Les Transports Jacquemmoz, à Modane (73), renforcent leur stratégie de développement durable. Fin 2018, après avoir signé en juin une charte CO2 avec l’Ademe, ce pionnier de l’autoroute ferroviaire alpine a complété sa flotte de 270 entités (dont plus de 55 % en Euro 6) avec deux nouveaux véhicules au gaz (elle en comptait déjà un depuis 2017). Spécificité : les Haut-Savoyards orientent ces véhicules sur de la longue distance, en continu 24 h/24, plutôt que sur de courts trajets en ville à la journée. « Nos deux nouveaux véhicules, des Iveco à 460 chevaux, sont en bicarburation, gaz liquéfié et compressé, explique Franck Jacquemmoz, directeur d’exploitation groupe, fils de Philippe, le président, qui dirige l’entreprise avec son frère Stéphane, directeur général. Cela leur offre plus de souplesse et d’autonomie pour effectuer des rotations quotidiennes, notamment entre la Haute-Savoie et Marseille, avec un relais à Lyon. Le fait d’être en exploitation continue, avec deux conducteurs réguliers et un remplaçant, nous permet de soutenir un investissement qui est environ 35 % plus élevé que la moyenne. Ce régime préserve également mieux la mécanique du camion. »
Depuis plus de cinq ans, le groupe place aussi chaque semaine 100 semi-remorques sur le train entre Aiton, près d’Albertville, et Orbassano, près de Turin (il est client de l’AFA, l’autoroute ferroviaire alpine, depuis son ouverture aux grands gabarits en mai 2012, OT n° 2656). Environ 10 % de l’activité sont concernés, notamment le transport de pièces lourdes. Chaque passage économise 180 kg de CO2. « Notre objectif est de préserver l’environnement en optimisant aussi notre appareil de production et la qualité du service pour le client, souligne Franck Jacquemmoz, de toujours mettre le bon véhicule au bon endroit, conduit par des conducteurs formés. »
Ce « souci de qualité » revient tel un leitmotiv dans la bouche de Philippe et Stéphane Jacquemmoz, président et directeur général qui, depuis leur arrivée dans les années 1980 (le premier à la gestion, le second à la conduite, puis à l’exploitation), ont fait progresser l’entreprise qu’avait créée leur père en 1955. Elle passe de cinq à douze puis 100 camions, dans les années 1980-1990, notamment par la croissance externe (avec trois rachats de 1985 à 1996), puis se développe constamment avant d’être freinée par la crise en 2008-2009 (voir encadré), en plein boom de l’activité.
Ensuite ? Les deux frères prennent soin de poursuivre leur progression, qui reprend vite, en se recentrant sur les forces sûres du groupe. Premier fondement : la famille. Via une holding, ils détiennent 100 % du capital. Leurs épouses respectives et leurs fils travaillent dans l’entreprise. « Nous sommes contents qu’ils nous aient rejoints, souffle Stéphane. C’est une base solide. » Philippe complète : « La famille a été une force dans les moments difficiles. Nous avons été soudés, impliqués et complémentaires. »
Même solidarité de la part des salariés (330 personnes, dont 270 conducteurs), maintenus malgré la période de redressement judiciaire après la crise. « Beaucoup ont plus de dix ans d’ancienneté, relève le directeur général. Ils travaillent avec deux formateurs en interne, sont basés en France et en Italie à proximité des bassins de vie économique, de façon à être proches des clients, en respectant la loi. » Et les conducteurs italiens, s’ils travaillent de l’autre côté des Alpes, sont embauchés avec des contrats français, donc aux conditions hexagonales.
Côté flotte, Stéphane Jacquemmoz s’attache à renouveler les véhicules au rythme de 15 à 20 % par an. « Ce qui me passionne, c’est de choisir les camions les plus adaptés à nos activités ; 90 % du parc est composé de semi-remorques réhaussables, et nous disposons par exemple d’une soixantaine de camions remorques gros volumes », détaille-t-il. Outre les Iveco au gaz, l’entreprise privilégie trois marques, Volvo, DAF et Renault. « Et surtout, renchérit le président, nous travaillons à 97 % avec nos véhicules, entièrement connectés – nous étudions actuellement l’e-CMR –, pour garantir une qualité du transport. Par exemple pour assurer du lot complet, un vrai besoin pour certains clients. »
Les domaines d’activités se maintiennent dans la diversité, avec une présence historique des pièces industrielles, automobiles en particulier, de l’agroalimentaire, notamment des eaux minérales, de la papeterie, ainsi que du verre. Le groupe haut-savoyard opère avec une dizaine de clients qui représentent 80 % du revenu. Parmi les plus anciens, il détient de grands comptes comme Renault automobiles, Nestlé, Caterpillar, Saint-Gobain ou Pasquier ; Fassa Bortolo, Orangina ou Xella, pour les plus récents. Si l’expertise franco-italienne reste un repère pour ces entrepreneurs nés dans une zone montagnarde et frontalière, à Modane, elle s’équilibre aujourd’hui à 50/50 avec les flux franco-français, à l’échelle régionale comme nationale. Jacquemmoz possède un réseau de cinq agences à Modane, Montmélian (73), Saint-Rémy-de-Maurienne (73), Corbas (69) et à Puiseaux/Courtenay (45). Pour cette dernière agence, les Transports Jacquemmoz s’apprêtent à réinvestir fortement sur ce dernier site, à une heure de Paris, où sera construit un véritable hub avec dépôt de carburant, atelier et aire de repos. « C’est d’abord une base technique qui s’inscrit en synergie avec nos autres sites, affirme Philippe Jacquemmoz. Nous pourrons réparer une panne plus facilement, entretenir nos véhicules et assurer aux conducteurs un vrai point de repos. Nous cherchons toujours à massifier les flux, à contenir les coûts en améliorant la qualité du transport pour la centaine de véhicules sur l’axe nord-nord ouest en direction du sud-est de l’Italie. » Le nouveau site comprendra également un poste d’exploitation, d’abord orienté vers des clients régionaux.
Pour passer à l’offensive ? Stéphane et Philippe Jacquemmoz s’expriment avec plus de modération. « À présent que nous nous sommes consolidés, notre stratégie vise avant tout à nous renforcer sur des axes existants, dit le premier, en restant attentifs à des opportunités d’achat dans des secteurs complémentaires aux nôtres. » Le second : « Nous ne nous interdisons pas de faire de la croissance externe. Mais toujours de manière raisonnable, en fiabilisant nos volumes et en signant des contrats de droit français. En visant le bon rapport qualité-prix. »
• Siège : Modane (73)
• CA en 2018 : 47 M€
• Effectif : 330 salariés dont 270 conducteurs
• Parc : 270 moteurs
• Activités : lot complet, fond mouvant, benne céréalière, caisse mobile