L’Unostra s’est livrée à un chiffrage du coût, pour la filière TRM, des mesures annoncées par le gouvernement. C’est le chiffre le plus connu : le rabotage de la ristourne gazole lui coûtera 180 M€ chaque année. Une enveloppe qu’il convient d’ajouter aux 360 M€ que les transporteurs versent chaque année dans les caisses de l’État au titre des 4 centimes d’euro d’augmentation de la Ticpe décidés au moment de l’abandon de l’écotaxe début 2015 « pour solde de tout compte », selon l’expression du gouvernement de l’époque, tient à rappeler Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR. La DFS devrait, dans un premier temps, être plafonnée dès 2020. Coût : 755 M€. Deuxième étage de la fusée Bercy : sa suppression à l’horizon 2023 pour un montant total de 240 M€ (80 M€/an). Avec, par ailleurs, la suppression à compter du 1er juillet 2020 du gazole non routier, il en coûtera chaque année, toujours selon les estimations de l’Unostra, 70 M€ aux professionnels qui ont recours à ce carburant (frigoristes, acteurs des travaux publics, utilisateurs de chariots élévateurs, logisticiens). Dans ce domaine, « une réflexion serait menée sur un mécanisme de répercussion comme pour le gazole routier », souligne l’Unostra. Depuis l’an dernier, l’annonce de la requalification de la fiscalité des entrepôts a provoqué une levée de boucliers chez les professionnels concernés. On estime à 15 000 le nombre d’entrepôts en France et « 30 % à 40 % d’entre eux », seraient visés par cette politique de requalification décidée par le gouvernement. Soit un coût de 2 à 3 M€/an. La note totale pour les acteurs du TRM s’annonce salée : 1 Md€.
« Une fois de plus, nos gouvernants sont incapables de faire des économies et manquent d’imagination. Dès qu’ils se trouvent devant une impasse financière, ils taxent et retaxent », s’insurge Jean-Claude Plâ, patron du groupe Vingeanne (52). Le Transporteur de l’année 2019 s’est livré à de petits calculs personnels sur ce que sera l’impact, sur douze mois, de ces mesures sur les comptes de sa société : « Les 2 centimes de Ticpe non récupérés nous coûteront 75 000 euros, soit 660 euros par camion et par an (base : 110 000 km annuels et 30 litres aux 100 km). L’impact de l’arrêt de la DFS ou brut abattu ? Il est énorme : entre 1 000 et 1 500 euros par an et par conducteur courte distance. Cela pourrait représenter environ 50 000 euros sur l’année pour notre groupe. Il faut aussi prendre en compte l’impact sur nos conducteurs qui vont perdre du salaire net avec cette mesure. » Quant à la requalification de la fiscalité des entrepôts, « on parle d’un doublement voire d’un triplement de la taxe foncière », ajoute Jean-Claude Plâ.
De son côté, David Sagnard évalue à 47 000 euros par an, sur son compte d’exploitation, le seul impact du rabotage de la Ticpe. « Plus la somme est réduite, plus ce sera compliqué à répercuter », estime le dirigeant des Transports Carpentier (62), par ailleurs président de la FNTR62. En tout cas, la répercussion ne semble pas être un sujet chez les chargeurs. C’est ce que tient à souligner Denis Choumert, le président de l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) : « À nos yeux, les 2 centimes de Ticpe décidés par le gouvernement représentent un moindre mal et nous accueillons cette mesure sereinement. Pour trois raisons : on paie selon la pollution que l’on dégage ou l’usage de la route que l’on fait ; le coût est proportionnel au kilométrage parcouru ; et puis les fédérations savent très bien que beaucoup de chargeurs ont signé des contrats avec leurs transporteurs qui incluent les clauses de variation du prix du transport selon le prix du gazole. »
Pour Jonathan Delisle (patron des Transports Delisle), le gouvernement « va affaiblir encore plus les transporteurs ». Dans les rangs de la FNTR, on estime que cette pression fiscale supplémentaire se drape derrière les habits de l’écologie pour mieux trouver de nouvelles ressources financières pour l’État. « Ces mesures enlèvent toute capacité d’investissement aux entreprises pourtant engagées volontairement dans leur transition énergétique », déclare Florence Berthelot. « Un saupoudrage fiscal dont personne n’est dupe », pense-t-on du côté de l’OTRE. « Une nouvelle taxation pourrait amener certaines entreprises à renoncer à prendre des marchés au détriment encore une fois de l’économie et de l’emploi. C’est donc le contraire de l’objectif recherché par le gouvernement (lutter contre le chômage) qui risquerait de se produire », souligne-t-on chez les déménageurs de la CSD.
Ce trop-plein fiscal aura-t-il raison de la patience des transporteurs et de leurs organisations patronales ? Depuis l’abandon de l’écotaxe et les + 4 centimes de Ticpe qui ont été institués dans la foulée, les fédérations parlent de « ligne rouge ».
FNTR et OTRE annoncent consulter leurs adhérents afin d’appréhender la suite à donner aux annonces gouvernementales. « La colère est vive sur le terrain. Si le gouvernement ne recule pas, nous ferons face à une rentrée sous haute tension », menace la FNTR. « En une semaine, plus de 500 entreprises nous ont déjà répondu, et une très large majorité se dit prête à se mobiliser si les mesures annoncées étaient confirmées dans le futur projet de loi de finances », indique Jean-Marc Rivera, délégué général de l’OTRE. Lequel parle de recherche de positions communes avec les autres organisations.
Jean-Claude Plâ, lui, se projette sur l’hypothèse d’actions communes transporteurs-BTP. Pour David Sagnard, « on risque de voir resurgir les Bonnets rouges dès lors que nous aurons parlé des répercussions avec nos clients ». Il plane comme un parfum d’écotaxe dans le microcosme. Et peut-être au-delà…
Le feuilleton François de Rugy s’est achevé le 16 juillet avec la nomination d’Élisabeth Borne à la tête du ministère de l’Écologie. La ministre conserve par ailleurs son portefeuille aux Transports. Qu’en pensent les fédérations ?
FNTR
« Une nomination intéressante dans la mesure où nous plaidons pour une convergence accrue entre la politique des transports et la politique écologique. Mais nous serons attentifs à ce que cela ne fasse pas du transport l’ennemi de l’écologie, et de la taxation, l’alpha et l’oméga des politiques publiques nous concernant. » (Florence Berthelot)
OTRE
« Elle aura une vision d’ensemble sur les questions transport et environnementales et possédera presque toutes les clés du camion pour agir efficacement dans l’intérêt de tous. Le renforcement de ces prérogatives lui donne un vrai poids et une réelle responsabilité politiques pour imposer une véritable approche éco-responsable du transport routier. » (Jean-Marc Rivera).
L’Union TLF
« Nous serons également attentifs à ce que notre secteur ne soit pas uniquement traité par le prisme de la transition écologique. C’est bien sûr un axe majeur d’avenir pour toutes nos activités, mais le préalable de tout, c’est la compétitivité de nos entreprises ! Nous espérons qu’elle gardera bien cela en tête sous sa double casquette ! » (Alexis Degouy)