Déconstruire les stéréotypes de genre dans les métiers du transport : tel est l’objectif principal des ateliers d’une journée organisée par l’Opco Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) pour des prescripteurs de l’emploi dans le Rhône, la Drôme, la Savoie et la Loire, fin 2019, avant l’Ain, d’ici à fin janvier. « Ces prescripteurs sont nos partenaires de Pôle emploi, des missions locales ou de Cap Emploi, mais aussi des organismes de formation, des GEIQ* ou des conseils généraux qui travaillent avec des personnes en insertion, explique Karine Coulon, déléguée interrégionale de l’Opco Aura Bourgogne-Franche-Comté (BFC), qui bénéficie depuis un an d’un financement du Fonds social européen pour travailler sur l’égalité professionnelle femme-homme. Et l’image des métiers passe beaucoup par eux. »
À l’automne 2018, l’Opco (alors Opca) avait engagé un premier diagnostic pour connaître les pratiques dans 100 entreprises de transport en matière d’égalité. « Les transporteurs sont tout à fait enclins à recruter des femmes à des postes de conductrices, remarque Amel Touag, adjointe de la délégation Aura. Tension au recrutement oblige, ils sont même demandeurs. Mais quand ils publient une annonce, 90 % des candidatures sont envoyées par des hommes… C’est pourquoi il faut travailler en amont de l’embauche. » Pour Claire Morandeau, consultante spécialisée en égalité professionnelle qui travaille avec l’Opco, « les prescripteurs d’emploi sont essentiels, car ils sont bien placés pour orienter vers les métiers du transport des femmes qui n’y pensaient pas elles-mêmes. La moitié des femmes ne s’orientent “librement” que vers onze familles de métiers sur les 87 existantes… Ça crée l’envie de réfléchir ». Réfléchir, pour déconstruire : telle était justement la proposition des ateliers de l’Opco qui, sur une journée, se divisaient entre une présentation et une discussion avec la consultante Claire Morandeau puis des échanges concrets sur les sites d’entreprises déjà actives en matière d’égalité femme-homme.
Pour la consultante, la priorité pour les prescripteurs est de « mettre de nouvelles lunettes de l’égalité ». En travaillant sur le langage, par exemple. « Dans les offres d’emploi, on peut faire mieux que le laconique “H/F” après le titre du métier, note-t-elle. “Conductrice/conducteur”, c’est simple et cela active dans le cerveau une représentation féminine. » Les chargés de recrutement doivent aussi mieux connaître la réalité des métiers. « Conduire de grands véhicules ne demande plus aujourd’hui la même force physique, rappelle Amel Touag. De même, les équipements pour charger et décharger s’améliorent et évitent de porter des charges lourdes. » Karine Coulon complète : « Toutes les conditions de conduite ne sont pas accessibles à tous. Certains ports de charge requièrent une grande force, mais la plupart des postes sont ouverts au public féminin. »
Nathalie Mariadassou, responsable d’équipe de Pôle emploi à Belleville (69), qui se dit, avec son équipe, déjà sensibilisée à la féminisation des métiers, estime tout de même que l’atelier de l’Opco a apporté un nouveau regard sur le sujet : « Au-delà des outils qui donnent une autre image du transport, il faut aborder concrètement l’accompagnement, par exemple par le biais de la formation et de l’immersion… Cela permettrait aussi que les femmes qui arrivent dans l’emploi soient accueillies dans un contexte favorable à leur intégration. » Lors de l’un des ateliers Opco, début décembre dans le Rhône, la visite des transports de voyageurs Berthelet et de BH Développement visait justement à découvrir des « contextes favorables », dans des entreprises volontaires sur le sujet. Les participants y ont rencontré une conductrice et des responsables RH chargés de l’égalité professionnelle. Ainsi, dans le groupe BH Développement, l’égalité femme-homme fait l’objet, depuis trois ans, de la signature d’accords d’entreprise, d’un diagnostic et d’un plan d’action, avec une part des conductrices qui atteint aujourd’hui 6 %, soit le double du taux national. « L’accueil des prescripteurs d’emploi s’inscrivait dans notre partenariat avec l’Opco, remarque Arnaud Froment, le DRH. Notre génération est plutôt décomplexée vis-à-vis de l’image des métiers, mais nous devons encore travailler dans les détails des organisations, comme sur l’image que nous renvoyons aux demandeurs d’emploi. Sur notre fiche de présentation du métier de la conduite, le professionnel en photo est une conductrice. »
*Groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification