Le plein de super pour le gouvernement

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Le sujet a échauffé les esprits tout au long du second semestre. Gouvernement et organisations patronales du TRM se sont observés tout au long de cette période. Au final, la loi de finances 2020 votée en décembre a acté le principe d’un rabotage de 2 centimes par litre de la ristourne gazole à partir du 1er janvier. Les fédérations patronales font profil bas mais se félicitent d’avoir obtenu des mesures de compensation. Le point avec Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE, et Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR.
L’Officiel des Transporteurs : le gouvernement a finalement acté le rabotage de 2 centimes par litre de la ristourne gazole. Les organisations patronales (OTRE et FNTR en premier lieu) avaient pourtant brandi la menace de « la ligne rouge » à ne pas franchir…

Jean-Marc Rivera : Nous campons effectivement sur un échec. Ce ne peut être une orientation qui nous convienne. Elle n’entend pas faire contribuer les véhicules étrangers au financement des infrastructures, ce qui était l’objectif initial de la ministre (Elisabeth Borne, Ndlr). Par ailleurs, ce n’est pas en alourdissant la fiscalité sur le gazole que l’on va pouvoir atteindre l’objectif de transporter mieux au plan environnemental.

Florence Berthelot : Le sujet des 2 centimes est une très mauvaise nouvelle pour le secteur d’autant que la situation économique des entreprises n’est pas florissante. Le gouvernement a voulu faire croire qu’il risquait d’affronter une fronde de l’opinion publique s’il ne prenait pas cette mesure fiscale. Ce que nous contestons farouchement. Nous serons attentifs sur l’affectation de ces 2 centimes au financement des infrastructures, ce que prévoit le contrat de transition énergétique qui doit voir le jour.

L’absence de front commun a-t-elle pesé ?

J.M. R. : On ne peut dire qu’il y a eu absence de front commun car, sur le fond du dossier, il y a eu une convergence des propositions voire des contre-propositions entre les trois fédérations (OTRE, FNTR, TLF). Sur la forme, nous avons, nous, estimé que nous devions exprimer d’une autre façon notre mécontentement (des actions ont eu lieu le 7 décembre, Ndlr). Les autres fédérations ne l’ont pas souhaité pour leur part. Nous avons dit notre déception même si l’on respecte les choix de chacun.

F. B. : Je dirais que le front commun a tenu un certain temps. La FNTR est une fédération dont le fonctionnement veut que ce soit les professionnels qui décident. Au moment où l’opportunité d’une action sur la voie publique s’est présentée, il n’y a pas eu d’homogénéité entre les fédérations en raison des positions divergentes exprimées par les adhérents. La FNTR a eu recours à tous les moyens possibles pour s’opposer à cette mesure.

Comment avez-vous fait passer le message de la décision gouvernementale auprès de vos adhérents ?

J.M. R. : Nous n’avons pu annuler cette fiscalité ni obtenir de travailler sur une alternative. Il y a, pour autant, une suite à tout cela. La suite, c’est l’accord de transition énergétique. Cet accord est extrêmement important pour l’OTRE qui est à l’origine de la demande. Notre souhait est que tous les acteurs du secteur se mettent autour d’une table pour prendre des engagements dans le but de donner davantage de lisibilité aux entreprises et aux collectivités. Que les contraintes ne se portent pas uniquement sur les transporteurs mais qu’il y ait un véritable engagement de l’ensemble des acteurs de la filière. Il nous paraît important, dans le cadre de cet accord, que l’État s’engage dans la défense de la compétitivité des entreprises de transport routier et, qu’à ses yeux, celui-ci est un secteur stratégique. On veut très clairement se l’entendre dire.

F. R. : Ce sont nos adhérents qui ont fait le choix de ne pas manifester sur la voie publique. Pour autant, un travail de fond a été effectué dans les préfectures, auprès des députés et des sénateurs.

On a évoqué un statu quo en matière de fiscalité jusqu’à 2022, en compensation.

J.M. R. : Le ministre a effectivement pris cet engagement. Nous disons que ce n’est pas suffisant car nous sommes convaincus que, dans les années futures, on va continuer à aller chercher l’argent facile dans la poche des transporteurs pour venir abonder le budget de l’État. Nous ne devons pas rester inactifs et il nous faut proposer d’autres choix, qui conduisent notamment à responsabiliser les chargeurs, avec aussi le but de faire contribuer les véhicules étrangers pour le financement des infrastructures.

Nous devons donc profiter de cette pause fiscale sur le carburant que nous propose le gouvernement pour travailler avec les chargeurs à la question du « transporter mieux et au juste prix ». Ne rien faire d’ici 2022 serait suicidaire.

F. B. : Ce type de mesure ne doit pas se répéter dans les années à venir. Aussi, tout en nous opposant aux 2 centimes, nous avons également voulu sécuriser l’avenir. A priori, c’est en bonne voie puisqu’avec l’administration des transports nous travaillons sur un contrat de transition énergétique qui vise à sécuriser la fiscalité gazole jusqu’à 2022.

Ce même projet de contrat stipule également que nous obtiendrions la mise en place d’une carte d’achat de carburant détaxé. S’il y avait un engagement fort sur ce point, bénéfique pour les trésoreries, ce serait important qu’émerge le principe d’une fiscalité différentiée pour les transporteurs.

Les fédérations professionnelles ont brandi le risque de défaillances en cascades si le rabotage des 2 cts devenait effectif. Ce risque est-il toujours d’actualité ?

J.M. R. : Évidemment qu’il existe toujours. La vraie difficulté que vont rencontrer les entreprises va être de répercuter ce coût supplémentaire. Ce qui n’est pas une mince affaire quand on sait la difficulté qu’ont les transporteurs à faire payer le transport à sa juste valeur, en raison de la présence massive des pavillons étrangers sur notre sol qui, de surcroît, vont détenir un avantage compétitif supplémentaire sur le coût du carburant.

F. B. : Il faudra attendre un peu pour évaluer l’impact de cette mesure. Il nous paraît important que les entreprises se réfèrent à l’indice du CNR qui prévoit l’indexation, compte tenu de la variation de la fiscalité. Il y a un gros travail d’information à effectuer autour de l’existence de cet indice du CNR qui permet de faire varier l’indexation, non seulement en fonction du prix brut du carburant mais également en fonction de l’évolution de sa fiscalité.

D’autres menaces pèsent sur le TRM. On pense à la DFS (déduction forfaitaire spécifique), à la fiscalité des entrepôts, aux bonus-malus sur les contrats courts…

J.M. R. : Les organisations professionnelles se sont mobilisées contre le projet de malus. Le Conseil constitutionnel a invalidé le projet. Mais nous savons qu’il peut revenir sur la table par un autre biais. Il y a un élément sur lequel nous pouvons capitaliser, c’est France logistique qui s’inscrit dans une véritable logique de filière. Il faut espérer que ce projet débouche sur des orientations concrètes.

F. R. : Nous considérons avoir obtenu des avancées considérables sur certains points. Notre action a permis d’éviter la suppression de la DFS. On se retrouve dans un schéma de plafonnement des allégements à hauteur de 130 %. Concernant le GNR, il est question d’une entrée en vigueur échelonnée. Elle permet de préparer les négociations tarifaires avec les clients et l’instauration d’un mécanisme de répercussion à l’instar de ce qui existe pour le gazole routier. Restait la question des contrats courts.

Nous avons bon espoir d’obtenir gain de cause sur la non-intégration du transport – qui peine à recruter – dans ce dispositif. Quant à la fiscalité des entrepôts, elle demeure un sujet très préoccupant sur lequel on nous a promis la restitution d’une étude en mars. Ce sujet fait partie intégrante de la plateforme France logistique qui a été lancée le 8 janvier. Nous entendons bien faire reconnaître qu’un entrepôt logistique n’a rien en commun avec un entrepôt industriel. Bercy fait la sourde oreille mais nous espérons bien que l’union qui prévaut chez tous les acteurs concernés (au-delà du TRM) portera ces fruits.

Au dernier congrès de l’OTRE, Jean-Baptiste Djebbari (le secrétaire d’État aux Transports) s’est engagé sur le maintien de la participation de l’État dans le financement du CFA pour une durée minimale de trois ans. Un engagement sur fond de réforme de la retraite. Faut-il craindre une remise en cause à moyen terme ?

J.M. R. : Il y a effectivement une interrogation sur l’incidence que pourrait avoir la réforme des retraites sur le CFA. Par ailleurs, au-delà des trois ans, l’État nous invite à réfléchir à l’avenir de ce régime. L’OTRE a toujours soutenu le CFA et nous n’avons aucune volonté de le voir disparaître. Il nous faut, toutefois, un système qui soit pérenne et équilibré financièrement. Si on est capable de parvenir à ces équilibres, on ne remettra pas en cause le CFA. Dans le cas contraire, si les équilibres financiers du CFA venaient à être menacés ou s’il y avait nécessité de le réformer pour le rendre plus pertinent, l’OTRE ne serait pas hostile à ce que l’on réfléchisse à un autre dispositif, y compris d’une toute autre nature.

F. B. : En indiquant que l’État maintiendrait sa participation pendant 3 ans, le secrétaire d’État aux Transports a, dans le même temps, inscrit dans le marbre une non-évolution possible du dispositif pendant cette période alors que celle-ci figure dans un protocole signé par les partenaires sociaux en avril 2017. Nous sommes tous conscients que le CFA doit évoluer (une mission d’accompagnement nous a été annoncée et nous l’attendons toujours). Il ne fait pas de doute qu’il y aura un impact du dossier Retraite pour ceux qui sont nés après 1975. Le CFA doit évoluer.

Participe-t-il de l’attractivité du métier ? Je n’en suis pas convaincue. Par ailleurs, répond-il aux critères de pénibilité avancés par les organisations syndicales ? Tout dépend de ce que l’on veut dire par pénibilité…

Kamran Riaz (Alpak transport – 27)

« J’ai fait partie de ceux qui, à la FNTR, ont indiqué qu’ils n’étaient pas favorables à une action d’envergure. Avec les grèves – qui nous impactent car nous sommes acteurs du e-commerce – cela serait revenu à se tirer 2 balles dans le pied. Pour notre part, nous opérons sur des marchés sur lesquels nous pouvons vendre à un juste prix, avec des marges raisonnables. Ce qui nous permet de ne pas être exposés à ce type de fluctuation comme les 2 centimes ».

David Sagnard (Transports Carpentier – 62)

« Tout le monde était contre ces 2 cts mais la base ne s’est pas impliquée. On peut se demander si finalement l’écotaxe n’aurait pas été plus indolore pour les transporteurs car nous – Français – en sommes pour 6 centimes depuis 2015. La répercussion pourra avoir lieu mais, aujourd’hui, il y a des remises en causes au niveau des tarifs. Certains clients nous demandent des concessions, donc ce sont les transporteurs qui en seront de leur marge ».

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