Actu-transport-logistique.fr : Déjà évoqué lors de la dernière Journée Fret Ferroviaire du Futur et OFP en date (17 novembre 2021), le problème du déficit de qualité de service des sillons devient de plus en plus aigu. Est-ce là un mauvais signal envoyé aux tenants d’un report modal amplifié ?
Ivan Stempezynski : Depuis la onzième édition de la Journée Fret Ferroviaire du Futur et OFP où nous avions rendu publiques nos inquiétudes quant à la qualité de service des sillons, il n’y a eu aucune avancée en la matière. Nous restons donc avec un taux d’attribution des sillons de l’ordre de 70 % pour le Service Annuel 2022. Cela signifie que les 30 % de sillons restants sont précaires et ne sont pas en rapport avec le degré d’exigence des clients. Nous ne pouvons nous satisfaire plus longtemps de cette situation à l’heure où de nombreux chargeurs nous présentent des demandes pour du transport décarboné. Je le dis ici très clairement, et même si nous comprenons que SNCF Réseau ait ses propres impératifs, et notamment financiers, l’objectif de triplement de l’activité de transport combiné rail-route d’ici à 2030 est désormais en danger. Pire encore, ce déficit de qualité de service des sillons pourrait engendrer un report modal inversé dont le coût pourrait être de l’ordre de 25 millions d’euros par an. Pour ne pas en arriver là, il convient de réagir dès cette année en mettant en œuvre de nouveaux plannings de travaux qui n’impactent pas ou peu nos circulations. Je rappelle ici que 99 % de nos trains circulent de nuit. Ce sont donc de nouvelles priorités qu’il convient de mettre en place.
Actu-TL : Comment comprendre ce déficit de qualité de service des sillons alors que SNCF Réseau a obtenu une enveloppe de 210 millions d’euros pour limiter l’impact de ces travaux sur les circulations ferroviaires ?
I. S. : C’est bien là tout le problème et je n’hésite pas à dire que le combiné rail-route ne veut en aucun cas servir de variable d’ajustement pour SNCF Réseau. À eux de s’organiser pour que la somme allouée ne soit pas utilisée de manière ponctuelle comme c’est le cas actuellement. Elle n’a en effet concerné qu’une demi-douzaine de circulations à ce jour. Nous ne souhaitons donc pas attendre 2023/2024 pour en voir les effets positifs. Nous aurions apprécié que le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, se saisisse du problème, mais il n’a pas donné suite, pour l’heure, à un courrier qui lui a été adressé le 21 décembre 2021.
Actu-TL : La récente augmentation exponentielle du coût de l’électricité est-elle préoccupante pour les entreprises ferroviaires ?
I. S. : Elle l’est effectivement même si au contraire des sillons, elle est à classer dans la catégorie des facteurs conjoncturels. Ce doublement du coût de l’énergie pour remorquer les trains du combiné est en place depuis le début de l’année. Cela affecte le coût de production des entreprises ferroviaires qui perdent là une partie des gains de compétitivité résultant de la réduction du coût des sillons. Nous souhaitons donc que le ministère de l’Economie et des Finances se penche sur ce problème et nous fasse des propositions qui ne seront pas forcément des aides. On peut penser ici aux mesures qui ont été mises en œuvre pour les particuliers.
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Ivan Stempezynski, GNTC : "L’objectif de triplement de l’activité de transport combiné rail-route d’ici à 2030 est en danger"
Le Groupement National des Transports Combinés (GNTC) s’inquiète du déficit de qualité de service des sillons de transport combiné et de l’augmentation exponentielle du coût de l’électricité utilisée par les opérateurs ferroviaires. Ces deux points structurels et conjoncturels pourraient remettre en cause l’objectif de triplement de l’activité d’ici à 2030. Interview de son président, Ivan Stempezynski.