Un hôtel logistique pour produire l’énergie verte

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La PME girondine, basée à Saint-Denis-de-Pile, fait le pari de produire sa propre énergie grâce à des panneaux solaires pour se doter de véhicules propres dans le futur. Un positionnement audacieux et innovant, qui prend place dans le cadre de la norme ISO 26000. Et une façon de trouver des parts de marché en diversifiant l’activité tout en créant des besoins.

Franck Tison n’avait pas prévu de reprendre l’entreprise familiale fondée par son grand-père, Raymond, en 1959. Ingénieur projet à l’université dans les secteurs de l’environnement et des matériaux, il aide son père Serge à organiser la cession de la société. Nous sommes en 2016, l’année du décès brutal de sa gérante, Thérèse Tison, la sœur de Serge. Celui-ci est, à l’époque, l’actionnaire majoritaire et souhaite céder, à contrecœur, l’entreprise spécialisée dans le contenant, la palette et les matériaux recyclables. « J’ai réalisé que le repreneur n’était pas sérieux. Et je trouvais dommage que l’histoire de l’entreprise s’arrête ainsi. J’ai finalement élaboré un dossier de reprise. En parallèle, j’ai suivi un master de gestion et perfectionnement des affaires à l’IAE de Bordeaux. Cela m’a permis de me poser et de découvrir Mamta Transports ! », explique Franck Tison. Lequel réfléchit à son futur… et pense à un projet totalement audacieux et innovant. « Désormais, nous positionnons la société et la structurons. À terme, je veux proposer des véhicules propres fonctionnant au gaz ou à l’électricité pour prendre des parts de marché. Pour l’instant, l’offre est très limitée, et l’environnement annexe – maintenance, stations service spécifiques – n’est pas adapté. Il m’est donc apparu logique de produire notre propre énergie verte ». Mamta Transports s’est ainsi engagé dans la construction d’un hôtel logistique « zéro empreinte » de 4 000 m2, doté de panneaux photovoltaïques. La société entend installer des bornes de recharge électrique, proposer du GNV et d’ici cinq ans, espère disposer d’une centrale de production d’hydrogène sur site. « Nous travaillons avec la commune de Saint-Denis-de-Pile – qui récupérera une partie de notre énergie car la production sera supérieure à notre consommation — sur un projet de micro-station GNV chez nous, pour 2 à 3 véhicules par jour ». Franck Tison estime que ce modèle économique peut fonctionner. « On nous parle de camions autonomes : on s’y prépare. Il faut être les premiers », s’enthousiasme le dirigeant girondin. Il souhaite ouvrir l’accès à cette énergie à d’autres véhicules que les siens sur le site de Mamta. Cet hôtel logistique, qui devrait être opérationnel début 2019, représente un investissement d’un million d’euros. Il doit être financé à 50 % en fonds propres, et à 50 % par des emprunts bancaires. Autre atout : l’hôtel logistique offrira du stockage éphémère en flux tendus sur le principe du cross-docking, à un tarif ultra-compétitif grâce à la production d’énergie, selon Franck Tison. Mamta compte ainsi augmenter son chiffre d’affaires sur cette activité.

L’humain au centre

Le projet de la société s’articule plus largement autour de la norme RSE (ISO) 26000. Mamta Transports a signé la charte CO2 en décembre dernier et vise la labellisation d’ici début 2019. Au-delà de l’aspect environnemental, l’entreprise — qui emploie 24 salariés, dont 19 conducteurs (50 % ont été recrutés depuis 2016) — se dit attentive à ses collaborateurs. « Nous partons de leurs besoins et non des nôtres. Pour une raison économique mais aussi de bien-être, nous avons choisi de ne pas faire rouler nos chauffeurs la nuit. Nous avons augmenté les salaires uniformément de 1,5 % en 2017, et prenons en charge la mutuelle à 100 %. Nous fonctionnons sur la notion de confiance, nous leur demandons conseils, et nous avons instauré une prime interne trimestrielle de 150 € basée sur l’entreprenariat du conducteur. Cela perturbe certains, pas habitués à ce mode de fonctionnement », indique Franck Tison. Ce dernier projette de mettre en place une prime à l’éco-conduite, mais il peine à trouver « un système juste ».

Mamta Transports est engagée dans une phase de recrutement de jeunes. « Auparavant, l’entreprise fonctionnait en autarcie. Aujourd’hui, nous accueillons des stagiaires, des apprentis, et nous faisons passer des permis à des jeunes. C’est un moyen utile pour l’accès à un personnel qualifié », précise le transporteur. Lequel prévoit de recruter cinq chauffeurs en 2018, et veut pousser l’axe formation en étant lui-même formateur interne. Par ailleurs, pour attirer des conducteurs, l’entreprise investit dans l’acquisition de camions haut de gamme, de marque Renault principalement. MAMTA signifie Mécanique Auto Moto Transport Aquitaine : « dans les années 1970, nous avions une activité de mécanique pour Saviem. Il y a une culture du Renault chez nous », sourit le dirigeant. Le parc compte aujourd’hui 21 véhicules semi-remorque : trois Renault T, sept Magnum, et onze Renault Premium. En 2020, la société vise un total de 35 véhicules. Puis elle envisagera des véhicules propres par la suite.

Le transport de contenants — bouteilles, barriques, cartons d’emballage — représente une grande part de l’activité de Mamta, tout comme le transport de palettes pour l’alimentaire (vin, huile), ou de bois. Le transport de matières recyclables (papier, plastique) compte pour 20 % de l’activité, et la société possède un camion frigo pour la livraison de fleurs. « Nous sous-traitons 10 % de transport de palettes, mais nous ne sommes pas commissionnaires. Je vais d’ailleurs passer l’attestation de capacité, ainsi que celle de conseiller à la sécurité pour proposer une offre de transport de produits dangereux », confie Franck Tison. Le but : augmenter le chiffre d’affaires, qui est passé de 1,8 M€ en 2016 à 2,2 M€ en 2017 (+ 24 %). L’international concentre 60 % des rotations (Espagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal…). « En revanche, nous avons quitté les pays à bas prix », glisse Franck Tison qui, en tant qu’administrateur Unostra, milite pour l’augmentation des prix des transporteurs. La société possède, en outre, une succursale en Espagne (Mamta Iberica), peu active pour l’instant. « Notre politique commerciale est recentrée sur nos fondamentaux : avoir un service de qualité ; arriver à l’heure, respecter la marchandise. Et pour cela, il faut de bons conducteurs ».

L’entreprise vit en parallèle une transformation numérique. En avril 2018, un nouvel outil ERP sera déployé pour faciliter le transfert des informations, alors intégralement diffusées sur tablettes et smartphones : géolocalisation des camions, ordre de commande transféré directement du service d’exploitation vers les conducteurs, traçabilité de la marchandise… « J’apporte à Mamta des outils que j’ai vus ailleurs. Nous nous dotons de moyens dignes d’une grosse société, avec l’agilité de notre petite société. On doit être plus imaginatif que les autres » conclut le dirigeant.

Repères

• Siège : Saint-Denis-de-Pile (33)

• Effectif : 24 salariés dont 19 conducteurs

• CA : 2,2 M€ en 2017

• Parc : 21 semi-remorques

• Activité : transport de contenants, de palettes, de matériaux recyclables

De l’importance d’organiser sa succession…

Mamta a vécu une phase de structuration juridique en 2017. La société est passée du statut de SARL à SAS. Le règlement de la succession a duré plus de 20 mois. « Ce fut très compliqué car ma tante était actionnaire minoritaire, sans descendants, et rien n’avait été envisagé en cas de décès », indique Franck Tison… Lequel a créé la holding Entre 2 Frères, qui détient la SAS Mamta et la SCI de Dallau (location de terrain) dont il est le dirigeant. « J’ai associé mes enfants à la holding en vue d’une future transmission, pour leur épargner les difficultés que nous avons rencontrées », précise Franck Tison.

L. B.

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