Le Conseil d’État invalide certains critères du pacte Dutreil

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Jusqu’à présent, l’administration fiscale n’acceptait d’appliquer l’exonération fiscale de 75 % des droits de mutation, dans le cadre du pacte Dutreil, qu’à la transmission d’une entreprise dont l’activité « opérationnelle » (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) était prépondérante. Mais le Conseil d’État vient de mettre fin à cette politique fiscale.

Désormais, la prépondérance de l’activité opérationnelle d’une société, lors de l’application du dispositif fiscal Dutreil, doit s’apprécier au regard d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature et les conditions d’exercice de l’activité. Ainsi en a décidé le Conseil d’État dans un arrêt du 23 janvier 2020 (n° 435562). Un changement de doctrine important dans la transmission d’entreprise via le pacte Dutreil car il en allège un peu les conditions d’application. Rappelons qu’avant cet arrêt, l’administration fiscale exigeait deux conditions cumulatives avant d’appliquer l’abattement de 75 % sur la valeur des titres dont pouvaient bénéficier les cessionnaires d’entreprises. Il fallait que le chiffre d’affaires procuré par l’activité opérationnelle de la société transmise soit égal à au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total, et que le montant de l’actif brut immobilisé corresponde à au moins 50 % du montant total de l’actif brut (voir BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-20140519, n° 20).

Ce qui pouvait conduire au renoncement à l’abattement lorsque la société entretenait une ou plusieurs activités diverses qui impactaient son chiffre d’affaires global et son actif brut de manière conséquente. Pour le Conseil d’État, cette politique de l’administration fiscale en matière d’exonération de droits de mutation n’a plus lieu d’être car seul un faisceau d’indices doit être appliqué pour juger de la prépondérance de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, transmise par décès ou entre vifs. De plus, selon les juges, les dispositions de l’article 787 B du code général des impôts prévoyant l’exonération de 75 %, « ne subordonnent pas l’avantage qu’elles instituent, s’agissant des parts et actions d’une société d’activité mixte, à la condition que le montant de l’actif brut immobilisé représente au moins 50 % du montant total de l’actif brut ».

Un régime fiscal de faveur qui obéit à des conditions complexes

Le Conseil d’État a également rappelé une autre condition d’accès à l’exonération de 75 %, à savoir l’obligation d’avoir signé un engagement collectif de conservation des parts ou actions. Les parties doivent signer un engagement collectif de conservation des titres de deux ans portant sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les entreprises non cotées (depuis la loi de finances pour 2019). Et pour les sociétés cotées, ces seuils sont passés à 10 % des droits financiers et à 20 % des droits de vote. Lorsque l’engagement collectif n’a pas été conclu avant la transmission, il reste possible de bénéficier de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit lorsque des titres ont été détenus depuis plus de deux ans par le défunt pour une portion égale ou supérieure aux seuils devant faire l’objet d’un engagement collectif. De plus, le défunt doit avoir exercé depuis plus de deux ans son activité professionnelle principale ou une fonction de direction, seul ou avec son conjoint ou son partenaire de Pacs ou, depuis 2019, son concubin notoire. Dans ce cas, l’engagement collectif est « réputé acquis ». Les parties ont la faculté de conclure un engagement collectif post mortem dans les six mois du décès. À noter, depuis la loi de finances pour 2019, l’engagement réputé acquis peut s’appliquer aux titres de sociétés interposées. Autre nouveauté depuis le 1er janvier 2020 : un associé détenant un nombre suffisant de parts ou d’actions lui permettant d’atteindre les seuils peut conclure seul l’engagement dit « collectif ». Il faut savoir que le bénéficiaire potentiel du pacte Dutreil doit, à son tour, prendre un engagement individuel de conservation des titres qu’il reçoit pendant quatre années supplémentaires à compter de l’expiration de l’engagement collectif, qu’il doit respecter jusqu’à son terme. Précisons que l’abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis à l’héritier pour le calcul des droits de mutation s’applique en complément de l’abattement en ligne directe de 100 000 euros.

Dans tous les cas, eu égard à la complexité de la fiscalité du régime du pacte Dutreil, il convient de s’adresser à un expert pour savoir exactement ce à quoi vous avez droit.

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