"Les Parties réaffirment leur engagement à poursuivre le développement des interconnexions entre les deux pays pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne", peut-on lire dans le "traité d’amitié et de coopération entre la République française et le royaume d’Espagne", signé à Barcelone le 19 janvier 2023. Mais en matière d’interconnexions de transport terrestre, notamment ferroviaires, aucun engagement précis ne figure dans le texte qui se limite à évoquer "des échanges prioritaires dans le cadre des réseaux transeuropéens". En matière ferroviaire, deux grands projets dans le cadre des Réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) sont concernés : le Corridor atlantique et le Corridor méditerranéen.
Corridor méditerranéen : l’échéance de 2026
Le projet le plus avancé est la partie espagnole du Corridor méditerranéen, entre la frontière avec la France et Algésiras (sud de l’Andalousie), soit 1 300 km. L’objectif est de créer un axe ferroviaire à écartement standard UIC pour le trafic passagers et marchandises, électrifié et doté de la signalisation ERTMS. Une première étape décisive avait été franchie le 21 décembre 2010, avec l’ouverture d’une ligne UIC entre le port de Barcelone et Figueras, connectant ainsi l’Espagne au réseau français à grande vitesse via le tronçon international Figueras - Perpignan, géré par SNCF Réseau et son homologue espagnol, ADIF.
Le ministère des Transports espagnol a décidé d’accélérer le rythme des investissements. Depuis 2018, des contrats ont été adjugés à hauteur de 3,7 Mds€. Selon Josep Vicent Boira, Commissaire du Gouvernement pour le Corridor méditerranéen, l’écartement standard sera disponible jusqu’à Almeria en 2026. Les ports de Valence et Tarragone seront ainsi directement reliés au réseau ferroviaire européen.
Principales craintes
Un tel axe est demandé avec insistance par les entreprises, notamment par Volkswagen, qui a posé la première pierre de sa future usine de production de batteries à Sagonte, près de Valence, le 17 mars dernier. Plusieurs opérateurs (Renfe, Captrain España et Transfesa) viennent de se doter de locomotives pouvant opérer sur un écartement standard. Un nombre croissant d’entreprises espagnoles du transport routier de marchandises utilisent le service d’autoroute ferroviaire mis en place par VIIA à partir du port de Barcelone, qui emprunte la ligne UIC.
La principale crainte de l’Espagne réside dans l’absence de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan et les incertitudes quant à la date de finalisation de la Ligne nouvelle Montpellier - Perpignan (LNMP). La ligne actuelle est exposée aux tempêtes proches de la côte et frôle la saturation sur certaines sections. L’Espagne craint un engorgement lié au développement du trafic marchandises dans la partie espagnole du Corridor méditerranéen.
Nord de l’Espagne : suivre l’exemple
Cette concrétisation progressive du Corridor méditerranéen pourrait donner une nouvelle impulsion à la partie espagnole du Corridor atlantique : un axe ferroviaire à écartement UIC de 5 300 km qui, depuis le Portugal, parcourt 11 régions espagnoles. Ce projet était au menu des discussions du sommet exceptionnel qui a réuni, le 13 mars dernier, les présidents des quatre régions du nord du pays (Asturies, Cantabrie, Galice et Pays basque).
Un des éléments essentiels du Corridor atlantique est le projet de LGV entre les trois capitales du Pays basque (Bilbao, Saint-Sébastien et Vitoria), dénommé "Y Basque" (172 km), soit un investissement de 4,3 Mds€. Lancé en 2006, ce projet est toujours en exécution et comporte la mise en place d’un 3e rail entre Saint-Sébastien et Irún, à la frontière franco-espagnole, actuellement en construction. Dans la mesure où la LGV entre Madrid et Burgos est déjà en fonctionnement, reste le tronçon entre Burgos et Vitoria (101 km), dont le contrat pour les études vient d’être attribué.
Oui mais quand ?
Si la volonté du gouvernement de Madrid et de la région du Pays basque espagnol, qui est en charge du tronçon de la "Y Basque" dans la province du Guipúzcoa, ne fait pas de doute, aucun responsable n’est en mesure d’indiquer à quelle date un convoi pourra rouler entre la capitale de l’Espagne et la frontière franco-espagnole.
La désignation, en mars 2023, de José Antonio Sebastián Ruiz en tant que Commissaire du Gouvernement en charge du Corridor atlantique a été vue comme un geste politique du ministère des Transports en vue d’accélérer la réalisation de ce projet. Le ministère des Transports a annoncé des investissements à hauteur de 16 Mds€ sur l’ensemble du Corridor.