La Suisse accueille avec inquiétude le projet de l’Union européenne d’autoriser l’utilisation transfrontalière des gigaliners. Bien que cette décision n’ait pas d’impact direct sur la Confédération, puisqu’elle n’est pas membre de l’UE, Bern craint que Bruxelles ne fasse pression sur la Suisse pour qu’elle accepte les limites de longueur et de poids qui pourraient prochainement être en vigueur au sein des 27.
La crainte d'une pression de Bruxelles
Un large rejet politique. "Si la Commission européenne décidait d’adapter les prescriptions, la Suisse pourrait, malgré un large rejet politique de l’autorisation des gigaliners dans le pays, être mise sous pression pour adapter également ses limites de longueur et de poids et ainsi autoriser les gigaliners dans tout ou partie de la Suisse", redoute l’Office fédéral suisse des routes, l'Ofrou.
18,75 mètres de long. En Suisse, l’ordonnance en vigueur depuis 2005 stipule que les camions peuvent peser au maximum 40 t et 44 t en transport combiné, et qu’ils doivent mesurer 18,75 m de long. Ce que souhaite l’Union européenne, c'est autoriser les camions pesant jusqu’à 60 tonnes et mesurant 25,25 m de long à franchir les frontières, mais la Suisse dispose-t-elle des infrastructures adéquates ?
Des infrastructures jugées inadaptées
Des installations douanières pas adaptées. "Une autorisation générale des gigaliners n’est actuellement possible sur le réseau sans une adaptation de l’infrastructure, indique l’Ofrou. Déjà à l’entrée de la Suisse, il y a des points critiques, car les installations douanières ne sont pas conçues pour les gigaliners. Même chose pour les aires de repos, les centres de contrôle du trafic poids-lourds et les aires d’attente, où il n’y aurait pas de possibilité de stationnement adapté aux gigaliners car les aires de stationnement actuels sont trop courts."
Quid des ponts et des tunnels ? L’office avance par ailleurs la question de la capacité de charge de différents ouvrages d’art, notamment les ponts, en cas d’augmentation du poids total des véhicules, ainsi que la question de la sécurité des tunnels, notamment pour le transport des marchandises dangereuses. En 2011, une étude avait déjà conclu à l’impossibilité d’introduire les gigaliners sur les routes du pays, à moins d’adapter les infrastructures pour un montant de plusieurs centaines de millions de francs suisses.
"Un frein à la politique suisse du transfert modal"
Le risque d’un transfert du rail vers la route. Les associations de défense de l’environnement évoquent quant à elles le risque d’un transfert du rail vers la route, en cas de baisse des coûts de transports par la route, si les gigaliners étaient autorisés dans le pays. L’association Initiative Alpes dénonce "un frein à la politique suisse du transfert modal ".
Un trafic intérieur jugé peut rentable. L’Ofrou s’oppose "catégoriquement" à l’autorisation des gigaliners en Suisse. "Les gains d’efficacité des gigaliners ne peuvent être réalisés que sur des trajets plus longs. En trafic intérieur, sur des distances plus courtes, leur utilisation n’est guère rentable. Le trafic de transit international serait donc le principal bénéficiaire d’une autorisation. Or, selon la Constitution, celui-ci doit être transporté par le rail", rappelle l’Office.