En août dernier, les Transports de Savoie, à Chambéry, ont intégré dans leur giron les Transports Thiébaud, également dans la capitale savoyarde. Cette acquisition porte à environ 23 000 le nombre de m2 de stockage du groupe. « Cette entreprise d’une trentaine de salariés disposait aussi d’un portefeuille commercial complémentaire du nôtre, en particulier dans l’agroalimentaire, commente Philippe Jeanjean, P-dg des Transports de Savoie qui emploient 400 salariés, dont 220 conducteurs. Mais cette acquisition nous enrichit d’abord sur le plan humain, avec des professionnels qui possèdent un vrai savoir faire sur le plan de la logistique et du groupage. Cela nous tire vers le haut ». Pour le dirigeant, la croissance externe contribue activement à la politique de diversification qu’il a opérée en rachetant il y a dix ans la PME, devenue un groupe dont il détient 100 % de la holding (Synapse). Auparavant, l’entreprise était issue d’une coopérative créée dans les années 1950. Elle avait compté jusqu’à une centaine d’artisans avant que l’un d’entre eux, Maurice Jacquet, ne rachète l’ensemble pour le transformer en SARL à la fin des années 1980. Avec un portefeuille commercial très tourné vers la Savoie, l’entreprise maintenait des activités de transports bâchés de lots, demi-lots, dans des secteurs très industriels comme la papeterie ou la métallurgie. En 2007, elle comptait environ 240 salariés, pour 35 M€ de chiffre. Le nouveau patron s’appuie alors sur les sites de recharge hors Chambéry, à Bordeaux, Dijon et en Île-de-France, pour ancrer le développement et la diversification commerciale de la PME. Côté services, l’activité s’ouvre et se répartit entre le transport à la demande (60 %), la location de véhicule à la demande (30 %) et la logistique (10 %). Sur le plan sectoriel, la ventilation se veut plus large encore entre les matériaux de construction (30 %) et la grande distribution (30 %), mais aussi l’industrie (20 %), l’industrie papetière (10 %) et des clients divers (10 %). « Cet équilibre nous a permis de mieux traverser les difficultés en 2008 et 2011, explique le dirigeant qui, durant les sept premières années, a notamment dû rembourser un LBO (leveraged buy-out) de 1,5 M€. Quand la situation devenait difficile dans un secteur, un autre prenait le relais, en particulier la grande distribution. Cela a été un axe fort pour demeurer moins sensible aux aléas du marché. » L’entreprise compte quelque 200 clients, tels Auchan, Carrefour ou Aldi. Mais aussi Saint-Gobain, Schneider ou Fenwick.
Les Transports de Savoie s’appuient également sur une assise territoriale renforcée avec huit agences, anciens sites relais ou PME intégrées. « Chambéry concentre le back-office et chaque agence pilote sa propre force commerciale, sa production, ses entrepôts et une capacité d’affrètement, qui représente globalement 15 % de notre activité, explique Philippe Jeanjean. Nous croisons nos efforts et chaque directeur connaît bien les produits que nous voulons développer. Mais, il conserve aussi une marge de manœuvre. Nous sommes une PME, pas un grand groupe ». Le P-dg développe la même optique pour les entreprises acquises, Lignatrans, à Albertville (en 2011), TS-Nord (2014), les Transports Thiébaud cette année. Chacune de ces acquisitions a apporté des compétences complémentaires : le transport de bois, de bétail ou de déchets pour Lignatrans à Alberville (73), ou le froid pour TS-Nord. « La croissance externe nous rend plus forts collectivement qu’on ne l’était individuellement, ajoute le dirigeant. et, comme nous évoluons sur un secteur d’activité à faible valeur ajoutée, nous devons trouver des niches et nous différencier. » Cette « différenciation » passe en particulier par la mise en place, dès 2008, de prestations informatiques gérées en interne. À Chambéry, un service dédié de trois personnes crée et pilote des solutions informatiques adaptées aux besoins des clients. Cette équipe a par exemple élaboré, et administre, une plateforme de gestion des courses, de la commande à la livraison. Un autre portail concerne le suivi de matériel dans les travaux publics. Un troisième produit permet aux clients d’optimiser le suivi de leurs documents administratifs, de type Urssaf ou inscription au registre des transports.
Ces services concernent, pour l’instant, une dizaine de clients et s’inscrivent dans la prestation globale de transport. « Mais, ils contribuent vraiment à valoriser cette prestation aux yeux du client, estime le transporteur savoyard. Ils nous permettent aussi de nous poser des questions pour chaque service de transport, de prendre du recul pour l’améliorer dans le détail. » Exemple ? Lorsqu’un transporteur livre un chariot élévateur, le client accompagne parfois l’installation de la marchandise d’une formation. « Un outil de synchronisation des flux aide à anticiper la date et l’heure de la livraison plus précisément, ajoute le P-dg, afin de prévoir cette formation au bon moment ».
La diversification, pour les Transports de Savoie, passe également par une démarche environnementale. La PME a renouvelé sa première charte Objectif CO2. Elle est candidate à la labellisation. Sa flotte de 220 moteurs, essentiellement des tracteurs, comprend une dizaine de véhicules au gaz, surtout dans le nord. En 2018, la PME prévoit de porter à 30 % la part du gaz. « Nous développons le recours à cette énergie en partie à la demande du client, précise le P-dg, mais aussi, à l’échelle de la flotte, en évaluant quel véhicule peut être remplacé par un autre au gaz, sans pénaliser le service. » Pour Philippe Jeanjean, la question se révèle plus technique qu’économique : « Développer le gaz correspond à un engagement sociétal et à un enjeu fort pour notre profession, trop souvent dévalorisée et méconnue ». Dans un contexte de recrutement tendu, revaloriser l’image du transport lui semble d’autant plus fondamental. Pour le dirigeant, ce souci se traduit aussi par une organisation humaine qui mise sur la formation, avec deux formateurs intégrés pour les 220 conducteurs. Ces responsables travaillent, par exemple, avec les chefs d’agence à la préparation de nouveaux contrats, pilotent l’intégration des nouveaux chauffeurs ou suivent l’éco-conduite. Comme la moitié de la flotte dispose d’un système informatique dédié à la conduite (alors que 100 % des camions disposent d’un système embarqué), les informations récupérées permettent de développer une éco-conduite plus ciblée.
En matière de plan de transport, il n’existe que quelques lignes régulières (entre Paris-Bordeaux, Chambéry-Orange, Chambéry-Lille ou Chambéry-Paris…). Les efforts des dirigeants et des équipes portent particulièrement sur la réduction du kilométrage à vide. « et, ajoute Philippe Jeanjean, nous affinons au maximum la politique tarifaire en fonction de la destination. Il est plus difficile de recharger à Toulouse qu’en Île-de-France. Il faut essayer de le faire comprendre aux clients, même si ce n’est pas simple. D’ailleurs, une part de plus en plus importante d’entre eux comprend que si nos taux de marge ne sont pas suffisants, il est plus compliqué de répondre à des exigences d’excellence. Tout passe par la négociation ».
À l’avenir, le P-dg espère continuer à diversifier le portefeuille clients de l’entreprise, en complétant notamment l’offre de location et de logistique. « Ce que nous avons déjà conduit sera valable pour les quatre à cinq ans à venir, relève-t-il. Il s’agit de maintenir notre équilibre, en affinant certains savoir faire de niche, comme le transport de porte-engin, en fond mouvant ou le bois. Aujourd’hui, le développement et la diversification peuvent passer par la croissance externe ou organique. Nous écouterons nos clients ».
• Siège : Chambéry (73)
CA prévisionnel 2017 : 50 M€ (consolidés)
• Effectif : 400 salariés dont 220 conducteurs
• Parc : 220 moteurs dont une dizaine au gaz, 380 remorques (tautliner, fourgon, frigo, porte-engin, fond mouvant)
• Activités : transport à la demande, location de VI, logistique