Février, c’est le mois des grandes manœuvres chez la Snat, spécialisée dans le transport exceptionnel (aéronautique, menuiserie industrielle, chantiers navals, matériels roulants). Sur le site de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), des cartons de déménagement sont entreposés ici et là. Signe qu’une page se tourne pour cette PME, seulement deux mois après avoir fusionné avec Idea Transport (filiale du groupe de logistique industrielle Idea) et ne faire qu’un. « Nous venons de déménager l’exploitation, l’activité commerciale et la partie administrative à Nantes sur un site de 15 000 m2. Quelques travaux d’aménagement extérieur sont prévus. Le site sera pleinement opérationnel au cours du second semestre 2019 », indique Michel Mezard, directeur général de l’entité réunie. Les trois exploitations étaient jusqu’alors dispatchées dans un rayon de 80 km. L’objectif de ce transfert est de « centraliser pour être plus performant », explique le DG. L’activité transport reste sur le site nazairien, dans la zone industrielle de Brais.
C’est donc une étape de plus pour la Snat, à l’histoire bien particulière. Tout commence en 1982, lorsque la société Atlantique Transport, créée en 1942 et spécialisée dans le transport exceptionnel pour les chantiers navals, fait faillite. Elle est alors reprise par 14 salariés (sur une soixantaine d’employés) sous forme de Scop. Ainsi est née la Société Nouvelle Atlantique Transport (Snat). L’entreprise, située sur le port de Saint-Nazaire, s’appuie sur de grands donneurs d’ordres, comme les chantiers de l’Atlantique, Airbus et Decathlon, avant de déménager en 2000 sur son site actuel. Louis Cochard, président de la Snat, est sur le point de prendre sa retraite et de passer le volant à Philippe Bourdaud. Au même moment, les chantiers navals, principal client, sont en proie à des difficultés financières. La Snat se tourne alors vers la société MTTM (devenu Idéa Groupe en 2011) qui entre au capital à hauteur de 35 %, les salariés restant actionnaires à 65 %. La Scop poursuit la diversification de son portefeuille clients, principalement dans l’aéronautique mais devient tributaire d’Airbus, qui pèse 25 % de son chiffre d’affaires. Malheureusement, le géant de l’aéronautique connaît à son tour des perturbations financières et doit changer son plan de vol en 2007. « La Snat, qui était un prestataire direct, devient un sous-traitant de rang 2 ou 3 », indique Michel Mezard. S’ensuit « une période douloureuse ». L’entreprise nazairienne compte à l’époque 120 salariés, dont 107 conducteurs, et réalise un chiffre d’affaires de 10 à 12 millions d’euros (35 % dans l’aéronautique, 20 % dans les chantiers navals, 10 % dans la menuiserie industrielle, le reste étant partagé entre l’industrie généraliste et la grande distribution).
C’est en 2010 que Michel Mezard rejoint la Snat comme directeur général. Son ambition est de « changer la physionomie du portefeuille et faire la différence ». L’entreprise diversifie alors son activité pour moins dépendre de l’aéronautique, développe un savoir-faire dans la menuiserie industrielle puis arrête l’activité conteneurs et la grande distribution. Pour le DG, il s’agit de « passer la tempête » et dégager un résultat d’exploitation « convenable », à hauteur de 4 %.
De son côté, le groupe MTTM grossit et développe en 2008 une expertise en transport exceptionnel avec sa filiale Idéa Transport, sans mettre en danger la Snat. « Les structures étaient de même taille, avaient une activité complémentaire et deux organisations qui vivaient en parallèle en bonne intelligence », indique le dirigeant. Et l’idée d’un rapprochement entre les deux entités commence à germer. « Soit on s’intéressait ensemble à la croissance d’un groupe, soit on restait isolés, se souvient Michel Mezard. De plus, les clients du groupe recherchaient une offre unique et globale (logistique, conditionnement, transport, etc.). La fusion répondait alors à cette attente. »
Le seul hic est qu’une fusion implique de quitter le statut de Scop. « Ça a été un chemin de croix ! », se souvient le directeur général. La première fois que la question de la fusion est posée en assemblée générale, en 2017, 92 % des salariés actionnaires de la Snat répondent « oui ». « Ils avaient compris l’intérêt d’être adossé à un groupe. Pour autant, cela ne voulait pas dire que tous étaient enthousiastes. » Finalement, l’entreprise nazairienne devient une SA en septembre 2018 et toutes les parts sont vendues à Idea Transport. La fusion entre les deux entreprises est actée deux mois plus tard. L’ADN participatif est conservé. « Les 220 collaborateurs de l’activité transport peuvent, s’ils le souhaitent, participer à l’actionnariat salarié du groupe via un fonds commun de placement d’entreprise », indique Michel Mezard. Un avantage selon lui : « Cela offre à chacun la possibilité d’un partage de résultat global et non plus uniquement adossé à l’activité de transport. » Un choix fait par 40 % d’entre eux.
Peu à peu, les quatre lettres jaunes sur fond bleu de la Snat vont disparaître du paysage pour adopter la nouvelle identité d’Idéa Transport. « Toutes les bâches des véhicules seront changées d’ici trois ans », précise-t-il. Michel Mezard souhaite créer de la valeur pour absorber l’impact de la fusion sur les charges, chiffré à environ 200 000 euros. « Il faut retravailler le portefeuille des deux entreprises. Plutôt que de grossir, nous allons privilégier des partenariats », à l’image du groupement MaxLog West composé de transporteurs de la Région Pays de la Loire. Nous allons aussi centraliser l’ensemble de l’exploitation à Nantes pour améliorer la gestion des flux. De quoi gagner quelque 400 000 euros en marge nette et absorber le surcoût de charge occasionné par la fusion. L’arrivée depuis fin 2018 d’un gestionnaire de parc pour l’entretien du matériel va aussi permettre de faire des économies. D’autant qu’une nouvelle cellule d’affrètement, renforcée par la présence de deux personnes, apporte désormais une réponse adaptée lors d’appels d’offres logistiques.
Les deux entreprises réunies visent un résultat d’exploitation de l’ordre de 8 % (contre 6 % en 2008) et un chiffre d’affaires de 23 millions d’euros, tout en poursuivant les investissements annuels sur le matériel à hauteur de deux millions d’euros. « L’évolution du CA attendue est de l’ordre de 2 % par an en transport en propre hors CA développé par la cellule affrètement », indique Michel Mezard, dont la stratégie s’oriente vers trois axes majeurs : la logistique urbaine, la proposition d’offres globales pour les menuisiers industriels et la digitalisation des process de transport.
Digitalisation des cabines, véhicule autonome, fin des énergies fossiles, logistique urbaine, nouvelle motorisation… Autant de sujets sur lesquels se penche la Snat, devenue « Idéa Transport ». Ainsi, avec La Poste, l’entreprise nazairienne a répondu à l’appel à projets de Nantes Métropole baptisé « Flux » (Fabriquons la logistique urbaine ensemble). L’objectif est de faire émerger et faciliter la mise en œuvre d’actions liées à la logistique sur le territoire, qui permettront de réduire l’impact environnemental et les nuisances liées au transport de marchandises en ville. Reste à savoir si la société de transport sera lauréate. Réponse au printemps…
F. F.
• Siège : Saint-Nazaire (44)
• CA prévisionnel 2019 : 23 M€
• Effectif : 220 collaborateurs, dont 200 conducteurs
• Parc : 186 moteurs, 315 semi-remorques
• Activités : transports exceptionnels (aéronautique, menuiserie industrielle, chantiers navals, matériels roulants)