Jamais, sans doute, la suppression éventuelle d’un train de fret n’a suscité autant de réactions. Et pourtant, à l’heure de la transition énergétique, l’arrêt de la desserte reliant le marché Saint-Charles de Perpignan à la gare du MIN de Rungis est toujours à l’ordre du jour. Le compte à rebours s’arrêtera le 30 juin 2019, date échéance de renouvellement du contrat.
Le MIN de Rungis s’engage
C’est la nécessité de la modernisation du parc des 82 wagons frigorifiques (40 ans d’âge en moyenne !) utilisés sur cette liaison qui explique cette décision de reporter potentiellement sur la route un trafic quotidien de plusieurs centaines de tonnes de fruits et légumes. Ces wagons sont loués par Fret SNCF – qui assure la traction du train – à un wagonnier.
Interrogé par Actu-Transport-Logistique, Fret SNCF précise que "nous avons proposé aux clients différents types de contenants réfrigérés mais à un prix supérieur. Les clients ont estimé que le prix proposé avec de nouveaux wagons était trop élevé". Ce n’est cependant pas la seule solution qui avait été envisagée par Fret SNCF. L’opérateur avait en effet déjà proposé de créer un arrêt à Perpignan sur la desserte Barcelone/Rungis. Là encore, cette proposition avait été rejetée en raison de difficultés logistiques.
Une amorce de pérennisation du train quotidien Perpignan-Rungis est toutefois apparue en prolongement de l’engagement du MIN de Rungis de verser 300 000 € aux deux exploitants de la ligne pour les aider à "louer temporairement" des wagons frigorifiques plus modernes. Cette aide s’inscrit en droite ligne des 21 millions d’euros investis dans la modernisation de ses installations ferroviaires en 2010.
Des paroles aux actes
Les prises de parole n’ont pas manqué ces derniers jours autour du dossier. La dernière en date est celle du président de la SNCF, Guillaume Pepy, qui s’est dit "choqué" au micro de la matinale de France Bleu par la suppression du train de fret Perpignan-Rungis. Avant d’évoquer la solution suivante : "Nous sommes prêts à renouveler les wagons frigorifiques mais si on y investit 30 millions d'euros, il faut avoir en face un contrat qui nous permette de faire cet investissement dans la durée car nous manions de l'argent public et nous ne pouvons pas faire n'importe quoi avec".
La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a de son côté annoncé, le 10 mai 2019, qu'elle allait réunir les acteurs concernés par la possible fermeture le 17 mai. "Mon objectif, c'est que ces marchandises ne se retrouvent pas sur la route", avait-elle alors déclaré sur LCI.
Si le report modal devait finalement se faire à contre-courant de la transition énergétique, ce serait près de 20 000 camions annuels qui se retrouveraient sur des axes routiers déjà surchargés.
En sursis jusqu’à la fin de l’année
Ce 17 mai, La ministre des Transports Elisabeth Borne a réuni toutes les parties prenantes à ce dossier. A l’issue de cette rencontre, plusieurs engagements ont été pris :
- la mise en place d’une liaison en transport combiné d’ici la fin de l’année puis d’une autoroute ferroviaire entre Barcelone, Perpignan et Rungis en 2022 ;
- la création d’un groupe de travail, placé sous l’autorité du ministère chargé des transports, qui se réunira chaque mois jusqu’à la fin de l’année, pour élaborer et mettre en œuvre collectivement cette solution ferroviaire pérenne;
- la continuité d’activité de la ligne menacée jusqu’à la fin de la saison haute en cours.
Trois décisions grâce auxquelles "il n’y aura donc pas d’interruption de cette liaison ferroviaire fin juin comme c’était initialement envisagé. La réunion d’aujourd’hui ouvre un programme de travail précis qui devra déboucher sur une solution ferroviaire pérenne d’ici la fin de l’année, permettant de poursuivre dans la durée le transport des fruits et légumes par le rail", assure le Ministère.