Le chemin sera sans doute long et chaotique pour beaucoup. Sans doute sera-t-il nécessaire, parfois, d’avancer avec des jumelles pour mieux cerner la route, s’offrir cette sacro-sainte visibilité sans laquelle les chefs d’entreprise se retrouvent sur une voie à péage sans même s’en être rendu compte. Jamais on n’a vu autant d’argent circuler dans la bouche de nos dirigeants français et européens : les milliards de milliards d’euros succèdent aux centaines de milliards d’euros. Du haut de ses marges faméliques, le transporteur scrute sans doute ces jeux d’écritures avec un zeste de perplexité. Les plans de soutien aux filières en difficulté ou en grand danger comme le tourisme, la restauration ou l’automobile figurent sur le haut de la pile des chantiers les plus urgents que doit conduire le gouvernement. Les dispositifs de PGE (prêts garantis par l’État) sont aujourd’hui autant de rustines providentielles qui risquent de devenir, à court terme, une épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants d’entreprise lorsque l’État se présentera à la caisse pour récupérer son argent, celui du contribuable et des entreprises en fait… Et comme il est à deux centimes près – cf. la demande du report, à 2022, du rabotage de la ristourne gazole qu’il se refuse à satisfaire à la grande colère des organisations patronales « après tous ces services rendus » –, on peut s’attendre à ce que la tension sur les trésoreries reste grande dans les prochains mois. En attendant, les transporteurs – les TPE-PME en premier lieu – assistent, incrédules, au retour des pavillons est-européens sur le sol français. Le cabotage (légal et illégal) a repris ses droits et les transporteurs hexagonaux l’observent d’un mauvais œil avec cette impression de se voir confisquer les maigres flux qui commencent à s’échapper d’un appareil industriel en convalescence pour, à l’évidence, encore un bon moment. L’OTRE exhorte les pouvoirs publics à agir auprès de Bruxelles pour le déclenchement d’une procédure de sauvegarde du pavillon français. Sans succès pour l’instant…
Éditorial