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Dans un environnement économique plutôt favorable, la pénurie de conducteurs impose un sérieux coup de frein à un développement pourtant désiré. Il faut raison garder et maîtriser la courbe de croissance.

Fils et petit-fils de transporteur, Jérôme Barbin, l’homme à la tête de la Stab (Société de transport et d’affrètement Barbin), s’est fixé pour principe de management une philosophie et une organisation qu’il est aisé de vérifier : la transparence dans le travail, aussi bien à l’intérieur de son entreprise qu’à l’extérieur, à l’égard des clients ou des concurrents. Bien que disposant de bureaux en étage, le dirigeant est plongé au cœur de l’exploitation, installée au rez-de-chaussée du siège à Sainte-Geneviève-des-Bois (91). De cet emplacement, il dialogue directement avec les conducteurs de passage et répond au téléphone. « Je travaille devant tout le monde. Les entretiens de recrutement sont également effectués dans le bureau de l’exploitation dont j’apprécie l’activité et l’ambiance car je considère n’avoir rien à cacher », assume Jérôme Barbin. Ici, le salaire n’est pas un tabou et la politique salariale est claire.

En quête de transparence

Tout le monde part du même niveau ; les heures supplémentaires sont proposées en priorité à ceux qui travaillent le mieux. Parce qu’il se considère comme un commerçant avant d’être un transporteur, l’entrepreneur estime « que les marchés reviennent au meilleur et qu’il ne faut jamais tenir une relation commerciale pour acquise ». Sans doute est-ce également pour cette raison qu’il qualifie l’activité d’affrètement de « plus beau métier du monde ». Il explique : « Pour un entrepreneur, il est très stimulant de répondre à des demandes sur des bourses et très gratifiant d’offrir un panel de transport le plus large et diversifié possible. » Ainsi, la Stab a-t-elle déjà été, par exemple, conduite à affréter des avions. Dans un tel environnement, Jérôme Barbin met l’accent sur des aspects déontologiques : « Même dans un rôle de conseil auprès des clients, il reste primordial de défendre les intérêts des transporteurs. »

Attrayante pour son dirigeant, cette activité demeure marginale en volume d’activité. En effet, le CA de 1,25 million d’euros en 2017 (en progression de 100 k€ par rapport à l’exercice précédent et qui devrait être stable en 2018) repose à hauteur de 40 % sur les activités de distribution d’articles de sport et de jouets. Le levage représente la deuxième contribution aux revenus de la SARL, pour environ 15 %. Parmi les principaux clients de la Stab figurent des entreprises de renom comme Decathlon ou encore La Poste (10 % du CA). Des clients grossistes et de petits industriels sont également présents au portefeuille. En matière de couverture géographique, en volume, 70 % des trajets sont effectués au départ de la région parisienne dans un rayon définissant une zone qualifiée de grande couronne qui, du Mans à l’ouest, passe par Tours, et court jusqu’à Reims à l’est, et Lille au nord. Vers le sud, les camions de la Stab descendent régulièrement jusqu’à la région lyonnaise. Quant au choix de se focaliser sur la région parisienne, il est délibéré, puisque la concurrence étrangère y est moins développée. Pourtant, il ne revêt pas que des avantages. « Il n’y a plus aucune règle pour espérer circuler correctement en région parisienne. Ces derniers temps, les nombreux travaux de nuit viennent compliquer la donne », déplore le dirigeant.

On cherche des conducteurs

« Dans un monde idéal, j’aimerais être en mesure de trouver facilement un conducteur pour chaque marché décroché. » Évident, ce simple constat prend, lorsqu’il est énoncé par le gérant, des accents plus alarmistes compte tenu des circonstances actuelles de pénurie de conducteurs. La Stab est particulièrement affectée. Elle a même dû mettre en vente l’un de ses véhicules de levage, faute de conducteur. La société est à la recherche quasi permanente de personnel roulant. Malgré une reprise constatée depuis presque deux ans et qui va crescendo, cette pénurie constitue un véritable frein au développement de l’entreprise. Il est d’autant moins possible de s’engager que la visibilité en termes d’employabilité apportée par les organismes et institutions tels que les OPCA, les fédérations ou Pôle emploi n’est pas de nature à favoriser les anticipations. Contraint plus souvent qu’à son tour de prendre le volant, le dirigeant regrette en outre les délais de livraison de matériel dans certains domaines. En particulier du côté des fabricants de bennes, ce qui impose une certaine prudence au moment d’envisager de passer commande. Les effets pervers se conjuguent donc. Mais l’envie de se développer, dans cette activité notamment, est présente. D’ailleurs, cette envie est plus générale. « J’aimerais initier un nouveau cycle de développement. Le potentiel existe et serait certainement vertueux, puisque la gestion de notre activité est profitable. Seulement, l’impossibilité devenue presque structurelle d’embaucher des conducteurs annihile toute velléité », déplore Jérôme Barbin. La conclusion est dès lors inévitable : renoncer à grandir coûte que coûte. Quelque part, celle-ci rejoint d’autres principes de Jérôme Barbin qui souhaite « laisser le temps nécessaire pour apprendre à découvrir le mode de fonctionnement d’un client ».

Préférence pour l’hydrogène

Dans un tel contexte, le choix des véhicules revêt une dimension plus importante. L’entrepreneur privilégie les constructeurs Scania et Volvo. Il a choisi ces deux marques en raison de leur fiabilité, de la faible consommation de leurs véhicules et également parce qu’il pense que ce sont des modèles qui plaisent aux conducteurs. En matière d’achat, le gérant fait également parler sa fibre commerciale en ne faisant pas mystère de son opportunisme. Il préfère conclure des contrats d’entretien afin de lisser les frais sur l’année, preuve qu’il considère son activité sous l’angle de l’entrepreneuriat plutôt que sous celui de transporteur. Si la flotte ne compte aucun véhicule fonctionnant au gaz, le dirigeant est très curieux des évolutions actuelles. Il s’avoue toutefois décontenancé face à une offre très diversifiée en termes de motorisations et face à un manque de développement des points d’approvisionnement en sources d’énergie alternatives. Plus encore que le gaz ou l’électrique, il concède un attrait particulier pour l’hydrogène : « J’ai eu la chance d’être invité il y a quelques années par Scania pour découvrir des prototypes fonctionnant à l’hydrogène. Je me demande combien de temps il faudra attendre pour passer à de telles solutions. Je rêve d’une profession de transporteur qui ne soit plus considérée comme un métier de pollueurs. »

Repères

• Siège : Sainte-Geneviève-des-Bois (91)

• CA 2018 : 1,25 M€ (exercice clos au 30/09)

• Effectif : 15 salariés dont 12 conducteurs

• Parc : 21 cartes grises dont 11 moteurs

• Activité : industrie, distribution, levage, affrètement

Deux éléphants blancs

Non pas un mais bien deux éléphants blancs. La culture bouddhiste vénère l’éléphant blanc car une légende raconte que la mère du Bouddha aurait rêvé d’un éléphant blanc la veille de la naissance de son fils. Jérôme Barbin, gérant de la Stab, avoue volontiers une fascination à l’égard des éléphants en général : « Ils reconnaissent leurs morts. Pour moi, un éléphant force le respect. Il représente à merveille à la fois la puissance et la délicatesse. » Pas étonnant de retrouver un dessin de deux de ces mammifères se faisant face aussi bien sur le pavillon que sur les portières des véhicules de la flotte du transporteur. Une autre qualité pourrait bien réunir la figure de l’éléphant et celle de Jérôme Barbin : une certaine forme de sagesse.

A.D.

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