« Nous défendons les textes adoptés en trilogue »

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Les textes adoptés en trilogue* en décembre dernier doivent faire l’objet d’un nouveau passage au Parlement européen. Sur les temps de conduite et de repos, sur le nouveau délai de carence en matière de cabotage, sur le retour au pays d’origine au bout de huit semaines et sur le renforcement des contrôles au travers du chronotachygraphe intelligent, ces textes constituent un progrès sensible pour les pays de l’Alliance du routier, dont la France, selon Isabelle Maître. La représentante permanente de la FNTR à Bruxelles nous livre la feuille de route réglementaire du TRM européen (dans le cadre du paquet Mobilité) pour les prochaines semaines.
L’Officiel des transporteurs : Le paquet Mobilité aborde la phase de sa seconde lecture au Parlement. Pourriez-vous nous restituer le calendrier et les échéances ?

Isabelle Maître : Pour l’heure, nous en sommes à la traduction (par des juristes traducteurs) dans toutes les langues communautaires du compromis du trilogue obtenu le 12 décembre dernier, car il a été rédigé de manière officielle dans la langue anglaise. Ce travail prend un certain temps. La seconde lecture du compromis interviendra dans un premier temps en commission transport (« Tran »). Celle-ci devra se prononcer sur de possibles amendements puisque nous nous retrouverons, en mai, pour un vote en plénière sur la base qui aura été discutée en commission Tran. De nouveaux amendements sont susceptibles d’être déposés par d’autres députés.

Pourriez-vous nous rappeler de quel texte on parle, de quels contenus ?

I. M. : Dans le paquet Mobilité 1, on dénombre trois textes importants. Il y a tout d’abord celui en lien avec le déplacement des travailleurs. On y évoque la formule « à travail égal, salaire égal » appliqué à un travail hautement mobile de par les spécificités du TRM. Nous demandons, depuis longtemps, l’inclusion du TRM dans cette directive détachement dans le cadre de la haute mobilité du secteur. Le texte adopté en première lecture spécifie que le détachement s’applique au cabotage, également à la partie route du transport combiné et au transport international.

Lequel fait l’objet de dérogations…

I. M. : En effet, des dérogations dans le cadre du transit et des bilatérales (entre deux pays) avec la possibilité de deux opérations supplémentaires. Le texte octroie donc des dérogations assez importantes sur le transport international, ce qui ne nous convient pas vraiment mais qui plaît bien, par exemple, aux Tchèques.

Et quid des autres textes ?

I. M. : Le deuxième texte est le règlement 561 2006, texte modifié qui s’applique aux temps de conduite et de repos. Point très important pour nous : le repos hebdomadaire régulier en cabine est strictement interdit. Cette règle avait jusqu’à présent une dimension patchwork, appliquée surtout en France et en Allemagne. Elle s’étend à présent à tout le champ de l’Union européenne. C’est véritablement une bonne chose. Autre nouveauté, l’obligation pour le chef d’entreprise d’assurer le retour chez lui du conducteur toutes les trois ou quatre semaines selon ses horaires de travail. Cette disposition est nouvelle. Le transporteur se doit d’organiser le travail de son chauffeur en conséquence.

Les VUL vont également être concernés par les nouvelles dispositions sur les temps de conduite et de repos. Ils vont avoir l’obligation d’installer un smart tachygraphe à partir de juin 2026 (ce sera en 2025 pour tous les camions engagés à l’international). Ce chronotachygraphe intelligent va permettre d’effectuer des contrôles à distance par le biais de la géolocalisation. Les contrôles vont en sortir renforcés et favoriser un bon respect de la législation.

Reste le troisième texte…

I. M. : On évoque ici deux règlements, le D171 2009 relatif à l’accès à la profession, et le D172 2009 sur l’accès au marché. Il y est question de cabotage. En l’espèce, on ne change pas la règle des 7 jours/3 opérations. En revanche, et c’est très important pour nous à la FNTR, c’est la période de carence qui est fixée à quatre jours. Impossible donc, dans ce délai, de reproduire une opération de cabotage dans le même État-membre et avec le même véhicule. Le cabotage en ressort avec un meilleur encadrement. Cette disposition ne plaît pas beaucoup à nos amis de l’Est mais elle nous convient très bien.

Et dans ce cas précis du cabotage et du strict respect du délai de carence, comment fait-on ?

I. M. : On a recours au chronotachygraphe intelligent qui aura pour principe d’enregistrer tous les passages de contrôle. Jusqu’à présent, le chauffeur devait s’arrêter au passage de la frontière et effectuer (ou pas) manuellement l’opération d’enregistrement.

Il faut noter également cette nouveauté en relation avec les infractions aux règles sur le cabotage et le détachement : les contrevenants s’exposeraient à une perte d’honorabilité en cas de non-respect des règles dans le cadre de l’accès à la profession.

Autre point nouveau, le critère d’établissement s’appliquera pour chaque véhicule. On parle de l’obligation pour ce dernier d’opérer un retour dans l’État-membre d’établissement toutes les huit semaines. On renforce ainsi le lien entre pays d’établissement, véhicule et conducteur. Ce point nous paraît très important. En revanche, nos amis des pays de l’Est y sont très hostiles, notamment les Bulgares et les Roumains.

Le retour de ces textes au Parlement européen ne risque-t-il pas de rebattre les cartes ?

I. M. : Le texte a été voté autant par le Parlement européen que par le Conseil des ministres des Transports. Ces trois textes sont donc adoptés en première lecture. Il est vrai que leur passage en seconde lecture devant les députés européens risque de provoquer une nouvelle salve d’amendements. Nous ne pouvons empêcher l’existence de ces amendements mais notre travail à la FNTR va consister à empêcher qu’ils soient votés. Tout l’enjeu est là et nous allons nous employer, avec le soutien des pays de l’Alliance du routier, à faire en sorte que les trois textes adoptés restent en l’état. Nous sommes déjà actifs sur le terrain et avons entamé un travail important à la rencontre des députés.

Nous sommes toujours à Bruxelles et à Strasbourg dans ce rapport de force entre pays de l’Alliance du routier et pays de Visegrád ? Et l’Espagne qui oscille entre les deux blocs ?

I. M. : En fait, les Espagnols semblent se satisfaire de ces textes notamment de celui sur les temps de conduite et de repos qui octroie, en outre, un peu de souplesse (temporelle) aux conducteurs qui sont à la limite réglementaire pour effectuer leur retour au pays. Rappelons donc que les textes passeront en seconde lecture devant la commission transport du Parlement européen en avril. Puis, en fonction des agendas, il sera soumis au vote en plénière en mai ou juin. Des amendements supplémentaires pourront là encore être apportés aux textes. Si les amendements sont adoptés, les textes passent dans la foulée entre les mains du Conseil des ministres. Si tous les amendements sont rejetés, les textes seront alors publiés au Journal officiel dans les deux mois qui suivent.

* Le trilogue associe des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil des ministres.

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