C’est au cœur de la campagne sarthoise, à une quarantaine de kilomètres au nord du Mans, que nous retrouvons Pascal Trubert, P-dg de Négo Transports, également patron régional de la Fédération nationale des transporteurs routiers dans les Pays de la Loire. L’homme s’affaire à son bureau. À ses côtés, son fils aîné Aurel, 29 ans, qui semble incarner la relève. Un rebondissement pour cette société familiale fondée en 1981, dont l’activité est partagée entre le transport de matériel agricole (tracteurs…) à 50 %, le transport pour le bâtiment (grues, échafaudages/coffrages, charpentes…) à 25 %, le transport industriel (déchets, matériels roulants…) à 20 % et le transport exceptionnel de loisirs (mobil-homes, caravanes…) à 5 %.
Car en 2015, lorsque Pascal Trubert et sa femme Agnès décident d’engager une réflexion sur l’avenir de Négo Transports, en vue « d’une transmission viable et pérenne », aucun de leurs trois enfants ne souhaite prendre la suite. « J’étais indécis et n’arrivais pas à prendre de décision, se souvient Aurel. La crainte d’un développement trop risqué, la pression d’une entreprise familiale, la peur de l’isolement. » Les patrons recherchent alors un repreneur selon un cahier des charges précis : une prise de capital majoritaire, un accompagnement long, la conservation de l’équipe, du site et de la clientèle. Le repreneur devait aussi avoir une culture familiale. En mai 2016, un cabinet parisien les accompagne dans leur démarche. « Nous avons sélectionné une trentaine d’entreprises françaises de transports industriels. Nous en avons retenu six, et le hasard nous a fait rencontrer Frédéric Leblanc, P-dg du Groupe Mousset, au premier rendez-vous. Ça a matché tout de suite ! », se souvient Pascal Trubert. Certes, il a fallu « ajuster des positions (évaluation du matériel…) », mais « la négociation a été saine et équilibrée ». La signature a eu lieu en juin 2017. Les codirigeants de Négo Transports cèdent 75 % du capital au Groupe Mousset (Vendée) spécialisé dans le transport en cour de ferme, le transport industriel et le transport frigorifique.
« Malgré sa taille, 1 300 collaborateurs à l’époque, ce groupe a su conserver une forte culture familiale, avec un mode de management très court, à quatre niveaux, facilitant les relations. Si c’était à refaire, je referai la même chose sans aucune hésitation ! », prolonge Pascal Trubert, 58 ans. Il a pourtant fallu rassurer les collaborateurs. « Nous avons mis trois mois à les convaincre que l’entreprise ne bougera pas de Mamers où elle est présente depuis 1991. Négo Transports s’est développée avec ses salariés. Il était hors de question de s’en aller en les plantant là ! » Aujourd’hui, la transition se passe « en douceur ». Pascal Trubert et sa femme continuent d’en être les dirigeants au moins pour les trois à cinq ans à venir. « Je n’aurais pas rêvé mieux comme fin de parcours », souligne le P-dg.
Aujourd’hui, l’équipe de Négo Transports travaille de concert avec les entreprises du Groupe Mousset (Transports Pineau, Tima, Transports Vial, etc.). « Nos exploitants sont en relation mutuelle, précise Pascal Trubert, désormais au comité de direction du groupe. Un service commercial a été mis en place pour la partie industrielle. » À cela s’ajoute une meilleure structuration organisationnelle avec un service juridique, informatique, communication… Et de nouvelles méthodes de recrutement, via notamment le réseau social Facebook, ont vu le jour. D’autres « synergies » sont à venir. Par exemple, « Négo Transports peut être un point de relais pour les besoins de stockage du groupe vendéen ». Des changements « progressifs » sont aussi attendus au niveau des achats, et une nouvelle identité visuelle sera adoptée dans les trois ans. D’ores et déjà, les retombées sont là. « Aujourd’hui, nous sommes plus sollicités notamment pour le transport exceptionnel. » Pascal Trubert reconnaît également que c’est un plus pour trouver de nouveaux candidats. D’ailleurs, entre octobre 2017 et juillet 2018, l’entreprise a accueilli 22 nouveaux collaborateurs, dont 20 conducteurs.
Devenu « un acteur dans le groupe », la SAS Négo Transports est repartie sur la route de la croissance. Le dirigeant précise : « En 2017, nous avions 59 moteurs, 85 semis et 95 salariés et avons réalisé un chiffre d’affaires de 11,4 millions d’euros. Cette année, la flotte se compose de 65 moteurs, 94 véhicules tractés et trois voitures pilotes, l’effectif est de 102 salariés, le chiffre d’affaires prévisionnel de 13 millions d’euros. » Et pour répondre à la demande, l’entreprise prévoit d’augmenter son parc. En quinze mois, la flotte s’est étoffée avec sept camions de plus et, à l’horizon fin 2020, elle devrait se composer de 70 camions. Par ailleurs, « si le Groupe Mousset [150 M€ de CA en 2018, 111 agences, 1 500 collaborateurs, 1 000 moteurs] envisage des opérations de croissance externe dans le transport industriel, nous pourrions être mis à contribution pour accueillir l’intégration d’une entreprise », ajoute Pascal Trubert.
Des perspectives auxquelles Aurel, son fils, a l’ambition de répondre. Car, quatre mois après la signature avec Mousset, ce dernier a décidé de se positionner à la reprise et de participer à cette « aventure entrepreneuriale maîtrisée ». « Le fait de s’adosser à un groupe, ça change tout », explique-t-il « rassuré » et séduit par la philosophie du groupe vendéen, mais aussi par « son esprit jeune et innovant ». « Négo Transports garde son autonomie et n’a pas de freins pour se développer », prolonge le dirigeant, par ailleurs membre du Codir Jeunes lancé en septembre dernier par le Groupe Mousset. Diplômé d’un bac+5 spécialisé en finances, et après cinq ans dans le groupe Crédit agricole (fusions-acquisitions), Aurel Trubert se fixe un objectif prioritaire : « assurer une transition managériale sereine ». Il se donne deux ans environ pour passer par tous les services de l’entreprise. Ses permis poids lourds en poche, il intégrera Négo Transports fin 2018 en tant que conducteur, puis s’orientera vers l’exploitation, avant « une transition fluide et progressive » vers les achats, le commerce. « D’ici à trois ans, il pourra prendre la direction et je l’accompagnerai sans le gêner », indique Pascal Trubert. Son fils, Aurel, souhaite maintenir ce qui est en place et qui fonctionne bien (esprit familial, dialogue social, confiance mutuelle). Il assure d’ailleurs qu’il continuera, comme son père, à être présent chaque vendredi, lors du retour des conducteurs, pour être à leur écoute.
• Siège : Mamers (72)
• CA prévisionnel 2018 : 13 M€
• Effectif : 102 salariés
• Parc : 65 moteurs, 94 véhicules tractés, 3 voitures pilotes
• Activités : transport de matériel agricole (tracteurs…) à 50 %, transport bâtiment (grues, échafaudages/coffrages, charpentes) à 25 %, transport industriel (déchets…) et transport de loisirs (mobil-homes, caravanes) à 5 %.
« Nous sommes sur des métiers de niche, complexes, et devons avoir des outils performants, déclare Pascal Trubert. Nous renouvelons le parc de camions tous les six ans et tous les dix à douze ans pour les semis. » Le patron de Négo Transports investit ainsi 1,7 million d’euros par an (soit 10 à 15 % du CA) dans le matériel. À cela s’ajoute une enveloppe de « plus de 500 000 euros ». L’entreprise basée à Mamers crée une plateforme de 20 000 m2, opérationnelle en novembre, avec quatre quais et deux pistes de lavage. La moitié de cette surface servira au stockage des camions et l’autre aux marchandises (tracteurs agricoles, bungalows…).