La stratégie des Transports Lacassagne, depuis plusieurs années désormais, repose sur une volonté de se positionner en urgentiste… qui pratique des tarifs classiques. « Nous sommes transporteurs à la demande : c’était un métier de généraliste dans les années 1990, mais aujourd’hui c’est une niche. D’ailleurs, tous nos concurrents directs ont disparu. Les clients nous appellent pour aller n’importe où, que ce soit pour une courte ou une longue distance. Nous avons une stratégie de dépanneur : nous prenons tout, au dernier moment. L’équipe d’exploitation est hyperréactive et travaille sans filet », résume Éric Picquenot, P-dg de Lacassagne et actionnaire majoritaire depuis 2003 (voir encadré), aux cotés de Denis Real, directeur de site, actionnaire à 20 %, et d’Isabelle Esquerre, directrice administrative et comptable, actionnaire à 3 %. Président depuis 2014 de la Fédération Nationale des Transports Routiers Aquitaine, et président depuis six ans de l’ISTELI Bordeaux (Institut du Transport et de la Logistique Internationale) – l’école formant les exploitants et les patrons d’agence – l’homme, infatigable et passionné, se bat pour que le transport grand routier soit pérenne et produise des résultats positifs. La société est d’ailleurs l’une des dernières en Aquitaine à intervenir dans le transport longue distance.
Aujourd’hui, l’équipe aspire à pérenniser ce métier de « tout venant », tout en se plaçant sur des spécialités de niche. « Nous devons être excellents dans la qualité et le respect de l’engagement. Pour nos clients de fret départ – avec lesquels nous traitons en direct – nous nous plions en quatre. Nous privilégions nos clients fidèles, des entreprises de la filière papier-bois comme les groupes Smurfit et Gascogne. Et nous répondons présents pour nos autres clients – qui font appel à nos services uniquement lorsqu’ils sont en panne – autant que nous le pouvons », explique le P-dg. Jamais un camion ne revient à vide : le fret retour est diversifié, comprenant du transport de produits secs pour la grande distribution, de matériaux (briques, tuiles…), de vieux papiers ou du groupage pour de grands opérateurs. Cela représente 70 % du fret d’équilibre. L’entreprise a par ailleurs mis en place des relais pour répondre à des échéances serrées. « Nous traitons du lot complet que nous pouvons livrer dans des délais similaires à ceux de la messagerie. Notre organisation en relais de nuit et de jour, avec deux chauffeurs par camion, permet à nos clients de tenir des délais express, très courts. Nous disposons d’une quinzaine de chauffeurs, salariés Lacassagne, partout en France pour assurer les relais. Cette activité fidélise les clients car c’est une qualité de service qu’ils ne trouveront pas ailleurs », assure Éric Picquenot. L’entreprise répond ainsi à des demandes urgentes parfois surprenantes et complexes : livraison d’un gazon pour le terrain de football d’un grand club européen, transport de groupes électrogènes pour EDF…
La société continue d’explorer des métiers de niche. Il y a six mois, elle a ainsi investi plus de 200 000 euros dans un ensemble grue forestière de 57 tonnes, destinée au chargement des plateaux en bois. La flotte compte aussi deux porteurs de 19 tonnes, uniquement dédiés à la distribution régionale de carrelage. Les activités principales sont assurées par 66 tracteurs – essentiellement de la marque Scania – et 90 semi-remorques 44 tonnes tautliner. Au total, soixante ensembles routiers effectuent du transport à la demande ou dédié. L’entreprise a choisi du matériel léger pour faire bénéficier ses clients d’une charge utile de plus de 27 tonnes. « Notre parc peut rendre service à de gros chargeurs, et date de moins de deux ans. Nous investissons régulièrement car nous ne pouvons pas nous permettre une panne », note Éric Picquenot. L’ensemble de la flotte répond à la norme Euro VI. « Nous sommes l’une des premières entreprises de transport de la région à avoir reçu le label Objectif CO2 en 2017 », ajoute le transporteur girondin. Les Transports Lacassagne comptent aujourd’hui 80 chauffeurs parmi les 92 salariés. Leur moyenne d’âge : 50 ans. « Peu d’entreprises cherchent de grands routiers, nous ne rencontrons donc pas trop de problèmes de recrutement. Ces gars aiment leur métier », dit-il, mettant en avant ses chauffeurs français et son parc intégré pour argumenter face à la concurrence. « Les flux de zones longues sont désormais réservés à des entreprises embauchant des étrangers… Il y a 8 ans, nous réalisions 33 % de notre chiffre d’affaires en Espagne ; aujourd’hui, zéro ! ? » L’international représente 2 % du revenu de l’entreprise. Les Transports Lacassagne affichent depuis dix ans un chiffre d’affaires stable, autour de 10 millions d’euros. En 2017, il s’élevait à 9,9 millions d’euros, en croissance de 3,4 % par rapport à 2016. « Ce chiffre, c’est 95 % de kilomètres effectués, 3 % d’affrètement, et 2 % de stockage. Je ne pratique pas de sous-traitance. Nous avons par ailleurs deux partenaires transporteurs : XPO – un ancien ”cousin” (voir encadré Ndlr) qui nous prcure 5 % de notre chiffre, et Astre – qui nous en apporte 3 % », précise Éric Picquenot, impliqué dans la commission achat du groupement Astre. Dans le détail, le transport à la demande représente 85 % du CA, les relais 11 %, les porteurs pour le carrelage 2 % et la grue forestière 2 %. « Nous gérons notre société comme des épiciers, nous faisons la caisse tous les soirs ! Chacun connaît ainsi le résultat de la journée. C’est une motivation pour les chauffeurs », indique le P-dg. Éric Picquenot s’appuie sur une équipe présente de longue date dans l’entreprise – qui en revanche ne compte plus de commerciaux, un poste devenu inutile au vu de la stratégie…
• Siège : Cestas (33)
• CA 2017 : 9,9 M€
• Effectif : 92 salariés dont 80 conducteurs
• Parc : 66 tracteurs, 90 semi-remorques, un ensemble grue forestière 57 tonnes, 2 porteurs 19 tonnes
• Activités : transport de bois/papier, transport bâché, lots complets et groupés
L’entreprise a été créée dans les années 1950 par le couple Lacassagne. Alors étudiant en école de commerce, Éric Picquenot y effectue son stage en 1975, puis rejoint la société à la demande des dirigeants pour les aider à la développer. « Exploitation, commerce, technique… ils m’ont tout appris, dans le cadre d’un développement mesuré », se souvient-il. En 1991, le couple Lacassagne souhaite partir à la retraite et céder l’entreprise, dotée de 40 camions à l’époque. La société Darfeuille la rachète. S’ensuit une croissance « folle et non maîtrisée », qui place le groupe en grande difficulté. En 2001, le groupe britannique Christian Salvesen devient le nouveau propriétaire de Darfeuille. Il se sépare de nombreuses filiales mais conserve Lacassagne, surtout pour sa proximité avec l’Espagne. Éric Picquenot était alors le spécialiste « grands routiers » du groupe, tout en étant P-dg de la société girondine. Pour diverses raisons, il s’oppose à la stratégie de Salvesen – plus tard racheté par Norbert Dentressangle, lui-même acquis par XPO Logistics… – et finit par conclure un accord avec Salvesen pour récupérer Lacassagne. « Nous sommes fiers d’avoir pu résister à toutes ces tempêtes et d’être encore là », conclut Éric Picquenot.