Le bonheur est dans la ferme

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Ils ont l’âme rurale et le goût de leur métier chevillés au cœur et au corps. Sébastien Voisin, son épouse Cécile, ainsi que ses deux filles Odile et Agnès, œuvrent à l’essor d’une entreprise (de transport agricole et d’aliments du bétail) qui a connu un développement sans anicroche – hormis cette baisse d’activité en 2016 liée à une mauvaise récolte – depuis sa création en 1986. Blondel Voisin capitalise avec succès sur ses propres savoir-faire en matière d’acquisition de véhicules, de réparations et de distribution.

« Ce métier, je commence à bien le connaître ». Il est bien modeste Sébastien Voisin. ! Il pourrait pourtant s’enorgueillir, chaque soir, au moment de quitter l’entreprise, sa flotte de camions – en nombre — bien alignée sur le parking, d’avoir surfé avec succès sur les aléas de la conjoncture depuis ses premiers pas de transporteur. Car il en a parcouru du chemin, depuis 1986, ce titulaire d’un BEP agricole ! Ses débuts professionnels, en solo au volant de son premier véhicule, n’auront finalement été qu’une courte parenthèse. Sébastien Voisin recrutera très vite de nouveaux conducteurs pour mettre sa petite entreprise sur orbite au moment de satisfaire à la demande d’un gros client de l’agriculture, en forte croissance. L’agriculture ? C’est son terrain de jeu favori. Ce fils d’une famille nombreuse a l’âme rurale chevillée au cœur. Il n’est donc pas surprenant qu’il se positionne aux côtés de ses frères lorsque se présente l’opportunité de racheter une ferme au milieu des années 1980. Sauf qu’il n’y a pas de place pour tout le monde. Le cadet de la fratrie qu’il est se voit écarté, invité à s’inventer – à 21 ans — un autre avenir professionnel. Grand bien lui fit : Sébastien Voisin sera transporteur agricole. L’occasion pour lui de conserver un pied dans la ferme et un autre au plancher de son premier camion. Le Normand fait en fait fructifier son permis PL décroché à l’Armée, juste avant son attestation de capacité. Ses premières sorties sur la route le conduisent vers le Nord, Rouen et Le Havre. Il s’entoure rapidement et, écoutant son inspiration entrepreneuriale, s’offre quelques petits bouts de croissance externe pour nourrir son activité de transport d’aliments du bétail. « J’en aurai effectué une vingtaine en l’espace de 30 ans », indique le dirigeant, père de 2 filles, Odile et Cécile, aux manettes à ses côtés et à ceux de la maman, Cécile.

Autonomie

Depuis ses débuts, Sébastien Voisin a fait sienne cette maxime selon laquelle « il vaut mieux être ingénieux qu’ingénieur ». Pour satisfaire son sens de l’engagement et nourrir son besoin de s’enrichir aux côtés de ses pairs transporteurs, il s’investit dans le syndicalisme patronal à la tête de la FNTR Haute Normandie, au Cercle des jeunes dirigeants ainsi qu’au directoire du groupement France Benne. Blondel Voisin (CA : 6,4 M€) a grandi au rythme d’un ou deux camions par an. L’entreprise implantée à Bosrobert (sur 4 ha avec 300 m2 de bureaux), entre Rouen et Evreux, borde l’autoroute A28. Elle a, au fil du temps, complété son éventail d’activité. Le transport de denrées alimentaires brut – la ramasse s’effectue à Chartres pour des livraisons au port de Rouen – constitue l’un de ses premiers leviers de développement. Le transport d’aliments du bétail – Blondel Voisin est agréé Qualimat depuis ses débuts – vient compléter cet éventail. « Nous chargeons dans les usines du nord de la France pour distribuer l’aliment (pour poules, vaches, cochons, chevaux) en grand régional, sous la forme de contrats de location dédié », souligne Odile Voisin. L’aînée des sœurs (27 ans) chapeaute l’exploitation, le commercial, la sécurité et la qualité. Sa sœur Agnès (25 ans), elle, contribue à l’établissement des salaires, la saisie des tournées des conducteurs, la facturation du lavage (la société possède sa propre station) et à la mise en circulation des nouveaux véhicules. Odile a fréquenté la Rouen Business School (licence avec option supply chain) puis a décroché un master à l’Isteli. Agnès est titulaire d’un BTS Transport et logistique et d’une licence de l’Isteli. Toutes deux possèdent leur permis poids lourd.

Quant à Cécile, la maman, elle est aux manettes d’une autre société et pilote les ressources humaines, le poste carburant, la facturation et les salaires de Blondel Voisin.

L’entreprise emploie 48 salariés dont 40 conducteurs. Elle dispose d’un garage intégré (1 500 m2) qui emploie 4 mécaniciens. « Tout est pris en charge chez nous. Il faut vraiment que l’on ne parvienne pas à trouver l’origine de la panne pour que l’on se rende chez le garagiste », indique Odile Voisin. Blondel Voisin opère également dans les solutions azotées en citerne (vrac) en inox. La société charge à Rouen et assure ses livraisons dans les fermes de Normandie. Il y a quatre ans, pour pallier à une sérieuse baisse d’activité liée à une très mauvaise récolte de céréales, Blondel Voisin a ajouté une nouvelle corde à son arc au travers du transport de plaquettes et de granulés de bois, ainsi que de pulvé en carbonate de soude. Par ailleurs, de septembre à avril, l’entreprise assure une activité de transport de sucre sur un rayon Région Parisienne, Caen, Rouen, Le Havre.

Enracinement rural

Pour le renouvellement de leur flotte, les Voisin ont, depuis le début, effectué le choix d’acquérir des tracteurs d’occasion (Euro V) et des remorques neuves pour la distribution d’aliments du bétail. Un choix guidé par des motifs économiques : « Pour le prix d’un véhicule neuf, on peut en acquérir trois d’occasion, précise Odile. Nous les achetons à 400 000 km et les revendons au million. Nous sommes de gros consommateurs de pièces détachées ». Blondel Voisin a fait le choix de privilégier son atelier intégré. « Nous avons un bon savoir-faire », glisse Sébastien Voisin.

Le créateur de la société se veut proche de ses salariés. Chaque matin, à 10 h 30, conducteurs et personnel sédentaire se retrouvent autour d’un café. Cette proximité a un prix pour le dirigeant, qu’il accepte bien volontiers : il faut parfois composer avec la vie privée des collaborateurs au moment de faire tourner l’exploitation. Blondel Voisin doit s’adapter, comme nombre de ses confrères, à la pénurie de conducteurs. Mais l’enracinement régional de l’entreprise, l’ADN rural de ses chauffeurs, l’expose peu au manque. Pour se protéger, elle a signé (symboliquement) un pacte de non-agression avec les transporteurs de sa région. « Nous nous engageons à ne pas nous débaucher de chauffeurs », souligne Odile Voisin, membre de la cellule « jeunes dirigeants » de France Benne. Reste que, à terme, il sera nécessaire de se pencher sur le vieillissement de la pyramide des âges maison. Blondel Voisin dit accueillir, déjà, des jeunes en Bac pro ou en alternance auxquels elle finance le permis PL.

Infrastructures : le casse-tête

Les sœurs Voisin se projettent sur la succession de leurs parents. L’heure est loin d’avoir sonné étant entendu le jeune âge des capitaines (52 et 50 ans). Dans leur apprentissage, Odile et Agnès se nourrissent de l’expérience du papa. « Il est rassurant de savoir qu’il est encore présent, au moins encore une quinzaine d’années, pour nous épauler et nous corriger en cas d’erreur, déclare Agnès Voisin. Nous essayons, ma sœur et moi, d’apporter notre sensibilité aux nouvelles technologies (nouveaux TMS et géolocalisation que nous sommes en train d’installer). Avant de prendre des initiatives fortes, nous le consultons. Pour le convaincre, il nous faut parfois le faire au moyen de démonstrations fortes ».

N’y aurait ces sources de tracas en matière d’infrastructures, l’on pourrait dire que le bonheur est dans la ferme chez les Voisin. Leur entreprise doit, en effet, composer avec les interdictions de circuler qui fleurissent un peu partout dans le département de l’Eure et au-delà. « À certains endroits, nous ne savons plus quel itinéraire emprunter. À chaque fois que l’on nous interdit un parcours, cela nous génère une dizaine de kilomètres supplémentaires à parcourir… sur un autre itinéraire qui déclenche une levée de boucliers de maires de villages qui disent “stop” ». Et puis, il y a cette autoroute A28 vers laquelle une incitation à circuler préfectorale fait peser des coûts exorbitants sur l’exploitation (70 € les 100 km). Il y a encore ces ponts payants (Tancarville, Normandie) ou l’autoroute pour rallier Le Havre. La cerise sur le gâteau ? C’est ce détour de 20 km imposé par la ville de Rouen qui interdit les quais bas aux poids lourds. Les Voisin en prennent ombrage. Forcément. Mais le bonheur de « faire le métier » est resté intact.

Repères

• Siège : Bosrobert (27)

• CA : 6,4 M€

• Effectif : 48 salariés (40 conducteurs)

• Parc : 45 moteurs

• Activités : transports de denrées agricoles, aliments pour bétail, solutions azotées, plaquettes et granulés de bois, pulvé en carbonate de soude.

Des matériels spécifiques

Blondel Voisin exploite un parc de citernes compartimentées dotées de système de vis soufflerie. « Nous avons 2 moyens de vider les citernes aliments du bétail : en soufflerie ou au moyen d’une vis installée dans le silo. Ce sont les clients qui organisent les tournées », explique Odile Voisin. La société possède également une dizaine de fonds mouvants qui traitent le déchet, les plaquettes de bois et les produits propres. Un lot de bennes mixtes permet de traiter céréales, cailloux ou TP.

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