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L’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar) et la Confédération du commerce de gros et international (CGI) viennent de publier un rapport sur les enjeux des politiques locales en matière de mobilité des marchandises dans les villes. Les auteurs pointent les insuffisances et avancent quelques recommandations pour améliorer la place laissée au fret dans les villes.

Selon le rapport, à la lecture de dix PLU (plans locaux d’urbanisme), il existe un écart important entre Paris et les autres villes en matière de planification des activités et de promotion de la logistique urbaine. De manière générale, les petites villes prennent rarement en compte la logistique et le transport de marchandises dans leurs PLU. Par exemple, les PLU de Moûtiers et de Biarritz ne contiennent aucune référence, aucun projet en lien avec le transport de marchandises et la logistique. Certaines villes identifient comme importants les enjeux de la logistique urbaine, mais ne connaissent pas les données liées au transport de marchandises, et manquent de compétences dans ce domaine. Bien qu’on observe une augmentation des études ou du diagnostic fret, notamment dans les plus grandes intercommunalités, elles ne sont pas généralisées dans les plus petites villes. Le rapport indique que les métropoles de Paris, Lyon et Bordeaux, ou des métropoles moyennes comme Orléans et Grenoble, ont effectivement effectué ce diagnostic, mais la majorité des villes interrogées avouent leurs lacunes et se trouvent démunies lors de la réalisation du volet marchandises des plans de déplacements urbains (PDU) pour proposer des données au-delà des enquêtes de trafic ou enquêtes cordons (enquêtes origine-destination) relatives aux poids lourds.

Le rapport relève qu’au sein d’une même agglomération ou d’un même périmètre de transport urbain (PTU), identique généralement à celui du PDU, on constate des variations importantes entre les différents critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises. Chaque commune décide seule de cette réglementation.

Critères de réglementation du fret

L’étude recense l’usage de huit critères pour réglementer le transport de marchandises, le passage des véhicules de livraison ou des véhicules de marchandises traversant la commune. Ils concernent : le tonnage du véhicule, sa hauteur, sa longueur, sa largeur, sa surface au sol, son volume, l’âge ou la date de construction et la norme Euro (ou Crit’Air), et les plages horaires de circulation de ces véhicules. Le tonnage est le critère le plus utilisé ; 78 % des communes observées l’utilisent pour limiter la circulation en ville. La plage horaire, restreignant la circulation à certains moments de la journée, est également utilisée par environ 50 % des communes observées. La longueur des véhicules est un critère utilisé par 20 % des villes, souvent en complément d’une mesure de tonnage. Le tonnage est perçu comme un indicateur synthétique qui limite à la fois le poids et le volume du véhicule. Par ailleurs, cet indicateur est adapté à la charge potentielle qu’une voie peut supporter, sachant que les communes ont la responsabilité de l’entretien et de la réfection des voiries communales. Or, les véhicules les plus lourds sont les plus susceptibles d’endommager à long terme l’état des voiries. La hauteur, la largeur ou le volume sont plus rarement utilisés comme critères, et souvent en complément d’une mesure de tonnage. Ce qui est assez surprenant car de nombreux centres-villes en France correspondent souvent à des centres urbains historiques dans lesquels les rues sont étroites, irrégulières ou sinueuses. Bien que le paramètre de tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes observées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l’ensemble du territoire. On recense des réglementations pouvant aller de 2,5 tonnes à 33 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC).

Décalage dans les objectifs de baisse des émissions

Selon le rapport, il y a encore très peu de zones à faibles émissions (ZFE) en France et quand elles existent, elles sont mal appliquées. Cette situation est dommageable pour les opérateurs de transport qui font l’effort de se mettre en règle et d’avoir des flottes de camions récentes. L’exigence de dépollution pousse les acteurs publics locaux à pointer le transport de marchandises et la logistique. Bien que ces deux secteurs économiques soient reconnus comme des moteurs essentiels du développement, ils restent perçus comme des générateurs de pollution et de nuisance. Or, les politiques de densification des villes complexifient le transport de marchandises en ville, elles devraient donc en théorie s’accompagner d’une politique consacrée à la circulation. La livraison est d’autant plus complexe en milieu très dense qu’elle requiert souvent l’utilisation de véhicules plus petits, comme les véhicules utilitaires légers (VUL), dont la multiplication génère plus de pollution que l’utilisation d’un poids lourd. Le rapport note que moins de 20 % des communes observées ont mis en œuvre les conditions requises pour l’occupation des aires de livraison en fonction de la nature du véhicule, à savoir de sa capacité de pollution définie par l’âge ou la norme Crit’Air. De façon générale, on observe dans les motivations des arrêtés pris par les maires que la question environnementale est rarement au premier plan. Autrement dit, les arrêtés ne sont pas ou sont peu justifiés par la nécessité d’améliorer la qualité de l’air ou la protection de l’environnement en général. Les motivations concernent le plus souvent l’ordre public, la congestion et l’organisation de la voirie et des espaces publics.

Innovation et expérimentations

Les auteurs du rapport soulignent que la promotion des innovations de logistique urbaine est encore hésitante dans les villes étudiées. En dépit de quelques exceptions comme La Rochelle, l’étude montre que les plus grandes métropoles et villes en France sont celles qui investissent le plus dans les innovations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises. Paris, à travers sa charte de logistique urbaine durable, a mobilisé un certain nombre d’acteurs qui n’auraient peut-être pas été aussi présents dans le cas d’une autre commune. Les villes restent contraintes par les moyens à leur disposition. Par exemple, de multiples villes ont testé des démonstrateurs de vélos-cargos, de tramway fret, de logistique fluviale, mais elles « se sont peut-être enthousiasmées un peu vite pour des solutions certes médiatiques mais qui, au final, se sont révélées coûteuses et n’ont pas su trouver leur modèle économique ». La ville de Paris a lancé un appel à projets d’expérimentation Logistique urbaine durable. Les 22 projets retenus sont majoritairement axés sur les outils informatiques d’optimisation des livraisons, des tournées ou de gestion de flux. D’autres projets, peut-être plus prometteurs, portant sur des technologies déjà banales, comme le renforcement de l’aide financière à l’acquisition de véhicules de livraison électriques ou à gaz, n’ont pas été choisis, ou l’ont été de façon trop timide.

De nouvelles orientations

Les auteurs insistent sur le difficile accès aux informations relatives à la régulation du transport de marchandises dans une ville, notamment les arrêtés et règles concernant la circulation et le stationnement.

En effet, chaque agglomération produisant ses propres arrêtés, les réglementations ne sont pas harmonisées, ce qui les rend illisibles. Le rapport appelle les communes à s’organiser pour diffuser les informations nécessaires à la livraison de marchandises, notamment par la mise en ligne des arrêtés. Les chauffeurs– livreurs doivent être incités à les consulter au préalable, il convient de les y sensibiliser et les former, notamment à la conduite en ville. Le recours à la sous-traitance, fréquent dans ce secteur, peut compliquer les possibilités de formation, car une partie de la responsabilité incombe au commanditaire, qui peut être une société de transport voire un commissionnaire. L’étude relève également l’utilité des nouvelles technologies. Par exemple, le développement d’un outil sous forme d’application connectée au GPS du véhicule intégrant les réglementations des communes de l’agglomération pour les véhicules de marchandises, mais également la localisation de toutes les aires de livraison. Par ailleurs, le rapport recommande l’adoption du « curbside management », une gestion globale des espaces de voirie entre le trottoir et les voies de circulation. Cela permettrait de mieux coordonner le partage de la voirie avec les camions, notamment sur les trottoirs et dans les linéaires de stationnement.

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