C’est ce qui s’appelle « anticiper ». Cette rentrée, les Transports Montbrisonnais, à Saint-Romain-le-Puy, dans la banlieue de Montbrison (42), ont engagé la formation, pour huit mois, d’un stagiaire de 45 ans en reconversion. « L’an dernier, déjà en partenariat avec Pôle emploi, nous avions mené la même démarche pour un jeune homme que nous avons embauché en CDI en avril dernier, explique Manuel Gomes, P-dg de l’entreprise. Comme notre turnover est très faible, nos besoins de recrutement restent contenus jusqu’ici… Mais la situation risque de se tendre à l’avenir, et préparer un permis en super-lourd prend huit mois au minimum. Ensuite, nous ajoutons deux mois de formation en interne avant de confier un véhicule à un nouveau chauffeur. »
S’il reconnaît qu’il n’est « pas toujours évident de former quelqu’un qui risque de partir », le dirigeant se dit tout de même prêt à recruter dès qu’il repère un bon profil, « quelqu’un dont on sent qu’il est vraiment motivé par le métier. L’humain, c’est ce qui fait marcher l’entreprise ! » Et pour cela, selon lui, mieux vaut convaincre et fédérer plutôt qu’imposer. « On voit très peu nos conducteurs, ajoute-t-il. Sur la route, ils sont en autonomie. Ils doivent donc être acquis à nos démarches, à l’éco-conduite, à l’importance d’avoir un bon relationnel et d’assurer un service de qualité aux clients. »
La stratégie de Manuel Gomes se concentre dans le triptyque « qualité-sécurité-environnement » (QSV) qui a conduit l’entreprise vers une démarche dite de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), avec un audit du Crepi* en 2015. Pour lui, tout est lié : l’engagement environnemental (voir encadré ci-contre) se combine forcément avec la recherche de qualité et une grande attention au personnel. Le site de l’entreprise témoigne, photos à l’appui, des fêtes et événements conviviaux réguliers. Depuis quatre ans, la PME propose à ses 44 salariés, dont 35 conducteurs, de consulter au moins deux fois par an, gratuitement, un ostéopathe partenaire.
Mais surtout, les « collaborateurs » sont associés à la prise de décision grâce à la réunion, quatre fois par an, d’un comité de pilotage (Copil) qui comprend le P-dg et les deux exploitants, le responsable QSV, le formateur des conducteurs et deux chauffeurs… Chaque fois, les membres du Copil dressent le bilan des actions mises en place depuis leur dernière rencontre et recensent les nouvelles problématiques repérées – les difficultés d’un conducteur, une demande de livraison complexe… « Pour chaque question, complète le P-dg, nous décidons d’une action et désignons un pilote, qui rendra des comptes à la réunion suivante. Nous votons ensemble des décisions qui concernent des choix de matériel comme certaines orientations commerciales. Les conducteurs, sur le terrain, perçoivent bien les nouveaux besoins. Ils ont d’ailleurs des cartes de visite de l’entreprise. »
Manuel Gomes, qui a créé son entreprise en 1990, après une expérience personnelle dans le transport et dans la mécanique, se dit « attaché » à la confiance qu’il entretient avec ses salariés, en particulier les conducteurs. S’il a démarré seul en messagerie, la progression de son équipe et de l’activité lui ont fait quitter la route vers 1995, construire un bâtiment puis se réorienter vers le transport dans le BTP, son métier d’origine afin, selon lui, « de maîtriser au maximum l’outil de travail ».
Le souci de qualité apporte une première certification ISO 9002 en 1998, avant une ISO 9001 en 2001. « Nous avons très tôt pris l’habitude de tout noter, commente-t-il. Tout est organisé pour ne pas perdre de temps, être compétitifs et réactifs. » Dans le même souci de qualité et de maîtrise, le P-dg limite au maximum la sous-traitance et préfère se concentrer sur des domaines qu’il connaît plutôt que de trop diversifier ses activités. « De 2000 à 2005, nous avons géré la préparation de commandes pour un client, se rappelle-t-il. Mais nous nous sommes retirés dès que l’activité a changé d’échelle et que le client l’a déménagée pour la gérer directement… tout en gardant le client ! »
Aujourd’hui, le chiffre d’affaires – de 3,7 millions d’euros en 2017 (en croissance de 10 % depuis 2016) – se répartit toujours entre le BTP (70 %), la métallurgie (20 %) et des activités diverses (10 %). La clientèle compte quelque 300 entreprises, dont des grands comptes réguliers tels Saint-Gobain ou Arcelor. « Mais, ajoute le Pdg, je veille à ce qu’aucun ne représente plus d’un tiers du chiffre, pour ne pas être trop dépendant, donc fragilisé. » Côté flotte, les 35 conducteurs, dont deux formateurs, conduisent 35 véhicules moteurs, renouvelés tous les cinq ans et à 80 % en Euro VI, avec une trentaine de semi-remorques plateau, une grue et des élévateurs embarqués. Sans oublier, depuis fin 2017, un camion qui roule au gaz (voir encadré). La PME assure des transports en lots et demi-lots en PL tautliners, plateaux ou bâchés, et gère un gros volume de prestations spécifiques grâce, notamment, à ses véhicules auto-déchargeables. « Je me concentre principalement sur des activités très spécifiques comme le BTP, explique Manuel Gomes. Cela nous permet d’assurer des prestations pointues, comme des livraisons sur chantier qui vont jusqu’à la mise en place d’équipements par nos conducteurs. Grâce à ces solutions de niche, nous travaillons en Rhône-Alpes et dans toute la France ? » Depuis 2002, l’entreprise est très présente en Île-de-France avec sa filiale Transablis, d’abord pilotée depuis un site en location (à Ablis, dans les Yvelines) et, depuis 2008, avec des conducteurs détachés. « Aujourd’hui, comme notre conducteur référent et formateur sur place souhaite évoluer dans son poste, nous pensons à retrouver un site à nous », complète le dirigeant stéphanois.
À 53 ans, Manuel Gomes espère bien un jour transmettre l’entreprise familiale – dont il détient la holding à 50/50 avec son épouse Nathalie – à son fils Mickael, entré en 2016. Titulaire d’un BTS transport et prestations logistiques, celui-ci est d’abord passé par la conduite et l’exploitation. À partir de 2019, il suivra également son père dans diverses démarches, « jusqu’à tout maîtriser afin, un jour, de reprendre l’entreprise. Il faut anticiper ».
En 2016, les Transports Montbrisonnais ont été la première PME transport de la Loire à recevoir le label CO2, trois ans après la signature d’une charte. « Cela correspond pour nous à une démarche naturelle, souligne Manuel Gomes. Je lutte contre le réchauffement climatique en tant que citoyen, pour nos enfants et nos petits-enfants. »
Pour le P-dg, ce souci de l’environnement n’a de sens que s’il implique tout le monde. « Il importe que les conducteurs adoptent quotidiennement une conduite plus économe et éco-responsable, rappelle-t-il. Cette vision englobe aussi l’ensemble de nos activités. » La PME, qui a par exemple adopté l’impression à la cire, s’efforce de supprimer le papier au maximum. Les conducteurs sont équipés d’une tablette pour tous leurs échanges, 90 % des factures sont envoyées par mail. « Aujourd’hui, ajoute le P-dg, j’aimerais favoriser le covoiturage des salariés et je réfléchis à la mise à disposition d’une voiture pour le personnel. » Par ailleurs, les Transports Montbrisonnais, qui étaient partenaires de la première station au GNC inaugurée en novembre 2017 à Saint-Étienne, utilisent un Iveco 400 au gaz pour des transports quotidiens dans le BTP entre Clermont-Ferrand, la Loire et la Haute-Savoie. « Nous pensons à élargir l’expérience à l’Île-de-France, où il y a plus de besoins et plus de stations », explique Manuel Gomes. F. R.
• Siège : Saint-Romain-le-Puy (42)
• CA 2017 : 3,17 M€
• Effectif : 44 personnes dont 35 conducteurs
• Parc : 35 moteurs
• Activités : BTP (70 %), métallurgie (20 %), divers (10 %)
* Clubs régionaux d’entreprises partenaires de l’insertion.