C’est un Alain Dardilhac volubile mais presque étonné de nous voir nous intéresser à son entreprise qui nous reçoit. « Nous ne sommes pas très connus et avons peu de rapports avec nos confrères », plante, en guise d’introduction le P-dg des Transports Trans & Co. Fondée en 1993, Trans & Co s’est d’abord développée en misant sur l’express. Afin d’affronter la crise de 2008 (voir encadré), le transporteur et logisticien, qui dispose d’une surface de stockage située à proximité immédiate de l’autoroute A5 et des liaisons vers le sud via l’A6 et la Francilienne, a été conduit à se diversifier vers le BTP. Une véritable opportunité puisque, dès 2007, la société avait acquis ses premiers camions grue. Dans la même perspective, Trans & Co a cherché à convaincre de nouveaux clients. Si Alain Dardilhac peut s’enorgueillir de ne pas en avoir perdu, il reconnaît volontiers une diminution significative, pour chacun d’entre eux, du volume d’activité. Aujourd’hui présente dans les secteurs du BTP, de l’Industrie et du Commerce, son entreprise assure que son entreprise est prête à repartir bien qu’il doute des capacités du monde du TRM français à pouvoir accompagner la reprise, dans l’hypothèse où celle-ci devait se prolonger. « Pour la première fois, en 2017, et depuis très longtemps, nous n’avons pas pu répondre à la totalité des demandes alors même que nous n’avons pris aucune initiative commerciale », révèle le dirigeant. Ce qui s’explique notamment par la pénurie de conducteurs et ce qui a sans doute également convaincu les banques de démarcher de nouveau le transporteur…
Concernant cette pénurie, Alain Dardilhac se montre à la fois pessimiste et critique : « La situation n’a pas été anticipée, notamment en matière de formation. Les gens ne sont pas intéressés par le métier de conducteur dont l’accès est draconien. Il n’y a pas de solution ». Chez Trans & Co, il existe un noyau dur de conducteurs. L’entreprise essaie de prendre soin d’eux, notamment en garantissant un maintien des salaires, histoire de s’assurer également que les missions seront effectuées dans de bonnes conditions. En raison du manque de conducteur, les critères de recrutement ont forcément évolué, le niveau d’expérience attendu étant moins élevé. La stratégie aussi puisque Trans & Co fait passer des permis à ses meilleurs éléments, favorisant l’évolution en interne. De fait, l’accent est mis sur la qualité (l’attention portée au matériel, le respect du client, le sens de l’initiative, le fait d’être un ambassadeur du transporteur…), au détriment de la quantité puisque le dirigeant avoue chercher un minimum de vingt conducteurs depuis deux ans. Jusqu’à présent, sans succès. Aujourd’hui, Trans & Co n’a qu’un seul leitmotiv : gagner en marge. Cette quête passe par une poursuite de la stratégie de diversification, principalement vers les niches de marché, et l’accent est mis sur la qualité de service afin d’éviter toute rupture de charge. L’entreprise fondée par Alain Dardilhac se tourne aussi toujours un peu plus vers le BTP, misant essentiellement sur le Grand Paris : « Le pavillon français a beaucoup souffert du cabotage. En participant aux travaux du Grand Paris, nous devons composer avec une concurrence moins importante et nous pouvons plus facilement nous distinguer par notre qualité de service et notre réactivité ». Ayant délibérément fait le choix de ne pas croître en volume d’affaires – le CA de l’entreprise atteignait 3 millions d’euros en 2007 contre 2,9 millions l’an passé, enregistrant une croissance de 22 % entre 2016 et 2017. Mais une petite entreprise demeure également fragile. Alain Dardilhac chiffre à 30 000 euros la perte de CA — qu’il qualifie de « catastrophique » — due aux interdictions de circuler consécutives aux épisodes neigeux du début du mois de février. Le dirigeant s’offusque en outre de la gestion de la vague neigeuse par les pouvoirs publics et s’inquiète pour l’avenir : « Imaginons que l’an prochain nous ayons une couche de neige de 15 cm pendant 15 jours, que ferions-nous et que deviendrions-nous ? »
Trans & Co n’est pas qu’une société de transport. La logistique représente une activité à part entière. L’entreprise de Melun propose différents types de stockage : de masse, en surface privative ou en rack. Leur gestion est entièrement informatisée. La manutention y est assurée par des chariots rétractables, des chariots frontaux et des transpalettes autoportés. Le site dispose de quais spécifiques pour des VUL, des petits porteurs (quais fixes à 1,20 m) et des gros-porteurs (avec niveleurs mécaniques). Il est sécurisé grâce à des systèmes de télésurveillance et de vidéosurveillance 24 heures sur 24 et relié à une centrale d’intervention.
Si les investissements ont été un temps gelé, Trans & Co a entamé le renouvellement de son parc. Celui-ci est constitué de porteurs de 7,5 tonnes, de 12 tonnes, de 19 tonnes, de semis débâchables 33 tonnes, de plateaux nus de 26 tonnes et de 33 tonnes avec ou sans bras de grue. Longtemps exclusivement fidèle à Renault Trucks, l’entreprise a acquis des véhicules de marque MAN dont un distributeur se situe à proximité de son siège. Pour Alain Dardilhac, faire travailler l’économie locale constitue un paramètre important : « Nous avons des besoins réciproques. Entretenir des relations de proximité constitue aussi un gage de réactivité ; on y décèle que des avantages ». Se déclarant prêt, dans les conditions idoines, à acquérir des véhicules fonctionnant au GNV, le P-dg se livre surtout à un véritable plaidoyer en faveur des véhicules électriques : « Je me demande pourquoi le monde du poids lourd n’est pas encore au niveau de celui de l’automobile. Je suis pour ma part impatient de vivre la révolution électrique dans nos métiers. Personnellement, je rêve aussi des véhicules autonomes ». De manière plus immédiate, Alain Dardilhac ne comprend pas non plus pourquoi les poids lourds ne sont pas encore équipés de technologie du type stop & start. Le dirigeant regrette aussi l’absence de caméras de recul : « On ne voit pas très bien quand on est installé à bord d’un poids lourd. Alors que le manque de visibilité est une cause d’accidents largement connue, il faudrait utiliser bien davantage la technologie pour en diminuer le niveau. Pourquoi n’a-t-on pas de vues 3D comme cela se fait aujourd’hui couramment dans l’automobile ? ».
• Siège : Melun (77)
• CA 2017 (estimé) : 2,9 M€
• Effectif : 20 dont 12 conducteurs
• Parc : 25 moteurs
• Activités : BTP, Industrie et Commerce
Comme pour de nombreux autres transporteurs, la crise de 2008 a profondément marqué Trans & Co. « Les marges se sont effondrées. Nous avons vécu cette période comme une descente aux enfers », se remémore Alain Dardilhac, P-dg de Trans & Co. Le transporteur de Melun s’est résolu à serrer les budgets, à bloquer les investissements pour traverser cette phase difficile, d’autant plus cruelle que le dirigeant qualifie la reprise intervenue en 2011 de « feu de paille ». Il reconnaît toutefois qu’elle a sans doute permis de tenir si longtemps jusqu’à l’amorce de reprise esquissée en 2017. Au terme de dix années qualifiées de « non gratifiantes et pénibles », le dirigeant souligne enfin une dégradation, outre des paramètres économiques, du climat social.
A. D.