Préconisée dans le rapport Hémar-Daher*, encouragée par le Premier ministre Édouard Philippe, la structuration de la filière logistique est lancée. « Je me félicite que toutes les fédérations et associations du secteur aient répondu positivement, salue Jean-Baptiste Djebbari. L’enjeu est notamment de s’assurer que les biens importés et consommés en France transitent par les ports, aéroports et entrepôts français afin de créer, sur notre territoire, la valeur et les emplois associés. » La première pierre de cette coordination nationale a été posée le 8 janvier à Paris, avec la création de la plateforme France Logistique.
En présence du secrétaire d’État aux Transports, des dirigeants des fédérations et associations du secteur, ainsi que de plusieurs représentants des pouvoirs publics dont ceux de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), de la Direction générale des entreprises (DGE) et de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGGDI), son premier conseil d’administration a permis de préciser son fonctionnement, ses champs d’action et ambitions. Sous la forme d’une association, France Logistique est vouée à devenir la voix unifiée des entreprises privées représentant l’offre et la demande sur un périmètre élargi de la chaîne logistique. Ce périmètre couvre tous les transports terrestres dont routiers, les interfaces terre-mer-air et les activités logistiques. Présidé par Anne-Marie Idrac – accompagnée de Jean-Christophe Pic, comme vice-président, et d’Éric Hémar en qualité de trésorier – son conseil d’administration se compose à parité de deux collèges qui financent l’association. Le premier regroupe des organisations et associations professionnelles (FNTR, TLF, TLF Overseas, OTRE, Aslog, Afilog et AUTF), le second des entreprises souhaitant adhérer à la plateforme. L’adhésion à ce second collège « est libre », précise Anne-Marie Idrac, qui fait le vœu de réunir « des entreprises de toutes tailles », actives « sur tous les maillons de la chaîne logistique ».
Chargé d’alimenter France Logistique « en données structurées sur la filière », un conseil scientifique composé de l’Ifsttar, du CRET-LOG, du CNR et de l’AFT assiste ce conseil d’administration. Au cas par cas selon les sujets traités, celui-ci s’appuiera également sur les travaux de fédérations professionnelles partenaires que sont France Industrie, la FCD (commerce et distribution), la CGI (commerce de gros) et la Fevad (commerce à distance). « France Logistique n’est pas une organisation professionnelle de plus. Elle traitera des sujets communs à l’ensemble de la chaîne logistique sans se substituer aux compétences des différentes fédérations existantes », prévient Anne-Marie Idrac.
Autour de cette organisation, France Logistique remontera les projets et propositions communes des acteurs privés du secteur aux pouvoirs publics. Pour ce faire, sa présidente, accompagnée selon les sujets traités des représentants des fédérations compétentes, siégera chaque mois au sein d’un comité exécutif mensuel de la logistique. Deuxième brique de la structuration de la filière, ce Comex logistique est présenté comme « une instance de dialogue publique-privée ».
En plus des membres de France Logistique, ce comité est composé des directeurs généraux de la DGITM (Marc Papinutti) et de la DGE (Thomas Courbe) épaulé, le cas échéant par d’autres directions du ministère de l’Économie et des Finances. « Piloté par la DGITM et la DGE, ce Comex, dont la première réunion était programmée le 15 janvier, a pour missions d’étudier, d’élaborer et de veiller à la mise en œuvre des décisions concernant l’ensemble de la filière », explique Anne-Marie Idrac. À ce titre, « il préparera les comités interministériels de la logistique [Cilog annuels voire biannuels, Ndlr] », dont le premier est annoncé avant les prochaines élections municipales (15 et 22 mars 2020]. Chargés de relayer et de suivre les travaux décidés lors des réunions mensuelles du Comex, auprès des autres administrations publiques en particulier, deux chefs de projet ont été nommés au sein de la DGITM (Olivier Boulnois) et de la DGE (Éric Berner, appelé à être remplacé à la suite d’un recrutement spécifique en cours).
L’un des objectifs de cette nouvelle coordination logistique publique-privée est de hisser la France dans le top 10 du classement de la Banque mondiale sur la performance logistique (16e position en 2018). Dans cette per-spective, France Logistique s’est fixé cinq champs d’action prioritaires, qui sont autant d’enjeux pour la filière : « favoriser sa compétitivité, contribuer à sa transition énergétique, améliorer son image et accompagner l’évolution de ses métiers et de sescompétences, la logistique urbaine et la planification logistique du territoire ». Afin d’évaluer l’avancée de ses travaux, la jeune association prévoit la mise en œuvre d’indicateurs de performance présentés, d’ici fin 2020, sous la forme d’un baromètre une à deux fois par an.
Pour Jean-Baptiste Djebbari, ces champs d’action devraient structurer le dialogue public-privé autour de plusieurs thématiques. En matière d’écologie, le secrétaire d’État évoque la transition « des flottes des transporteurs vers des motorisations décarbonées » via la promotion d’engagements contractuels notamment (programmes EVE, Objectif et label CO2, par exemple). Il encourage aussi la création « d’un écolabel logistique favorisant les chaînes logistiques vertueuses », ou encore, « le développement d’entrepôts économes en termes de consommation d’espaces et utilisant ses toitures pour produire de l’énergie solaire ». En matière d’attractivité, cette démarche « inédite » devrait servir « à donner de la visibilité à un secteur dynamique qui recrute, établir un plan emplois/compétences partenarial répondre à moyen et long termes aux besoins de la filière ».
Sujet sensible pour tous les acteurs de la filière, du transport routier en particulier, ce dialogue public/privé doit « garantir que la fiscalité applicable au secteur ne pénalise pas sa compétitivité et fluidifier le passage aux frontières en confiant aux services douaniers un rôle de point de contact unique pour les entreprises », ajoute Jean-Baptiste Djebbari. Lequel compte sur le soutien du conseil scientifique de France Logistique pour les thèmes liés à la mobilité urbaine qui devront permettre, selon lui, de « mieux comprendre les flux de trafic urbains » et « identifier et promouvoir les meilleures pratiques déployées dans les territoires et à l’étranger ». Croisant la planification et la définition de schémas d’organisation logistiques en France, le secrétaire d’État relève les enjeux multimodaux via la massification « utilisant la voie d’eau ou le ferroviaire de et vers les grands ports maritimes français », et le soutien « de zones d’implantation logistiques et de plateformes intermodales le long de la vallée de la Seine, de la vallée du Rhône et de l’axe nord ».
De par son parcours en politique et en entreprise, Anne-Marie Idrac possède une expertise reconnue dans le domaine des transports et des mobilités ainsi qu’une parfaite connaissance des rouages et mécanismes de décision au sein des pouvoirs publics. Ancienne élève de l’École nationale d’administration, elle a occupé divers postes à responsabilité aux ministères de l’Équipement, du Logement, de l’Environnement, de l’Urbanisme et des Transports de 1974 à 1995. Elle a notamment été directrice des Transports terrestres (1993-1995). De 1995 à 1997, elle a été secrétaire d’État aux Transports avant d’être élue députée des Yvelines de 1997 à 2002, puis conseillère régionale d’île-de-France. Successivement présidente de la RATP de 2002 à 2006 puis de la SNCF de 2006 à 2008, Anne-Marie Idrac est nommée secrétaire d’État au Commerce extérieur de 2008 à 2010. Elle est aujourd’hui consultante et administratrice dans plusieurs groupes (Bouygues, Total, Saint-Gobain, Air France-KLM, etc.). Anne-Marie Idrac est parallèlement la haute représentante pour la stratégie française de développement des véhicules autonomes.
*Rapport Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable remis le 16 septembre 2019 au Premier ministre Édouard Philippe.