Protéger les chauffeurs et assurer la continuité

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Alors que l’épidémie de Covid-19 s’amplifie, les transporteurs protègent leurs conducteurs au front pour livrer les produits de première nécessité en leur fournissant matériels et conseils d’hygiène. Ils organisent le travail pour favoriser la distanciation, cœur de la protection.

Cherche masques, urgent. En ce début de semaine 2 du confinement, « il semble que les restaurants et sanitaires vont rouvrir [ils ont, depuis, rouvert, Ndlr]. On dirait que nos conducteurs retrouvent de la considération, confie Arnaud Ageneau, cogérant des transports éponymes à Cholet (44) qui, comme de nombreuses entreprises, ont ouvert leurs sites aux confrères la semaine dernière. Mais, comme bien des secteurs exposés, les transporteurs manquent encore de protections pour les professionnels qui assurent la livraison de marchandises de première nécessité… « On espère vraiment acquérir des masques, confirme Denis Bertin, directeur général des opérations et du développement des Transports Perrenot. Mais nous poursuivons l’activité de la semaine dernière, avec 70 % des conducteurs sur les routes. »

L’expérience italienne

Car si l’automobile ou le BTP se sont effondrés, l’agroalimentaire, la grande distribution ou les produits d’hygiène ont enregistré un pic la semaine dernière. En première ligne, le leader européen de la livraison de produits frais et surgelés, STEF, a maintenu en activité 80 % de ses 14 000 collaborateurs français, conducteurs, préparateurs de commandes, exploitants… « Notre présence en Italie nous a permis d’appréhender la gravité de la situation et de mettre en place, très tôt, une cellule de crise qui associe tous les métiers et les strates des services en France », explique le directeur.

Idem chez Dupessey & Co, qui a maintenu quelque 170 de ses 200 conducteurs en poste en France, mais qui avait déjà mis en quatorzaine ses salariés livrant de l’autre côté des Alpes. « Avec cet éclairage italien, ajoute Audreyne Copet, responsable de la communication, notre comité de direction, le responsable QHSE, la médecine du travail et les partenaires sociaux ont tenu, la semaine avant le confinement, un CSE exceptionnel pour s’organiser face au Covid-19. »

Équipement protecteur

Suite au discours présidentiel, les entreprises ont toutes créé des cellules ou points quotidiens pour anticiper et s’adapter chaque jour, « dans le flou », confessent la plupart. Chez Bert&You, le premier comité exceptionnel s’est tenu dès le lundi 16, à 11 heures. « Face au pic à prévoir sur la distribution, nous avons repositionné 80 % de nos conducteurs et véhicules sur l’alimentaire, la distribution, le médical et le gaz industriel, note Éric Cabaillé, responsable de la communication. Nous avons opté pour la mise au chômage partiel de la moitié de notre effectif, d’autres en télétravail… Avec une préoccupation majeure : protéger nos conducteurs en activité. »

L’évidence, pour protéger, c’est équiper. Chez Bert, on a renforcé des dispositifs d’alerte de type « homme mort » déjà présents sur les activités sensibles, équipé chacun d’un « kit de prévention avec bouteille de gel d’un demi-litre, gants de latex et masque ». Chez Ageneau, à Cholet (44), où 180 des 300 chauffeurs ont pris la route, « nous leur avons fourni des masques, en prévention, outre leurs gants, remarque Arnaud Ageneau. Et nous leur demandons de prévoir un jerrican d’eau et du savon. On se focalise sur le gel, moins efficace et difficile à trouver ».

Les Transports Leblanc, à Carentoire (56), comme beaucoup d’entreprises, ont d’abord offert leurs quelques masques en stock à l’hôpital local et équipé leur quinzaine de conducteurs encore au volant (sur 40), « d’eau et de savon, note la dirigeante Céline Rio, de lingettes pour désinfecter poignées, volants, objets ». Chez STEF, « nous appliquons déjà des protocoles proches des normes d’aujourd’hui, note Damien Chapotot, tenue propre et protectrice, lavage des mains et nettoyage des postes de travail. Nous avons accentué le dispositif de nettoyage des postes. Nous avons mis à leur disposition, en particulier pour les conducteurs, du savon et du gel hydroalcoolique, très difficile à trouver. Et nous avons surtout beaucoup renforcé les gestes barrières habituels, pour que les collaborateurs soient vigilants entre eux, au dépôt, et avec les clients. C’est fondamental ».

Charger et décharger à distance

La distance, tous les professionnels insistent, s’avère déterminante pour contrer le virus. Faute de pouvoir télétravailler, les conducteurs doivent pouvoir maintenir 1 m-1,50 m avec les autres. Autant que possible, on attribue un véhicule à une seule personne ou, si nécessaire, les postes de travail sont nettoyés à fond. Mais, surtout, les entreprises s’efforcent de sécuriser les opérations de chargement et déchargement, les temps de contact avec des clients et destinataires qui ont aussi leurs protocoles et leurs contraintes. Pas évident de rester en cabine pour des livraisons de proximité, lorsque les manœuvres techniques, ou parfois les destinataires, l’exigent. Chez Dupessey, “« on s’adapte aux clients, assure Audreyne Copet, mais nos consignes sont d’éviter de descendre de la cabine ou de garder la distance de sécurité ». Chez Perrenot, indique Denis Bertin, « pour l’instant, les livreurs continuent souvent à descendre des véhicules, mais seuls, prennent une photo pour conforter la facturation et laissent le bon sans signature chez le destinataire. Les documents seront récupérés plus tard ». Pour favoriser la livraison sans contact, chez STEF, « ce sont les conducteurs qui signent, de manière physique ou dématérialisées, les bons de livraison », explique Damien Chapotot. Pour éviter le contact, les conducteurs des Transports Leblanc restent en cabine, confient leurs clés aux chargeurs et destinataires, comme chez Ageneau où, souligne Arnaud Ageneau, « la lettre de voiture est déposée dans le camion ». Idem chez IVF transports, à Villars (42), où la CMR est souvent posée dans la remorque et où les dix conducteurs (sur onze) qui livrent encore en France, en Allemagne et en Suisse, doivent aussi gérer le passage de frontières. « À la frontière suisse, relève la dirigeante Andréa Denis, il y a moins de points de passage et ceux-ci s’effectuent obligatoirement par des guichets, prennent trois heures au lieu d’une. »

Les QHSE à 100 %

Dans toutes les entreprises où elle existe, la fonction QHSE (qualité-hygiène-sécurité-environnement) s’est imposée au cœur des dispositifs de crise contre l’épidémie. « Nous avions nommé notre responsable en janvier, raconte Arnaud Ageneau. C’est elle qui assure la veille informative et qui gère, notamment les communications numériques en direction des salariés et des conducteurs, en particulier, via l’informatique embarquée… »

Idem chez Perrenot, Bert… ou chez STEF où, selon Damien Chaponot, « le service de QHSE est mobilisé à 100 % sur l’hygiène, en veille et communication quotidienne, travaillant aussi les méthodes et produits à utiliser pour nettoyer de manière approfondie les postes de travail… Et pour vérifier, à distance, que les consignes sont bien appliquées ».

F. R.

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