Habiller ses camions avec les héros de Star Wars, SuperMan ou encore Michel Vaillant, le célèbre pilote de course, ou même écrire en grosses lettres sur les bâches de ses véhicules qu’il est fier de son équipe de conducteurs ! C’est l’initiative prise par Sébastien Duval, gérant de l’entreprise éponyme dans la Sarthe, pour freiner et prévenir le turnover, attirer de nouvelles recrues, et redonner une belle image du métier.
L’idée vient des délégués du personnel. « Depuis un an et demi, nous avons mis en place un système de parrainage. Lorsqu’un conducteur en fait entrer un autre dans l’entreprise, il reçoit en tant que parrain une prime de 100 euros après trois mois d’ancienneté », indique le transporteur. Mais force est de constater que « les retombées n’étaient pas terribles ». Alors comment attirer le regard vers les Transports Duval ? L’entreprise, qui compte 90 collaborateurs, a effectué l’acquisition de six remorques neuves qui plongent dans l’univers de la fiction. Bilan de l’opération ? « Ça fait le buzz ! Et les parrainages fonctionnent mieux. Par exemple, nous avons versé sept primes l’année dernière, contre une seule en 2016. Mais de là à mesurer l’impact, c’est difficile », nuance Sébastien Duval, qui prévoit d’acheter 10 remorques similaires d’ici à septembre. D’autres héros de BD devraient faire leur apparition, comme Wonder Woman. Tel un clin d’œil aux trois conductrices qui travaillent ici.
Cette opération cache deux problèmes de fond : un turnover croissant et des difficultés de recrutement dans la profession. « Chez nous, le turnover varie autour de 20 % des effectifs. Sur 75 conducteurs, une quinzaine changent de poste au cours d’une année. Si je n’ai eu aucun départ entre octobre et décembre 2017, cinq conducteurs ont quitté l’entreprise depuis mars », décrit le chef d’entreprise, qui a recruté six chauffeurs depuis avril dernier. S’il dit avoir besoin d’un à deux conducteurs en plus, il assure disposer de l’effectif nécessaire pour faire tourner « correctement » les véhicules. « Mais je ne suis pas à l’abri de nouveaux départs, et reste donc en recrutement permanent », confie le dirigeant, observant cette « pénurie » depuis deux à trois ans. À ce phénomène, il avance trois raisons : « Depuis l’arrêt du service militaire, l’armée ne représente plus un vivier de conducteurs. De plus, on observe un désintéressement des jeunes pour ce métier. Et nous, les transporteurs, nous n’avons pas su communiquer. » Les prévisions ne sont guère optimistes dans la profession. « Le nombre de conducteurs qui manquent aujourd’hui aura doublé dans trois ans », décrivant une situation « déjà critique », constate Sébastien Duval.
Une situation que n’a guère connue son père, Pierre, ni son grand-père, Raymond, à l’origine de l’affaire. Car l’histoire des Transports Duval s’écrit en famille depuis 1946 à Château-du-Loir. La SNCF est alors son premier client et la petite entreprise se lance dans la distribution de colis à 30 kilomètres à la ronde, la livraison de charbon et le transport de pommes. C’est en 2006 que Sébastien décide de prendre les commandes. « Dès l’âge de 16 ans, je travaillais tous les étés dans l’entreprise avant d’y entrer en 1993. Conducteur, manutentionnaire, exploitant… je suis passé par tous les métiers », se souvient le dirigeant. Si cette transmission s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs et dans la volonté de « rester une PME familiale », il va dès lors développer la location de véhicules avec conducteur et aussi étoffer le portefeuille clients. « En 2000, trois clients représentait 50 % de notre chiffre d’affaires. Désormais, notre plus gros client génère un peu plus de 10 %, et nous comptons 60 clients réguliers. »
Aujourd’hui, l’entreprise campe sur plusieurs spécialités : transport-express, opérations de manutention et de levage, transports sous température dirigée, transport de matières dangereuses, déchets, matières recyclables et marchandises en lot partiel et complet, aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau européen (Bruxelles, Barcelone, Luxembourg…). Des métiers qui demandent une « certaine polyvalence » du personnel. Chez Duval, chaque nouvelle recrue est « bien formée et bien intégrée » grâce à une formation délivrée en interne. Douze ans après avoir repris les rênes de l’entreprise, Sébastien Duval souhaite accroître davantage l’activité de location qui pèse « environ 30 % » du chiffre d’affaires. L’objectif est d’atteindre « 60 % d’ici quatre à cinq ans ». Le transporteur, qui observe depuis le début de l’année une hausse de 3 % de son CA comparé à la même période l’an passé et table sur 8,5 millions d’euros cette année (contre 8,2 M€ en 2017), est à la tête d’une flotte de 60 camions en propre et 100 semi-remorques. Quatre tracteurs vont prochainement étoffer le parc.
Duval pourrait également effectuer l’acquisition de quatre semi-remorques équipées de chariots embarqués d’ici à début 2019. Ainsi, sur un investissement annuel de plus d’un million d’euros, plus de 80 % sont dédiés au matériel roulant. Dans un souci d’écologie, Duval fait évoluer son parc vers les dernières générations de moteurs aux normes Euro VI version 2. Plus de 1 636 900 kg… Sur son site Internet, Duval comptabilise, depuis 2011, les économies de CO2 réalisées. Signe que la société s’emploie à réduire la consommation de carburant et son impact environnemental. La flotte de camions est donc renouvelée en faisant appel aux technologies les plus modernes : systèmes de carénage intégraux, compresseurs débrayables, climatisation de toit indépendante, système I-Roll, GPS couplé à un régulateur de vitesse intelligent… Une vingtaine de camions sont équipés de ces options, dont certaines se chiffrent à 2 000 euros. Duval mise sur l’éco-conduite. Adhérente au Groupement Flo depuis 2008, la SAS loue un simulateur poids lourd en partenariat avec la société Consoptima. L’objectif est de sensibiliser les conducteurs aux consommations de carburant, au respect de l’environnement et aux risques routiers dans diverses conditions de circulation, notamment climatiques. « Plus des trois quarts ont testé le simulateur en place depuis deux ans. » Au printemps 2019, cette expérience sera ouverte aux enfants et conjoint(e)s, le temps d’un week-end, « pour mieux faire connaître le métier ». Par ailleurs, la société sarthoise trie et recycle ses papiers, cartons et plastiques. Elle prévoit également d’investir dans une station de lavage « nouvelle génération », opérationnelle fin 2018, qui recyclera l’eau de pluie pour alimenter le système. Le coût, en cours de chiffrage, devrait avoisiner 80 000 euros. La PME n’hésite pas à installer sur son site des contenants créatifs, comme une boîte à questions prenant la forme d’un cendrier à deux colonnes. De quoi encourager l’acte de tri de manière ludique !
• Siège : Château-du-Loir (72)
• Effectif : 90 collaborateurs dont 75 conducteurs
• CA : 8,2 M€ en 2017
• Parc : 60 moteurs et 100 semi-remorques
• Activités : transport de matières dangereuses, déchets et matériaux recyclables, frigo, location avec conducteur, manutention…
« Depuis six à huit mois, Duval passe au transport 2.0 avec le suivi en temps réel des livraisons. Ce qui est relativement nouveau dans le transport de lots partiels et complets », indique Sébastien Duval, qui utilise le système GedMouv. Objectif affiché ? Apporter « plus de services aux clients ». Chaque conducteur est ainsi équipé d’un smartphone qui le géolocalise. Le client est, quant à lui, informé de l’état de sa marchandise grâce à la validation en temps réel de chaque étape de la livraison.
