L’année 2018 fera date pour les Transports Naulleau. La société vendéenne célèbre en effet son 40e anniversaire. L’occasion de revenir sur l’histoire de cette affaire familiale. Pour cela, il faut emprunter les routes qui serpentent le massif forestier de Mervent. C’est ici que Gilles Naulleau a créé l’entreprise éponyme en 1978. À l’époque, cet ex-conducteur au sein des Établissements Royer Frères (sciage et rabotage du bois) décide de s’installer et peut compter sur quelques clients potentiels qui lui signent des lettres d’intention. Un seul camion prend la route. Quatre décennies plus tard, c’est sa fille, Fabienne Spennato, qui se trouve aux manettes. Pourtant, rien ne la prédestinait à reprendre le flambeau et à consacrer sa carrière au transport de bois, comme son père.
« L’âge de la retraite approchant, mon père a évoqué l’idée de la vente. J’étais alors comptable dans l’entreprise, mais je n’étais pas candidate à la reprise », confie Fabienne Spennato, se remémorant « de mauvais souvenirs ». « Mon père ne mangeait jamais en famille. Les soirées étaient souvent interrompues par des appels tardifs… Je ne voulais pas de ça ! », ajoute-t-elle. Gilles Naulleau se tourne alors vers une entreprise concurrente, les Transports Fontan, qui décline l’offre de rachat. Ce sera le déclic ! « Franck Boutet, qui a débuté comme chauffeur chez les Transports Naulleau, en 1989, à l’âge de 24 ans, avant de devenir chef d’exploitation en 1996, a proposé de s’associer à moi pour reprendre l’entreprise. Seule, je ne m’en sentais pas capable et n’avais pas cette ambition, étant mère de trois enfants. Mais à deux, pourquoi pas ? », raconte Fabienne Spennato, qui décide finalement de tourner le dos à « son confort de vie ». « Mes parents ont été surpris par ce revirement ! », se souvient-elle. Après une année à l’essai, les deux associés reprennent officiellement l’affaire en décembre 2002 et créent la société holding Financière SB. Fabienne Spennato, qui a passé son attestation de capacité en 2005, détient 75 % des parts.
Mais les débuts ne sont pas sans questionnements. « Nous avons eu des mises à l’épreuve dès le départ : un gros dépôt de bilan qui nous a laissé une belle ardoise, un camion qui s’est renversé, l’inspection du travail… », se souvient la dirigeante, qui a toujours pu compter sur le soutien de son père. Aujourd’hui encore. Car il n’est pas rare de croiser Gilles Naulleau dans les couloirs de l’entreprise. À 74 ans, l’ancien transporteur s’occupe des achats de matériel et de la gestion des pneus. Il faut dire que l’homme est une pointure dans ce domaine. « Toujours à l’avant-garde, c’est l’un des premiers à avoir utilisé des sellettes en aluminium pour alléger au maximum le poids des remorques », raconte sa fille.
Voilà donc seize ans que Fabienne Spennato préside cette entreprise de 20 salariés, aidée de Franck Boutet. Leur stratégie ? Garder le cap, avec les conseils avisés de Gilles Naulleau : « Restez humbles, simples et à la portée de tous. » Aujourd’hui, l’entreprise est une référence sur le marché du transport de bois ronds (à partir de 2 mètres de long). Depuis l’acquisition de l’activité bois de l’entreprise SATP (Société Agesinate de transports pétroliers) en 2010, le parc compte 18 ensembles routiers (6 essieux), dont 16 équipés de grues, avec des moteurs 6x4. « Il s’agit de l’une des plus grosses flottes dans ce secteur, où certains transporteurs de bois ne comptent pas plus d’un ou deux véhicules. Cette taille fait notre force pour répondre à de plus gros marchés », indique Franck Boutet. Les véhicules repérables aux couleurs bleu et doré circulent dans le Grand Ouest, l’Est, le Centre et un peu en Belgique. En provenance de toutes les forêts françaises, le bois est envoyé chez les fabricants de bois lamellé-collé, dans les tonnelleries des régions viticoles (Bordeaux, Cognac, etc.) ou les usines de merranderie [travail consistant à fendre des pièces de bois de chêne pour en faire des planches qui, assemblées, forment un tonneau].
Si ce duo complémentaire fonctionne, il n’est pas tout à fait à l’unisson quand il s’agit de parler d’avenir. « Je suis un peu frileuse et n’ai pas l’ambition de mon père, reconnaît la patronne âgée de 50 ans. L’activité est stable [3,67 M€ de CA en 2017 et 3,5 M€ en 2018] avec un portefeuille d’une centaine de clients. Il règne ici un esprit familial. Si l’on grossit, je crains que les relations ne deviennent plus impersonnelles », appréhende-t-elle. Franck Boutet, 53 ans, envisage, lui, un développement avec « quelques camions supplémentaires ». « Un ensemble, c’est tout de même 300 000 euros environ. Il faut donc le rentabiliser », renchérit sa collaboratrice. Car les Transports Naulleau ne sont pas épargnés par les problématiques de recrutement. « C’est un souci », lâche Fabienne Spennato. Laquelle précise que « beaucoup de départs à la retraite » ont déjà eu lieu et deux autres sont programmés cette année. Pour autant, cette SAS avance et prévoit d’acheter un camion-remorque supplémentaire début 2019. Un pas de plus vers la croissance.
« La suite, on y pense… Mon fils est dans la partie. À 24 ans, il est exploitant chez le transporteur Grimaud. Plein d’ambition et actif, il est de la même trempe que mon père. Mais avant de prendre à son tour la relève, il faudra qu’il aille sur la route pour comprendre le métier », prévient Fabienne Spennato. Avant de conclure : « L’avenir, c’est lui ! »
• Siège : Mervent (85)
• CA 2018 : 3,5 M€
• Effectif : 20 salariés (dont 18 chauffeurs)
• Parc : 18 ensembles routiers, dont 16 équipés de grues
• Activité : transport de bois ronds
Le transport de bois ronds demande des matériels spécifiques pour accéder aux forêts, ce qui suppose de lourds investissements pour les acteurs du marché. Ainsi, selon Fabienne Spennato, il faut compter 124 000 euros pour un camion neuf et 150 000 euros pour une remorque. La profession est, par ailleurs, soumise à une réglementation particulière entrée en vigueur le 23 juin 2009. Des itinéraires de transport ont, notamment, été fixés à l’échelle des départements. Ce décret autorise la circulation à 48 tonnes pour les 5 essieux et à 57 tonnes pour les 6 essieux. Afin d’éviter de rouler en surcharge, les véhicules sont équipés d’une bascule (3 000 euros) qui indique au chauffeur le poids des bois chargés. Les entreprises réceptionnaires et les donneurs d’ordres ont, quant à eux, l’obligation de transmettre aux transporteurs et/ou conducteurs une attestation sur l’honneur indiquant qu’il n’y a pas d’alternative économiquement viable au transport routier. « C’est un métier très spécifique, résume Fabienne Spennato. Les chauffeurs doivent suivre une formation très lourde, en interne, qui peut durer jusqu’à un an. Et le métier est dur : ils chargent à 57 tonnes, doivent savoir manier la grue, vont dans la forêt par tous les temps… Ils doivent aussi connaître les différentes sortes de bois. »