Saverne, dans le Bas-Rhin. Rue Sainte-Marie. En plein quartier d’habitations, face à un supermarché de proximité et en recul d’une jolie maison, on trouve le petit bureau des Transports, jouxté par un terrain de 23 ares capable d’accueillir le stationnement des 28 véhicules que compte l’entreprise. Cette maison n’est autre que celle où a grandi Claude Gstalter, à la tête depuis 1994 de cette entreprise familiale installée ici depuis les années 1960. « Elle a été fondée par mon grand-père, à Rosenwiller (Bas-Rhin), pendant l’entre-deux-guerres, à l’origine sur une activité de travaux publics et de transport. Mon père l’a reprise et installée à Saverne et s’est concentré exclusivement sur le transport à partir de 1985 », retrace Claude Gstalter. À l’époque, le quartier constituait encore la première couronne de l’agglomération savernoise. « Il n’y avait rien ici », se souvient le chef d’entreprise de 56 ans. L’urbanisation a gagné du terrain et, désormais, « le vendredi soir, pour faire rentrer tous les véhicules ici, ça fait du remue-ménage ».
C’est notamment pour cette raison que les Transports Gstalter s’apprêtent à déménager. Au cœur de la zone industrielle de la commune voisine de Dettwiller, 70 ares de terrain ont été réservés. Une fois le permis de construire déposé, moyennant un investissement de 800 000 euros, l’entreprise y érigera un bureau prolongé d’un petit hall ainsi que d’un grand parking clôturé. Claude Gstalter devrait ainsi mettre définitivement fin au vol de carburant dont ses véhicules sont régulièrement la cible et qui l’a conduit à s’équiper, il y a quatre ans, d’un système d’alarme avec vidéosurveillance.
Cet investissement va surtout dans le sens d’une volonté ferme d’augmenter le volume d’affaires de l’entreprise, notamment depuis que la quatrième génération, incarnée par Julien Gstalter, a rejoint l’entreprise en 2012. La stratégie : « Trouver des créneaux où il y a de la spécialisation, résume Claude Gstalter. Nous tentons d’augmenter la part de clients directs tout en conservant notre activité en sous-traitance, qui nous apporte de la flexibilité. »
Aujourd’hui, l’entreprise réalise 60 % de son activité en sous-traitance auprès de grands groupes en qualité de tractionnaire. Leur secteur d’activité : « Tout ce qui se transporte en vrac, en citerne ou en benne », résume Claude Gstalter. Les 40 % restant sont traités en direct auprès de centrales de béton, gravières ou industries. L’entreprise collecte par exemple du verre usager et « nous travaillons pour tout le monde en travaux publics », expose le transporteur alsacien. Jusqu’en 2016, les Transports Gstalter ont bénéficié du chantier voisin de réalisation de la LGV Est européenne, en particulier avec la construction du tunnel de Saverne : 8 à 10 véhicules étaient alors consacrés à cette activité. Depuis, la part « travaux publics » a diminué. Dans les prochains mois, le chantier de l’autoroute de contournement de Strasbourg (GCO) ne manquera pas de mobiliser les entreprises de transport. Et les Transports Gstalter en seront forcément, notamment via la centrale de béton de Steinbourg. Mais « je ne veux pas lâcher mes clients », explique Claude Gstalter, stratège. Il s’est fait une spécialité de cumuler et varier les marchés, saisissant les opportunités, et garantissant ainsi son indépendance. L¹entreprise est, par exemple, spécialisée dans l’évacuation par benne de boues résiduelles, activité aujourd’hui effectuée auprès de la station du service des eaux et de l’assainissement de Saverne. Claude Gstalter a en tête de remporter d’autres contrats similaires en répondant à des appels d’offres. Le secret : « La flexibilité. Les tracteurs sont tous équipés pour décrocher – raccrocher. Nous modulons beaucoup. » Pour servir les ambitions de croissance du père et du fils, le duo a fait le choix de considérablement étoffer le parc, aujourd¹hui de 28 véhicules dont deux camions malaxeurs, contre 19 en 2015. En conséquence, le chiffre d’affaires a augmenté d’un tiers environ sur cette même période, pour s’établir à 3,4 millions d’euros en 2017. Aujourd’hui, le parc est quasi exclusivement composé de véhicules répondant à la norme Euro VI. « Nous renouvelons le parc tous les cinq ans, explique Claude Gstalter qui insiste sur la nécessité de disposer de véhicules récents : « Je suis transporteur, pas garagiste. » L’été dernier, à la demande des clients, tous les chauffeurs ont été équipés d’un smartphone avec système de localisation. Montant de l’investissement : 5 000 euros. Et d’autres mutations pourraient suivre. La labellisation Objectif CO2 ? « Il faudra que je m’y mette », assure le patron. Envisager de tester un véhicule GNV ? « Tout le monde en parle, mais on ne va pas foncer pour le moment. On reste à l’affût, à un moment il faudra y aller. Et je n’y suis pas du tout réfractaire. » Dans l’immédiat, le dirigeant, épaulé par son fils Julien reste fidèle à ses mots d’ordre : « Qualité de service et disponibilité ». Quant à envisager une future transmission d’entreprise, « on va continuer dix ans et après on verra », sourit le patron.
L’entreprise a beau être son « bébé », Claude Gstalter ne cache pas la difficulté de la faire tourner. « Il n’y a plus de personnel disponible, le préavis de huit jours nous met régulièrement en difficulté, et la conjoncture est ce qu’elle est », résume le chef d’entreprise qui se prend parfois à regretter ses débuts, quand « le travail était plus simple. Aujourd’hui, pour faire la même exploitation, il faut trois fois plus d’encadrement », estime-t-il. Dans cette entreprise où deux tiers des trajets s’effectuent en longue distance (contre un tiers environ il y a une dizaine d’années), « pas facile, raconte Claude Gstalter, de trouver des conducteurs disposés à passer la semaine loin de chez eux ». « On n’explique pas assez aux jeunes du secteur les contraintes du métier », juge le quinquagénaire qui prend régulièrement le volant « au pied levé » lorsque c’est nécessaire. Autre complication liée aux secteurs d’activités sur lesquels opère l’entreprise : le renforcement des contraintes réglementaires. « On reçoit des protocoles de sécurité à longueur de journée », soupire le patron qui note, aussi, le changement des conditions de travail depuis l’avènement du téléphone portable. Aujourd’hui, lui est joignable à toute heure ou presque par ses équipes qui peuvent, semble-t-il, abuser de cette immédiateté des échanges. Interrogé sur sa charge horaire de travail, il lâche pourtant dans un sourire : « Quand on aime, on ne compte pas. »
• Siège : Saverne (67)
• CA 2017 : 3,4 M€
• Effectif : 32 personnes dont 29 conducteurs
• Parc : 28 moteurs (26 tracteurs et deux camions malaxeurs)
• Activités : citerne, fourgon, benne