Tema Transpot & Logistique : Que vous a-t-il manqué pour que votre exploitation fret devienne pérenne ?
Nicolas Debaisieux : En deux mots : de la trésorerie et du temps ! Il nous aurait fallu deux millions d'euros (M€) pour avancer. Ce montant est à mettre en parallèle avec les 2,4 M€ de contrats que nous espérions voir se concrétiser au cours du second trimestre 2023. Il nous aurait fallu du temps également, au moins une année supplémentaire. Mais divers événements intervenus au cours du premier trimestre 2023 comme les mouvements sociaux, l’effondrement de notre bâtiment logistique à Capdenac (Lot) et le retard pris dans la contractualisation de nouveaux trafics nous ont conduits à suspendre l’exploitation du service fret fin avril 2023. Comme nous conservons de très bons contacts avec Fibre Excellence, nous gardons espoir de relancer notre exploitation fret le moment venu.
TTL : Aviez-vous initié des partenariats et quels en ont été les résultats ?
N. D. : Le temps nous a encore manqué pour concrétiser les partenariats que nous avions envisagés. Certes, nous avons réussi à en mettre un en place avec Fret SNCF pour un flux de bois sur Saint-Gaudens, mais d’autres ne se sont pas concrétisés. Il est vrai que notre positionnement à Capdenac ne constituait pas un atout. Cela aurait été plus facile en d’autres lieux comme Toulouse. Plus globalement, on voit là la difficulté à intégrer la partie ferroviaire dans des chaînes logistiques nouvelles. Pourquoi changer des schémas de transport qui fonctionnent alors qu’il n’y a pas d’incitation économique et environnementale à le faire ? Compte tenu des efforts réalisés par l’Alliance 4F et Fret SNCF au travers de son concept Rail Route Connect, nous pouvons raisonnablement nous poser la question de savoir si notre exploitation de dix-huit mois n’est finalement pas arrivée trop tôt par rapport au changement de modèle qui est en train de mûrir.
TTL : Quelles sont les clés du succès pour qu’un nouvel opérateur fret de proximité puisse s’installer durablement sur le marché ?
N. D. : Comme nous l’avons vu plus haut, il convient de ne pas partir trop vite. Il faut donc bien sécuriser les contrats en amont avec les chargeurs et ne pas se contenter de déclarations d’intention. Une bonne capitalisation est par ailleurs essentielle. Au-delà de ces deux éléments déterminants, tout nouvel opérateur doit pouvoir compter également compter sur des équipes de qualité. C’était notre cas. Une autre clef du succès est d’être attaché à un bassin économique important. Enfin, le soutien des collectivités locales est essentiel en ce sens que cela peut permettre de rapprocher des chargeurs des opérateurs de fret de proximité qui desservent le territoire. Surtout, ces mêmes collectivités locales peuvent, le cas échéant, investir dans l’infrastructure ferroviaire tant celle-ci reste très fragile. Nous étions d’ailleurs confrontés à des restrictions de charge à l’essieu sur une partie des lignes desservies.
En attendant, notre projet d’ouverture de services ferroviaires voyageurs sur Bordeaux-Lyon suit son cours. Cela nécessite toutefois un renforcement de nos fonds propres de l’ordre de 4 M€.