois à venir », indique Guy Patten, le secrétaire général de l’ICS
Pour Patrick Verhoeven, le directeur général de l'Association internationale des ports et havres, il est nécessaire de maintenir les ports opérationnels, les services réguliers actifs et fonctionnelle la supply chain. « Les gouvernements doivent soutenir les compagnies maritimes, les ports et les opérateurs de transport en faisant tout leur possible pour permettre le transport de marchandises à l'entrée et à la sortie des ports, afin que les denrées alimentaires, les médicaments et autres produits vitaux continuent à parvenir aux populations du monde entier. »
CNUCED et OMI
Les secrétaires généraux des grandes institutions internationales donnent également de la voix, réclamant du pragmatisme en ces « temps inhabituels ».
« Alors que le monde lutte contre la pandémie de coronavirus, l'industrie mondiale du transport maritime joue un rôle essentiel dans la réponse », réaffirme le secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi, qui relaie l'appel lancé par l’ensemble des associations professionnelles du secteur et rappelle, s’il était encore nécessaire, que 80 % du commerce mondial est assuré par le transport maritime, dont tous les produits de première nécessité et les matières premières essentiels aux secteurs manufacturier et industriels. « Cela signifie que les ports du monde entier doivent rester ouverts aux escales des navires et à la circulation des équipages avec le moins d'obstacles possible », énonce-t-il clairement.
Le représentant de la CNUCED exhorte les dirigeants du G20 à répondre à l’urgence en « permettant un accès continu aux ports du monde entier et le changement rapide des équipages des navires ». C’est l’une des grandes problématiques soulevées par cette crise d’une forme et d’une ampleur inédites : de nombreux États ayant imposé des réglementations locales, des restrictions de voyage et des quarantaine, les marins sont entravés dans leur mobilité. De plus en plus d’armateurs – Maersk, CMA CGM, Louis Dreyfus Armateurs par exemple – ont suspendu les relèves afin de réduire leurs interactions sociales. Non sans conséquences pour ces hommes qui partent en mer sans savoir quand ils rentreront. En temps normal, quelque 100 000 navigants changent d'équipe chaque mois.
Les marins, les oubliés de la crise ?
Le secrétaire général de l'OMI, Kitack Lim, rejoint l’ensemble des voix qui s’élèvent et demande une « approche pratique et pragmatique » sur les questions posées par le changement d'équipage, le refit, la certification et la délivrance de brevets aux marins : « Il est crucial de ne pas perturber inutilement les flux commerciaux par mer. J'invite instamment tous les États membres de l'OMI à garder cela à l'esprit lorsqu'ils élaborent leurs décisions politiques concernant le coronavirus. »
« Nous devons également nous souvenir des centaines de milliers de marins qui, à leur insu, se trouvent en première ligne de cette calamité mondiale. Leur professionnalisme garantit que les marchandises dont nous avons tous besoin sont livrées - en toute sécurité et avec un impact minimal sur notre précieux environnement. Leur propre santé et leur bien-être sont aussi importants que ceux de n'importe qui d'autre. »
L’OMI devrait réunir très prochainement l’ensemble des parties prenantes en vue de lister les problèmes posés et d’édicter des règles et solutions concertées. L’expression fétiche du « patron » de l’OMI de « voyage ensemble », pas toujours à propos, trouve une occasion également inédite de se concrétiser.
Adeline Descamps