Wish, Alibaba… Ces marketplaces chinoises vendent des produits à des prix imbattables en exploitant une faille européenne sur la réglementation sur la TVA. "La Chine fait comme si la fraude n’existait pas", souligne Cédric Lodovici, directeur des ventes Europe du cabinet conseil en fiscalité ASD Group. Raison pour laquelle l’Europe a décidé d’enrayer ce véritable fléau, qui représente un manque à gagner de 5 milliards d’euros pour l’Europe. Ainsi, les règles sur la TVA applicables au e-commerce vont changer à compter du 1er juillet prochain. Sont visés les biens importés hors Union européenne (UE), vendus à distance aux consommateurs sans opération de stockage intermédiaire. Aujourd’hui, les colis d’un montant inférieur à 22 € sont exonérés de déclaration en douane et de TVA à l’importation.
Recoupements avec le système douanier et l'administration fiscale
Dès le 1er juillet, les ventes à distances de biens hors UE feront l’objet d’une déclaration dès le premier euro sur un portail électronique ad hoc (IOSS, Import One Stop Shop) avec tout de même une franchise relevée à 150 € et donnant lieu à un numéro de TVA IOSS. "Ce numéro unique de TVA doit rester confidentiel. Son usurpation pourrait ouvrir la voie à de nouvelles dérives. Les transitaires seront confrontés à ce numéro IOSS qui ne doit pas être communiqué à des tiers", prévient Loris Robert, senior tax consultant chez ASD Group.
Désormais, les biens seront exonérés mais tracés sur le site internet avec la possibilité de faire des recoupements avec le système douanier et l’administration fiscale. Possibilité également d’ouvrir les colis en cas de suspicion de fraude. "La Commission européenne a mis en place un outil de traitement exploitant le big data et commence à trianguler la détection de douane et la TVA. À présent, les administrations fiscales détectent assez rapidement si vous déclarez la TVA au bon endroit", résume Loris Robert.
"Autre révolution : les marketplaces devront collecter et reverser la TVA"
Cette TVA IOSS revêt un intérêt en particulier auprès des entreprises étrangères qui vendent dans de très nombreux pays de l’UE. Pour celles qui exportent uniquement dans deux ou trois pays, autant conserver le numéro de TVA du pays. "À compter de juillet, les entreprises devront classer leurs ventes en fonction de la valeur des produits, du taux de change lors de la facturation, de la provenance et du vendeur (marketplace/site internet)", détaille Loris Robert, qui conseille les entreprises sur le régime à appliquer et l’optimisation de la logistique.
"Autre révolution : la redevabilité des marketplaces qui devront collecter et reverser la TVA", complète Loris Robert. Les places de marché ou les plateformes seront considérées, aux fins de la TVA, être le fournisseur de biens vendus aux clients dans l’UE. Par conséquent, elles devront collecter et payer la TVA sur ces ventes. Un changement qui risque fort d’entraîner une hausse des prix des produits vendus en ligne, la marge étant jusqu’à présent constituée de la TVA non acquittée.
Les importateurs européens entendus…
ASD Group intervenait le 14 octobre lors d’un webinaire organisé par le Club Apex, association des exportateurs de la région Sud dont le vice-président a subi durant plusieurs années les conséquences de cette concurrence déloyale. "Pendant la période qui a précédé Noël, le hub du tri postal de Velaux a reçu 1 million de petits colis par jour en provenance d'Asie et principalement de Chine et destinés directement aux particuliers de la région PACA", dénonçait, en 2018, Jean-Yves Baeteman. Président de Batimex importateur de luminaires et produits ménagers fabriqués en Chine, il pointait du doigt les pratiques commerciales de fournisseurs installés en Chine et exportant directement en France auprès de consommateurs sans TVA et droits de douane. À l’époque, il avait alerté les services de Bercy, la préfecture de la Région PACA en vain. Aujourd’hui, il se félicite des nouvelles règles éditées par Bruxelles.