Nichée dans un quartier résidentiel de Mérignac dans l’agglomération bordelaise, la petite entreprise créée par Gilbert Blanc en 1948 pour son compte propre – il transportait et livrait sa brande de bruyère – perdure grâce à sa petite-fille, Estelle Brun, qui l’a reprise en 1996. Son père, Michel Blanc, ne souhaitait pas reprendre la société. Elle, oui, se lançant dans l’aventure dès l’obtention de sa capacité, après un bac logistique. « Mes grands-parents m’ont élevée, j’ai baigné dans l’univers du transport routier dès l’enfance. Ma grand-mère a succédé à mon grand-père lorsqu’il a arrêté, et je me suis sentie redevable de reprendre le flambeau. À cette époque, il y avait deux chauffeurs – dont mon mari, Stéphane – et trois camions », se souvient-elle. Son père a finalement rejoint les Transports Gilbert Blanc (TGB) en 1999 en tant que chauffeur, et en est aujourd’hui actionnaire majoritaire – Estelle Brun étant gérante minoritaire.
À partir de 1954, Gilbert Blanc a commencé à travailler pour le compte d’autrui : il transportait du bois jusqu’en Sarre, dans l’est de la France, et ramenait de la ferraille. Trois de ses camions travaillaient en direct avec la faïencerie de Sarreguemines. Le flux entre le Sud-Ouest et l’Est s’est installé de façon régulière, et continue encore aujourd’hui. Quand Estelle Brun a pris les rênes, les clients connaissaient TGB pour cette spécificité, qu’elle a conservée. Les deux semi-remorques Mercedes avec hayons élévateurs partent donc en début de semaine de Bordeaux. Ils sont vidés en milieu de semaine en Lorraine, rechargés sur place, puis vidés dans le Bordelais le vendredi. Les camions passent par la Bourgogne, la Champagne, les Vosges, Nancy et Metz, où se trouvent les principaux clients. Au départ de Bordeaux, ils chargent divers produits : isolant, poêles à bois, vannes de robinetterie industrielle, médicaments, vin – « de moins en moins car cela s’avère très contraignant, et des plateformes spécialisées s’en occupent désormais. Nos clients sont variés et réguliers. Les camions partent à plein, ou bien nous les complétons sur la route. S’il reste 200 kilomètres à vide, nous essayons de trouver un petit chargement », détaille Stéphane Brun. L’entreprise passe par B2PWeb pour trouver des chargements potentiels. Elle travaille en outre avec des transporteurs qui savent que les camions sont dans l’Est le mercredi et le jeudi. « Certains font appel à nous pour ne pas se faire prendre de marchés. D’autres préfèrent même attendre que l’on passe car ils connaissent notre qualité de service et ne rencontreront pas de problème de réserves ou d’avaries. Mais nous sommes en flux hyper tendus, avec des délais de livraison très courts. Les camions se remplissent au fur et à mesure de la journée », constate Estelle Brun. Au départ de la Lorraine, les véhicules chargent des gaines électriques, des panneaux de bois, des jouets, des oreillers et des couettes, des batteries de voiture, du champagne…
TGB fonctionne avec des clients directs et refuse de signer des contrats avec des transporteurs ou des affréteurs, notamment pour éviter tout problème en cas de faillite. Un choix pouvant avoir un inconvénient en cas de baisse d’activité – ce qui est rare, selon Estelle Brun. L’entreprise s’en sort grâce à de l’optimisation. « Nous manipulons beaucoup la marchandise pour optimiser l’espace dans la remorque. Nos chauffeurs font de la manutention, de l’arrimage, du sanglage. Je peux gérer cet aspect au maximum car nous n’exploitons que deux camions. J’ai plusieurs fois par jour au téléphone notre jeune conducteur afin qu’il charge au mieux son véhicule », précise la gérante. La société a augmenté sa capacité de volume en revendant un porteur pour investir dans une semi. Pour livrer le Grand Sud-Ouest, des porteurs Mercedes permettent de dispatcher les marchandises. Le trafic étant saturé dans l’agglomération, les kilomètres sont aussi optimisés : un camion livre dans le Médoc, un autre dans le Nord-Gironde, et un autre dans le Sud-Gironde. Comme chez beaucoup de confrères, la première inquiétude de la gérante est l’augmentation du prix du carburant. « Pour économiser du gazole, nous choisissons notre travail par rapport au poids que l’on transporte, et nous maximisons les trajets. Heureusement que nous avons encore la TICPE – mais je sais que certains transporteurs ne la demandent pas ! », s’exclame-t-elle. L’autre risque, dans un tel contexte, c’est le vol de carburant. Les camions de TGB ont été plusieurs fois siphonnés dans la cour même de la société.
En 2017, celle-ci a réalisé un chiffre d’affaires de 325 000 euros, un chiffre stable qui se répartit à 70 % sur une activité de sous-traitance, et à 30 % sur des clients en propre. Ceux-ci sont principalement basés dans l’Est : un producteur de champagne, un transformateur de bois, un client historique (depuis l’époque de Gilbert Blanc) dans les faux plafonds, une brasserie, une tonnellerie… « Je vois notre relation avec les clients comme un partenariat. Par exemple, le producteur de champagne ne peut pas voir ses clients régulièrement, alors que nous, oui. Nous le représentons un peu finalement. À l’un de nos gros clients, nous donnons nos tarifs – et pas l’inverse. Mais on se plie à ses impératifs pour lui donner le meilleur service. Nous avons le même genre de relation avec les affréteurs réguliers. C’est pour cela qu’ils nous rappellent », estime Stéphane Brun.
Estelle Brun remarque que les affréteurs reviennent vers des entreprises françaises pour la qualité du service et la régularité : « Les clients ne veulent plus d’étrangers sur leur site. Les affréteurs jouent le jeu : c’est une force pour nous. Par ailleurs, nous chargeons uniquement des petits lots au départ de la Lorraine, entre une et huit palettes : les tarifs sont plus élevés pour ces services. Cela nous sauve. » Voir où gagner de l’argent… et où ne pas aller pour ne pas en perdre, c’est la clé. « L’activité reprend en ce moment, nous nous permettons de sélectionner nos clients. Quand c’est possible, j’évite d’aller chez de grands groupes avec de gros entrepôts, car les chauffeurs attendent longtemps sur place et nous payons ces heures d’attente. La pénurie de chauffeurs est aussi due à cela », analyse Stéphane Brun.
Pour pallier le départ d’un chauffeur, l’entreprise a formé un jeune homme sortant de l’école de conduite de Blanquefort (Gironde), avec laquelle elle a une forte relation. Benjamin Merignac s’est vu proposer un salaire au coefficient d’un chauffeur avec huit années d’expérience. « Je pense qu’il a accepté ce poste à la fois pour le salaire, le fait d’avoir son propre camion, et pour notre structure familiale à taille humaine. Il peut me joindre à tout moment. Mon mari lui a présenté les clients, montré la route, l’organisation du camion. On le sent motivé. Benjamin est fils de transporteur – un de la vieille école sachant se débrouiller avec la mécanique, l’entretien, comme nous », sourit la gérante. Chez TGB en effet, on répare les bâches, on s’occupe des vidanges… Un petit transporteur doit savoir se dépanner. Pour Estelle Brun, travailler pour une petite structure est « un atout pour un jeune. Il saura faire plus de choses que chez un gros transporteur, où l’on demande simplement aux conducteurs d’aller d’un point A à un point B ». Leur fils, Maxime Brun, est actuellement à l’école de Blanquefort, où il prépare un bac pro. Il devrait en toute logique rejoindre l’entreprise familiale, et à terme la reprendre.
• Siège : Mérignac
• CA 2017 : 325 000 €
• Effectif : 4 salariés dont 3 chauffeurs
• Parc : 2 semi-remorques, 2 porteurs de distribution
• Activité : lot