Depuis ce début d’année 2019, c’est officiel : Gert Hickmann*, fondateur de BH Développement, groupe basé à Corbas (Rhône), a pris sa retraite. S’il reste, avec sa famille, l’actionnaire principal, il cède la direction pleine et entière à celui qui était déjà son associé et le directeur général du groupe, Éric Bernard. « Lorsque j’ai intégré l’entreprise en 2010, raconte celui-ci, c’est parce qu’il avait déjà cette ambition de transmettre. C’est atypique. Cela nous a conduits à avoir une véritable relation de famille. »
Éric Bernard est donc à la tête de TBH, société historique fondée à Albertville (Savoie) en 1975, de BH Location et des Transports Chipier, les filiales de la holding. L’ensemble est basé sur 4 hectares de la zone logistique de Corbas, à l’est de Lyon. Sans compter des bureaux complémentaires à Brignais (ancien site de Chipier) et à Tournon, en Savoie, « un site maintenu pour respecter l’ancienneté de quelques employés, notamment notre excellente facturière », précise Éric Bernard. Une particularité liée à l’activité, 60 % des quelque 280 conducteurs ne sont pas basés à Corbas, mais recrutés, formés et accompagnés sur le territoire national, par quatre responsables réseau : un pour l’Ouest, un pour le Nord et Paris, un pour l’Est et un pour le Sud-Est.
L’activité principale du groupe consiste à assurer – pour Gefco (produits industriels), DHL, UPS, Chronopost, Colipost, Schenker, TNT, etc. – des flux cadencés sur des lignes régulières, à 75 % de nuit, pour un service accéléré. « Depuis mon arrivée, j’ai beaucoup industrialisé les choses, assure Éric Bernard. Ainsi, pour optimiser les moyens, nous avons augmenté la rotation des véhicules [ils roulent 180 000 à 200 000 km/an] et développé les relais. Nous avons très peu de découchés, et jusqu’à quatre conducteurs peuvent se relayer sur un même camion. »
Mais si cette organisation a apporté à la société, selon le dirigeant, « un trend de rentabilité à 5 % » (jusqu’en 2017, 2018 étant « plus corsée »), elle atteint aujourd’hui ses limites. « Chaque responsable réseau doit gérer environ 80 conducteurs, c’est lourd, constate le dirigeant. Même si nous avons une exploitation fonctionnant 7 jours/7 et 24 heures/24, les chauffeurs ont besoin d’être reliés à une structure, pour leur management et pour l’attachement à l’entreprise. »
Le nouveau P-dg ne reste donc pas en roue libre : « Nous voulons nous développer, assure-t-il. Face à la guerre des prix et à la pénurie de conducteurs, nous allons le faire par croissance externe. » Avec pour objectif, entre autres, de doter le groupe de sites lui permettant d’être au plus près de ses conducteurs les plus éloignés de Lyon. Depuis novembre dernier, une personne est chargée de rechercher des cibles potentielles, et une affaire – encore secrète – est en vue pour les mois qui viennent. « Il s’agira de préférence d’une diversification, commente Éric Bernard, car nous sommes déjà chez tous les donneurs d’ordre de la traction. » Il ne ferme cependant pas les portes à une opération de consolidation. « La cible est large afin d’envisager plusieurs scénarios de stratégie », indique le transporteur.
Le rachat des Transports Chipier, en 2013, visait déjà une consolidation de l’activité traction. L’activité de TBH avait en effet été réorientée, dès 2006, de l’affrètement à 65 % à l’international (Italie essentiellement) vers la traction (principalement en France, l’international ne représentant plus que 18 % du chiffre d’affaires). « Aujourd’hui, TBH organise des flux multiclients, tandis que les Transports Chipier assurent des tractions monoclient en boucle », commente Éric Bernard.
Si les deux entreprises ont des comptes d’exploitation distincts, elles bénéficient d’un pilotage opérationnel commun avec un service plans de transport et exploitation sous la responsabilité de Laurent Minvielle, directeur des opérations : « Après avoir collaboré avec le directeur commercial à la réponse à l’appel d’offres, explique celui-ci, j’élabore le plan de transport. S’il s’agit d’une boucle pour un seul client, c’est simple. En revanche, s’il s’agit de monter une ligne transversale en croisant les besoins de plusieurs clients, cela devient plus complexe. »
Cet ancien directeur pick-up and delivery de TNT, recruté par BH Développement en 2017, monte aussi, pour certains clients, des solutions sur mesure. Une activité commercialisée sous la marque « BH Solutions » est, selon le dirigeant, « une porte d’entrée vers la diversification ».
Depuis un an et demi, cinq véhicules sont consacrés à Sonelog, société logistique du groupe Sonepar, pour la distribution de pièces détachées électriques dans différents magasins. Plus récemment, début 2019, le transporteur rhodanien a monté pour Kuehne + Nagel une équipe déportée de 11 conducteurs des Transports Chipier avec autant de véhicules pour le groupe Action. Ce distributeur néerlandais de produits non alimentaires a ouvert cette année un nouvel entrepôt à Belleville, au nord de Lyon, d’où les véhicules Chipier partent livrer tous les magasins du Grand-Est. « L’objectif est de passer à 15 véhicules et 17 conducteurs à fin juin », assure Éric Bernard.
Cette activité de solutions sur mesure rapporte actuellement 10 % du chiffre d’affaires du groupe. Un peu moins de 14 % est par ailleurs assuré par BH Location. Celle-ci loue des non-moteurs (semis en débord) à des transporteurs, mais représente aussi, explique le patron de la holding, « un vrai modèle économique » : TBH et les Transports Chipier n’ont en effet pas de parc propre et louent tous leurs véhicules à BH Location, à un prix attractif et, surtout, constant. « TBH et Chipier vendent à un prix qui supporte toujours la charge du renouvellement, explique Éric Bernard. Quand on propose des solutions de flux accélérés, on est obligé de renouveler les véhicules tous les trois ou quatre ans. » DAF, partenaire du groupe, s’est ainsi engagé à reprendre le matériel à 600 000 km. Les conducteurs des deux sociétés sont pour autant mobilisés et formés à une réduction des consommations. C’est l’une des actions conduites par TBH depuis six ans et Chipier depuis cinq ans dans le cadre de leurs chartes Objectif CO2. Autre domaine d’action : les pneumatiques, dont les besoins en retaillage, recreusage, etc., sont suivis par une personne chargée du support Euromaster. Celle-ci vient régulièrement sur le site de Corbas, en renfort des six personnes du service parc de BH Développement. Le groupe rhodanien prévoit de passer à la labellisation CO2 en janvier 2020.
• Siège : Corbas (69)
• CA : 50 M€ (2018 consolidé)
• Effectif : 327 personnes
• Parc : 250 moteurs, 400 semis
• Activités : traction, location de semis, distribution
BH Développement, qui a investi dès 1997 dans un outil de géolocalisation, reste précurseur en la matière, toujours avec Astrata. Éric Bernard, comme Gert Hickmann avant lui, considère que les technologies constituent à la fois un facteur différenciant, un outil de productivité et de qualité de service, comme d’attractivité. « Dès l’insertion de sa carte, le conducteur reçoit son ordre de mission sur sa tablette tactile, explique le dirigeant. Cet ordre est associé à une navigation guidée sur un trajet imposé. » Aujourd’hui, l’entreprise travaille à l’étape suivante : le corridoring. Si un véhicule sort du trajet prévu, par exemple à cause d’une déviation, une alerte est envoyée à l’exploitation, qui déclenche la recherche d’un nouvel itinéraire évitant le moindre retour en arrière (comme c’est parfois le cas avec les GPS). Au siège du groupe, deux techniciens suivent en temps réel l’organisation des lignes dans le système informatique, non sans l’œil – bien humain, lui – du directeur des opérations, des exploitants et, sur le terrain, des responsables réseau.
* Également vice-président de la FNTR Rhône-Alpes.