Enfin ! Après des semaines de patience, les deux Iveco au GNC des Transports Testud (26) relient depuis plus d’un mois Montélimar à la région de Marseille, pour livrer des marchandises générales en camion complet. « Ils disposent de 400 km d’autonomie et effectuent du TAD quotidien sans problème, lance Romain Testud, directeur général de l’entreprise, implantée à Savasse (26). Nous travaillons sur le projet depuis 2015, mais il a fallu vraiment patienter avant que n’ouvre la station de Montélimar, à deux pistes. A Lyon-Corbas, nous attendons toujours. Et vers Marseille, la station de Port-Saint-Louis-du-Rhône reste trop éloignée de l’axe principal A7–A8…. ». Pourtant, malgré ces lenteurs, le jeune transporteur ne lâche pas l’affaire et s’apprête, d’ici à 2019, à investir dans sept ou huit autres camions au gaz pour sa flotte de véhicules bâchés régionaux. Question de génération, plus sensibilisée au réchauffement climatique ? Âme de pionnier ? D’origine ardéchoise et implanté dans la Drôme, Romain Testud se reconnaît bien dans l’esprit conquérant qui a animé les Dentressangle ou Mazet, descendus des monts d’Ardèche pour développer leur entreprise de transports dans la vallée. Sans la même appétence pour la croissance sans limite, toutefois.
Pourtant, après sa création en 1947 par Léon, le grand-père de Romain qui convoie des soies, épices et cafés sur des lignes régulières entre Rhône-Alpes, Rouen et Le Havre, l’entreprise s’était fortement développée avec les parents de Romain, Guy et Chantal, qui avaient repris en 1977 ses trois agences et ses 80 salariés. Ils maintiennent l’activité de lignes, lui ajoutant la messagerie puis, en 1991, le vrac. Si bien qu’en 2000, le groupe compte 18 sites et 800 salariés lorsqu’ils revendent presque tout sauf la filiale vrac, Testud Vrac, qui affiche alors une vingtaine de salariés, environ autant de véhicules, un site fantôme à Lyon et son siège actuel.
« Mes parents voulaient préparer leur retraite plus en douceur, explique aujourd’hui Romain, qui, arrivé en 2001 après un Bac + 4 dans le transport, détient aujourd’hui la PME à 98 %, le reste appartenant à ses parents. Quant à moi, le préférais préserver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Je suis né au milieu des camions et je voulais me concentrer sur la qualité du transport, notre métier. Pour tenir en messagerie, compte tenu de la forte concentration qui s’annonçait, il allait falloir beaucoup investir, grandir vite et risquer de perdre en qualité. » Or, le mot qualité constitue un leitmotiv pour le transporteur qui le décline dans tous les champs de son activité. Il maintient, par exemple, le vrac, mais en affinant son approche par une démarche Qualimat qui, par une maîtrise du nettoyage entre chaque transport, voire de la désinfection, permet d’éviter la contamination physique, chimique ou biologique des aliments destinés aux animaux. « Il y avait tout, ici, pour développer une activité en Qualimat, explique Romain Testud. Le garage, le parking sécurisé et la station de lavage »… Cette dernière, d’ailleurs, a été réhabilitée l’an dernier pour un équipement de 300 000 € qui permet de filtrer l’eau et d’en recycler 75 %, en assurant tous les degrés de lavage requis par Qualimat. La station, certifiée, accueille d’ailleurs les véhicules de plusieurs confrères.
L’attestation Qualimat écarte le transport de déchets, mais a permis à la PME de développer depuis quatre ans en fonds mouvants le transport de produits connexes de l’activité bois, qui complète celui de céréales, de tourteaux… La part du bio, aussi, se développe, qui conduit parfois à faire, plus régulièrement, plus de kilomètres, vers l’Allemagne ou l’Italie notamment. Mais l’essentiel du chiffre d’affaires de 7,2 M€ en 2016 (sur l’exercice 2017, clos le 31 mars dernier, le chiffre devrait être « comparable ») est réalisé à 65 % en marchandise générale et fret palettisé développé par Romain Testud depuis 2001. L’an dernier, pour ses 70 ans, la PME a d’ailleurs changé de nom – de Testud vrac à Testud transports – et de logo. Oubliées les lignes historiques vers Rouen et le Havre. Aujourd’hui, la PME qui possède un site « fantôme » à Lyon (sécurisé mais servant surtout au relais), s’est tournée vers le sud, en direction de Nice, Marseille ou Bayonne, et beaucoup de transports régionaux et interrégionaux, et une activité assez orientée vers la grande distribution, la grande distribution spécialisée… Romain Testud précise : « Nous ne faisons que du lot complet et, pour bien maîtriser notre outil de travail, nous limitons la sous-traitance à 0,5 % du CA et traitons à plus de 85 % en clientèle directe ». La PME recense quelque 300 clients, dont les trois plus gros pèsent 40 % et travaille avec tous les acteurs de la grande distribution sauf les hard discounters. « C’est très dispersé, remarque le directeur général. Mais cela signifie aussi que nous avons la même attention et le même respect pour le petit client que pour la grande entreprise ».
Même souci de qualité du côté de la flotte, qui possède l’informatique embarquée depuis 2001. Outre les deux Iveco (au GNC), la quarantaine de véhicules des Transports Testud portent presque tous le label Euro VI. Fin 2016, Romain Testud a monté avec Michelin une démarche pour placer, en même temps qu’une géolocalisation, un système d’alerte sur la pression des pneumatiques de remorques. « 75 % des problèmes pneumatiques des dépannages liés aux remorques, note l’entrepreneur. Maintenant, dès qu’on perçoit une perte de pression, on alerte le conducteur, on anticipe l’éclatement et la baisse de rendement ». Depuis, la PME a enregistré une grosse baisse des éclatements, donc des coûts et de l’insécurité associés. Des camions en plus ? C’est toujours possible dans le contexte de reprise économique. Mais pour Romain Testud, le principal souci aujourd’hui est de trouver les ressources humaines qui les pilotent. L’ancien exploitant sait pouvoir compter sur les deux « chefs d’orchestre » à l’exploitation, Maxime et Gilles. Pour le reste, attirer les conducteurs qui possèdent les compétences requises – et les conserver – reste un souci quotidien. « Nous développons vraiment le respect des équipes qui travaillent d’arrache-pied, dit-il. Nous avons mis en place une mutuelle dès 2009. Nous veillons au niveau de rémunération, mais aussi au bon matériel et au confort en cabine avec, par exemple la climatisation de nuit ou l’informatique embarquée dont nous nous sommes équipé depuis longtemps. Nous réfléchissons aussi à la création d’une salle de sport-fitness pour nos équipes sédentaires et roulantes ». Le directeur, qui regrette que certains jeunes alternants aillent voir ailleurs une fois formés, a même recruté il y a un mois un recruteur-formateur pour mieux accueillir les nouveaux conducteurs, les accompagner, éventuellement les former. « Nous envisageons de lui confier aussi la formation éco-conduite de rappel, en complément de la formation initiale annuelle qui reste externalisée. » Et qui sait, la conduite au GNC ne pourrait-elle devenir un argument attractif pour de jeunes générations de conducteur ? « Cela pourrait revaloriser le métier, souligne Romain Testud. La conduite est plus confortable, sans odeur de gasoil et avec un bruit du moteur plus rond. Puis, il serait plus enthousiasmant de rouler au gaz pour certains jeunes qui ont des convictions écologiques fortes. » L’avenir ? La PME investit aujourd’hui 1,2 M€ dans une zone de stockage déporté de 1 800 m2, équipée de panneaux photovoltaïques. Ce n’est pas une ouverture vers la logistique, selon le dirigeant. Une autre activité se profile aussi. Le patron reste discret sur sa nature. « Mais ce sera forcément dans le transport, ajoute-t-il. C’est notre métier avant tout. Et notre objectif est de garder le cap, de respecter la parole donnée et d’exécuter un transport d’aplomb, afin que les clients n’entendent pas parler de Testud… » Sauf en bien.
• Siège : La Savasse (26)
• CA 2017 : 7,2 M€
• Effectif : 49 salariés, dont 45 conducteurs
• Parc : 45 moteurs
• Activités : vrac (céréales, fruits et légumes, produits connexes de l’activité bois), marchandises générales